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Maladie et congés payés : nouvelles perspectives

Maladie et congés payés : nouvelles perspectives

En septembre 2023, la Cour de cassation bouleversait les règles établies s’agissant de l’incidence de la maladie sur l’acquisition et la prise des congés payés en décidant que les dispositions du Code du travail étaient contraires à l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne , en ce qu’elles ne prévoyaient pas l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail (et la limitaient à un an en cas d’accident du travail) et ne permettaient pas au salarié de prendre effectivement ses congés lorsqu’il avait été empêché de le faire durant la période de prise en raison de son arrêt de travail (1).

 

Le législateur est intervenu pour mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne en adoptant la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Avec l’entrée en vigueur de ce texte, le sujet semblait désormais clos. Toutefois, le 18 juin 2025, la Commission européenne a mis en demeure la France pour manquement aux règles de l’Union européenne en matière de congés payés.

 

Rappel des principales dispositions de la loi du 22 avril 2024

 

Entrée en vigueur le 24 avril 2024, la loi du 22 avril 2024 a mis le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne, tant en ce qui concerne l’acquisition de congés payés pendant une période d’arrêt de travail que le sort des congés payés que le salarié a été empêché de prendre du fait de son absence pour maladie ou accident.

 

La loi prévoit en effet que :

 

⇒ tout salarié acquiert 2 jours de congés par mois d’absence pour maladie ou accident et 2,5 jours de congés par mois d’absence pour maladie professionnelle ou accident du travail, sans limitation de durée ;

 

⇒ le salarié empêché de prendre ses congés du fait de son arrêt de travail bénéficie d’une période de report de quinze mois pour prendre ses congés à compter de l’information donnée par l’employeur dans le mois qui suit la reprise du travail sur le nombre de jours de congés dont il dispose et le délai pour les prendre. Lorsque le salarié est absent depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition des congés payés, la période de report de 15 mois court à compter de la fin de la période d’acquisition.

 

Ces dispositions sont pour la plupart rétroactives – à l’exception notamment des dispositions qui limitent à un an la période pendant laquelle un salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle acquiert des congés payés – et s’appliquent donc aux périodes d’absence pour maladie ou accident antérieures à l’entrée en vigueur de la loi.

 

Une situation en suspens : le cas du salarié malade pendant ses congés payés

 

Selon la jurisprudence, sauf accord collectif applicable à l’entreprise prévoyant des dispositions plus favorables, le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés est réputé avoir pris ses congés payés et ne peut prétendre ni à une prolongation de son congé ni à un report des congés payés correspondant à la période d’arrêt de travail (2).

 

Ce faisant, la Cour de cassation applique le principe de la première cause de suspension : le contrat de travail étant déjà suspendu du fait de la prise des congés payés, il ne peut pas l’être à nouveau en raison de la maladie. Dans ces conditions, le salarié continue à bénéficier normalement de l’indemnité de congés payés qui se cumulera, le cas échéant, avec les indemnités journalières de sécurité sociale, mais ne peut prétendre au versement par l’employeur de l’indemnité complémentaire pour maladie.

 

Cette solution est contraire à la jurisprudence de la CJUE qui a décidé que la finalité du droit au congé annuel payé étant de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs, elle diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Elle en déduit que «une disposition nationale ne peut pas empêcher un travailleur dont l’incapacité de travail survient pendant ses congés payés de bénéficier de ce congé après la fin de la période d’incapacité de travail» (3).

 

Il en résulte qu’un salarié qui contracterait une maladie alors qu’il est déjà en congés payés doit pouvoir conserver le droit à congés payés correspondant à la période d’arrêt de travail et doit pouvoir prendre ces congés ultérieurement.

 

S’appuyant sur la décision de la CJUE, la cour d’appel de Versailles a jugé en 2022 que «dès lors qu’il apparaît que durant ses congés payés, le salarié a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie, il peut prétendre au report des jours [de congés correspondant à la période] d’arrêt maladie qui ne peuvent être imputés sur son solde de congés payés » (4).

 

Mise en demeure de la France par la Commission européenne

 

Dans un communiqué de presse du 18 juin 2025, la Commission européenne a indiqué avoir décidé d’ouvrir une procédure d’infraction en envoyant une lettre de mise en demeure à la France pour manquement aux règles de l’Union européenne sur le temps de travail (directive 2003/88/CE).

 

La Commission estime en effet que la législation française ne garantit pas que les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie.

 

La Commission considérant que la législation française n’est pas conforme à la directive sur le temps de travail et ne garantit pas la santé et la sécurité des travailleurs a envoyé une lettre de mise en demeure à la France, qui dispose d’un délai de deux mois à compter de cette mise en demeure pour y répondre et remédier aux manquements relevés par la Commission. En l’absence de réponse satisfaisante, la Commission pourrait décider d’émettre un avis motivé.

 

La France a donc jusqu’au 18 août 2025 pour répondre à cette mise en demeure et proposer des mesures correctives qui devraient prendre la forme d’une modification législative.

 

On notera à cet égard que, dès le 30 avril 2025, le ministère du Travail, à l’occasion de la mise à jour de la fiche relative aux congés payés figurant sur son site internet, a invité les employeurs à tirer les conséquences de la jurisprudence de la CJUE.

 

Il précise en effet que « afin d’éviter tout contentieux inutile, et sans préjudice des dispositions conventionnelles éventuellement applicables, les employeurs peuvent ainsi avoir intérêt à s’inspirer de ces décisions lorsqu’un salarié est placé en arrêt maladie durant ses congés payés » (Les congés payés | Travail-emploi.gouv.fr | Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles).

 

Les employeurs qui seraient d’ores et déjà confrontés à cette situation auront donc intérêt, dès à présent, à appliquer les solutions retenues par le droit européen à leurs salariés en arrêts de travail pendant une période de congés payés en leur conservant le droit à congés payés correspondant à la période d’arrêt de travail.

 

(1) Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.340 et autres
(2) Cass. soc. 4 décembre 1996, n°93-44.907
(3) CJUE, 21 juin 2012, nº C-78/11
(4) CA Versailles, 18 mai 2022, n°19/03230

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