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Les marchés de partenariat

Les marchés de partenariat

La France a transposé les directives européennes en matière de marchés publics en adoptant l’ordonnance du 23 juillet 2015 (Ord. n°2015-899 relative aux marchés publics) et son décret d’application du 25 mars 2016 (Déc. n°2016-360 relatif aux marchés publics).

L’un des aspects saillants de la réforme de la commande publique réalisée à cette occasion consiste à rénover le cadre juridique des contrats de partenariat et, au-delà, des «partenariats public-privé» (PPP).

Dans cette optique, en cohérence avec leur qualification européenne, les contrats de partenariat de l’ordonnance du 17 juin 2004 absorbent certains montages domaniaux, rejoignent la catégorie des marchés publics et deviennent ce faisant des «marchés de partenariat».

Ils n’en demeurent pas moins des contrats dérogatoires, ce qui se vérifie tant dans leur définition (1), que leur passation (2) et leur contenu (3).

1. Définition des marchés de partenariat

Les marchés de partenariat sont susceptibles d’être passés par tous les «acheteurs» au sens de l’ordonnance, c’est-à-dire l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices, de droit public ou de droit privé. Par exception, l’article 71 de l’ordonnance confirme les récentes restrictions apportées par le législateur (L. n°2014-1653, 29 déc. 2014, de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, art. 34) : les organismes divers d’administration centrale («ODAC»), les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique ne peuvent recourir aux marchés de partenariat. Seul l’État peut conclure ces contrats pour leur compte, dans les conditions de l’article 146 du décret.

A – Géométrie variable de l’objet des marchés de partenariat

Selon l’article 67 de l’ordonnance, la mission susceptible d’être confiée au titulaire d’un marché de partenariat est une mission globale, justifiant la dérogation au principe d’allotissement des marchés publics et une durée relativement longue (en considération de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, article 144 du décret). Pour autant, cette mission peut désormais ne porter que sur la réalisation d’un investissement et son financement, au moins partiel. Il ne s’agit donc plus du triptyque qui nécessitait en outre la réalisation d’une ou plusieurs prestations en phase d’exploitation.

En effet, le marché de partenariat s’articule dorénavant autour d’un cœur de mission portant nécessairement sur «la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général», ainsi que «tout ou partie de leur financement». Les autres missions de conception (en tout ou partie), entretien-maintenance-exploitation, sont quant à elles facultatives.

Il en va de même de la gestion d’une mission de service public, dont l’ordonnance précise qu’elle est susceptible d’être confiée au titulaire, alors que celle du 17 juin 2004 paraissait ambiguë sur ce point et divisait la doctrine.

B – Absorption des montages domaniaux aller-retour

Ces marchés de partenariat, dont l’objet est potentiellement plus diversifié, phagocytent les anciennes formes de montages locatifs aller-retour fondés sur un bail emphytéotique administratif (BEA) ou une autorisation d’occupation temporaire (AOT) constitutive de droits réels, couplés avec une convention de mise à disposition (CMD) ou une location avec option d’achat (LOA).

Cette organisation nouvelle résulte de l’article 101 de l’ordonnance : celui-ci modifie les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques et du Code général des collectivités territoriales et les autres textes en matière de PPP, notamment à caractère sectoriel. En cohérence, l’article 102 procède quant à lui à la suppression des baux emphytéotiques hospitaliers et des AOT-LOA dans le domaine de la justice, de la police-gendarmerie et de la défense, en abrogeant les articles correspondants du Code de la santé publique et du CGPPP.

Pour autant, il convient de ne pas se méprendre sur la portée de cette modification : elle ne fait disparaître ni les AOT ni les BEA, qui peuvent notamment conserver une place dans les opérations «mixtes», comportant un élément de commande publique, mais dont l’objet reste principalement immobilier.

C – Articulation avec les autres contrats globaux

Parmi les contrats immobiliers figure aussi le crédit-bail, dont le champ de recoupement avec les marchés de partenariat n’est pas si évident à déterminer qu’il y paraît : ces contrats relèvent toujours, selon l’article 5-II de l’ordonnance, des marchés publics de fourniture et non de la qualification de contrat/marché de partenariat.

L’articulation avec les marchés globaux figurant aux articles 33 à 35 de l’ordonnance semble quant à elle plus simple. Le marché de partenariat s’en détache notamment par la dérogation au paiement différé qu’il autorise (et qui permet donc un financement à long terme des investissements par le titulaire). Toutefois, seules les personnes publiques ont l’interdiction d’avoir recours à des clauses de paiement différé (article 60-I de l’ordonnance). Dès lors, on ne peut exclure que les personnes morales de droit privé puissent être amenées à bénéficier d’un choix relatif entre ces deux types de marché.

Enfin, il est clair que les marchés de partenariat et les concessions, qui ont elles aussi subi une refonte d’origine européenne (Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 ; Ord. n°2016-65 du 29 janvier 2016 ; Déc. n°2016-86 du 1er février 2016), ne sauraient en principe se recouper. Ce n’est pas tant l’origine de la rémunération du cocontractant qui les distingue (car dans une concession elle peut également provenir du concédant) que l’existence d’un transfert significatif du risque d’exploitation. Or le « partage du risque », caractéristique du marché de partenariat mentionné à l’article 70 de l’ordonnance, ne saurait juridiquement conduire à un transfert significatif du risque d’exploitation sur le titulaire, sauf à entraîner la requalification en concession. Quoi qu’il en soit, une telle requalification devrait en principe avoir un effet limité, compte tenu des contraintes plus importantes pesant sur la passation des marchés de partenariat.

2. Passation des marchés de partenariat

A – Recours au marché de partenariat

L’acheteur public ou privé prend en principe l’initiative du marché de partenariat. Il peut également s’agir de plusieurs acheteurs, un chef de file étant alors désigné (article 73 de l’ordonnance). La possibilité d’une «offre spontanée» ne figure plus dans l’ordonnance mais de telles offres nous paraissent toujours envisageables, à condition que leur prise en compte ne nuise pas au respect de l’égalité de traitement des candidats dans le cadre de la procédure de passation subséquente.

L’article 77 de l’ordonnance et l’article 155 du décret imposent la formalisation systématique d’une décision de lancer la procédure de passation du marché de partenariat, quel que soit l’acheteur concerné. Un processus d’évaluation préalable permettant notamment de vérifier que les conditions de recours au marché de partenariat doit être auparavant suivi.

Les marchés de partenariat sont, quel que soit leur montant, soumis à une évaluation du mode de réalisation du projet identique à celle applicable aux marchés publics «classiques» portant sur un investissement supérieur à 100 millions d’euros. Comme pour l’évaluation préalable des anciens contrats de partenariat, l’objet de cette étude sera de comparer les différents modes de réalisation du projet (l’utilité socio-économique du projet étant, quant à elle, étudiée dans le cadre juridique du décret n°2013-1211 du 23 décembre 2013) et elle comportera une analyse en coût complet ainsi qu’une vérification de la compatibilité du projet avec les orientations de la politique immobilière de l’acheteur (article 147 du décret).

Il convient d’en souligner l’importance, puisque ce document fondera l’analyse menée quant à l’existence d’un «bilan favorable», permettant de recours au marché de partenariat. Disparaissent en effet, et c’est sans doute un facteur de sécurisation juridique, les critères originels de recours au contrat de partenariat liés à la complexité et à l’urgence, auxquels la jurisprudence administrative a parfois pu donner une portée restrictive et en tout cas n’a pas su apporter les précisions nécessaires pour en cerner mieux les contours (F. Tenailleau, S. Weill, Les contrats de partenariat : 10 ans de jurisprudence : JCP A 2014, 2267.). Il suffit de citer à cet égard la décision Commune de Biarritz (CE, 30 juill. 2014, n°363007, Commune de Biarritz), dans laquelle le Conseil d’État s’est abstenu de tout considérant de principe sur le critère de la complexité.

L’unique démonstration désormais requise à ce titre porte sur le «bilan favorable» en faveur du marché de partenariat, apprécié en considération des capacités propres de l’acheteur à conduire l’opération et des caractéristiques du projet. Le décret fixe une grille d’analyse élargie de ce critère : l’acheteur doit ainsi justifier de ce bilan globalement favorable par rapport à l’étendue du transfert de la maîtrise d’ouvrage du projet au titulaire de ce marché, au périmètre des missions susceptibles d’être confiées au titulaire ; aux modalités de partage de risques entre l’acheteur et le titulaire et au coût global du projet compte tenu notamment de la structure de financement envisagée (article 152 du décret).

Outre l’évaluation préalable, notons par ailleurs que l’exigence d’une étude de soutenabilité budgétaire «qui apprécie les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits», déjà familière (D. n°2012-1093, 27 sept. 2012), est élargie aux collectivités territoriales et accompagne systématiquement l’évaluation préalable.

Une fois réalisées, l’évaluation du mode de réalisation du projet est soumise pour avis à Fin Infra (héritier de la MAPPP, régi par le décret n°2016-522 du 27 avril 2016) et l’étude de soutenabilité budgétaire à la direction des finances publiques (articles 153 et 154 du décret). Ces avis sont obligatoires pour les collectivités territoriales, ce qui est une nouveauté parfois critiquée (S. Braconnier, L’ordonnance du 23 juillet 2015 sur les marchés publics. Simplification et ambitions contrariées : JCP G 2015, doctr. 1043).

Enfin, une autre nouveauté d’importance réside dans l’interdiction du recours au marché de partenariat en dessous des seuils financiers fixés par l’article 151 du décret. Selon l’objet principal du contrat, ces seuils sont de 2 millions d’euros HT (biens immatériels, systèmes d’information ou équipements), 5 millions d’euros HT (ouvrages d’infrastructure de réseau et ouvrages bâtimentaires sans mission d’exploitation-maintenance…) ou 10 millions d’euros HT (dans les autres cas). On notera également l’incursion de la performance énergétique dans ces seuils : le marché de partenariat pourra être utilisé dès lors que la rémunération du partenaire excèdera 2 millions d’euros HT et tiendra compte de l’atteinte d’objectifs chiffrés de performance énergétique. Ces seuils se calculent en considération de l’ensemble des revenus du titulaire au titre de l’exécution du contrat.

B – Procédures de mise en concurrence et modalités particulières d’achat

S’agissant des procédures de mise en concurrence, les marchés de partenariat ne bénéficient pas de dispositions spécifiques à l’exception de la reconduction du cas de «financement ajustable» en fin de procédure de passation. Ainsi, les modalités de financement indiquées dans l’offre finale peuvent être ajustées après que le candidat pressenti a été retenu, à condition de ne pas remettre en cause le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse et de ne pas engendrer un bouleversement de l’économie de l’offre choisie (Conformément à la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel sur le précédent dispositif législatif : Cons. const., 12 févr. 2009, n°2009-575 DC). Sous cette réserve, les procédures de l’article 42 de l’ordonnance s’appliquent donc aux marchés de partenariat.

Parmi elles, la procédure concurrentielle avec négociation, permettant la remise par les candidats d’offres successives et négociées avec l’acheteur devrait être particulièrement utilisée. S’il ne s’agit pas d’une procédure de droit commun, les conditions de son utilisation fixées à l’article 25 du décret devraient être facilement remplies dans le cas des marchés de partenariat. On peut également penser que cette nouvelle procédure, plus souple bien qu’encadrée, devrait largement se substituer au dialogue compétitif comme procédure de passation de prédilection des marchés de partenariat (F. Tenailleau, L’influence des directives sur les partenariats public-privé, préc.).

Enfin, les autres outils du régime des marchés publics devraient pouvoir s’appliquer aux marchés de partenariat. Ce pourrait être le cas, par exemple, des partenariats d’innovation, nouvelle procédure-contrat qui avait déjà été transposée en droit interne (D. n°2014-1097, 26 sept. 2014). Il y a surtout lieu de souligner que l’article 4 de l’ordonnance précise que les marchés de partenariat sont des marchés publics qui, au sens de cet article, englobent les accords-cadres. Un marché de partenariat pourra donc prendre la forme d’un accord-cadre se déclinant, pour son exécution, en plusieurs marchés subséquents, l’évaluation préalable et l’étude de soutenabilité étant alors effectuées avant la conclusion de l’accord-cadre (article 150 de l’ordonnance).

C – Traitement indemnitaire du contentieux de la passation

L’article 89 de l’ordonnance encadre les conditions d’indemnisation du titulaire du marché de partenariat en cas de fin anticipée du contrat prononcée par le juge. Ces dispositions pourront s’appliquer au terme d’un recours «Tarn et Garonne» (CE, ass., 4 avr. 2014, n°358994, Dpt du Tarn-et-Garonne), susceptible de conduire à une remise en cause du contrat du fait d’un vice grave dans la procédure de passation ou touchant au contenu dudit contrat. Dès lors que ce type de recours est jugé dans un délai qui ne permet pas d’attendre la décision de justice pour engager les investissements et leur financement – ce qui constitue la difficulté principale, à laquelle il serait idéalement souhaitable de remédier par une (nouvelle) refonte en profondeur du contentieux des contrats publics – une clarification du traitement indemnitaire post annulation juridictionnelle était, à tout le moins, attendue des praticiens (F. Tenailleau, Cadre juridique des contrats de partenariat : quelques attentes de la pratique : RD imm. 2013, p. 64.).

Rappelons en effet qu’une des particularités des PPP a trait au type de financement très souvent mise en place : le financement dit «de projet», qui limite les recours des prêteurs à l’encontre des actionnaires de la société de projet ad hoc, dédiée à la réalisation du contrat. Dans ces financements de projet, les flux financiers sont affectés par le risque d’annulation du contrat par le juge administratif. Pour pallier cette fragilité, les praticiens ont pris l’habitude de conclure des conventions, généralement dénommées désormais «accords indemnitaires» (et non plus «autonome», le Conseil d’Etat les ayant considérés comme accessoires du contrat de partenariat, tout en les validant, CE, 11 mai 2016, n°38376 8, Une censure juridictionnelle qui préserve l’avenir, F. Tenailleau, Le Moniteur n°5872 du 10/06/2016), entre la personne publique, son partenaire et les banques, dont l’objet est de sécuriser la continuité du financement du projet en cas de recours de tiers conduisant à l’annulation du contrat de partenariat.

Mais, l’efficacité de ces accords soulevant des difficultés, principalement lorsque le contrat de partenariat et l’accord indemnitaire font tous deux l’objet de recours, le législateur délégué a dû intervenir.
En premier lieu, en donnant une sorte de guide d’interprétation au juge, immédiatement applicable, dans l’hypothèse où les parties n’ont pas prévu de dispositif contractuel particulier. Le Conseil d’Etat en a d’ores et déjà pris acte en adoptant des solutions compatibles avec ces nouvelles dispositions (CE, 11 mai 2016, n°38376 précité). La rédaction devrait être prochainement, si ce n’est clarifiée, mise au moins en cohérence avec les dispositions de l’ordonnance relative aux concessions pour viser les «frais liés au financement» (en pratique : coûts du financement et de sa rupture, en ce compris, le cas échéant, ceux des instruments de couverture de taux), permettant ainsi que lever toute ambiguïté sur leur indemnisation intégrale. La jurisprudence relative à la nullité des contrats publics à financement privé, dans des termes manquant certes de clarté, allait déjà dans cette direction, en classant les frais qui sont liés à ce financement dans la catégorie des dépenses utiles, au sens de la théorie quasi-contractuelle de l’enrichissement sans cause (CE, 7 déc. 2012, n°351752, Cne de Castres).

Ce qui peut cependant troubler le praticien, tout d’abord, sur un plan conceptuel, est la référence générale faite à la notion de dépenses utiles, alors que cette terminologie jurisprudentielle se rapporte au traitement de la disparition rétroactive du contrat – laissant alors la place au quasi-contrat – et non de son extinction pour le futur (V., toutefois, déjà, pour une semblable assimilation : TA Cergy, 30 oct. 2012, n°1102422, Société Francilia). Or, le texte vise l’annulation, la résolution mais aussi la résiliation…

Surtout, la caractérisation de «dépenses utiles» apparaît comme une condition de l’indemnisation. On peut souhaiter qu’il ne s’agisse en réalité ici que d’une formule de précaution, visant seulement à exclure les dépenses qui, certes engagées et valorisées conformément au contrat, excéderaient ce que la personne publique doit payer au titulaire, parce qu’elles ne donnent pas lieu à justification de sa part ou présentent un caractère abusif, ce qui heurterait le principe selon lequel une personne publique ne peut consentir de libéralité (CE, 11 mai 2016, n°38376 précité).

Dans le même esprit, on ne peut que saluer le souci de traçabilité des sommes dues par la personne publique, en subordonnant leur prise en compte à la mention «dans les annexes du marché de partenariat des clauses liant le titulaire aux établissements bancaires». La formule ne doit certainement pas être prise au pied de la lettre : ce n’est pas l’ensemble des clauses qui importe. La documentation de financement est d’ailleurs généralement conséquente et l’annexer la rendrait opposable dans son ensemble à l’acheteur, ce qui n’est pas le but recherché. La volonté est manifestement ici que les clauses d’indemnisation en cas de rupture anticipée du financement soient clairement précisées dans le contrat (dans son corps ou dans ses annexes, ce qui est généralement la solution adoptée en pratique, en effet), que le financement soit bancaire (cas visé dans l’article 89) ou d’une autre nature (notamment obligataire).

En second lieu, l’article 89 prévoit qu’une clause fixant les modalités d’indemnisation du titulaire en cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge est réputée divisible des autres stipulations du contrat. Une telle clause permettra de mettre en œuvre de façon plus précise les principes indemnitaires rappelés ci-avant. Sauf vice propre l’affectant et nécessairement très circonscrit (hypothèse théorique d’une clause conduisant la personne publique à consentir une libéralité) ou vice d’incompétence, elle survivra à la disparition, même rétroactive, du contrat.

3. Contenu des marchés de partenariat

Outre le régime juridique de la clause indemnitaire, les articles 66 et suivants de l’ordonnance comportent diverses dispositions régissant le contenu des marchés de partenariat qui est sinon, fort logiquement, celui des marchés publics, ce que l’article 66 de l’ordonnance prend néanmoins le soin de préciser.

A – Financement et rémunération du titulaire

Non seulement le (pré)financement, au moins partiel, des investissements par l’opérateur économique caractérise les marchés de partenariat (V. I, A), mais il prend très souvent la forme d’un financement de projet (V. II, C). Pour autant ce financement par le partenaire privé n’est pas nécessairement exclusif.
L’ordonnance prévoit ainsi de façon générale qu’une personne publique peut concourir au financement des investissements (article 80-I) et réaffirme que les marchés de partenariat sont éligibles aux subventions et autres participations financières (article 80-II, cf antérieurement la loi n°2008-735 du 28 juillet 2008).

Plus novateur, l’article 80-III autorise l’État, les collectivités territoriales et autres organismes publics à participer, de manière minoritaire, au capital de la société dédiée titulaire. Il s’agit d’une ouverture nouvelle, dès lors que l’ordonnance du 17 juin 2004 et la loi n°2014-744 du 1er juillet 2014 créant la société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) l’interdisaient. Cet article doit être à notre avis compris comme une habilitation spécifique. Les personnes visées par l’article 80-III, qu’elles soient ou non l’acheteur, peuvent participer au capital, afin de renforcer leur implication dans le projet, voire de «bénéficier de l’expérience opérationnelle du partenaire privé» (Les marchés de partenariat, Fiche DAJ, 21/06/2016, p. 2). Pour autant, cet article ne saurait être interprété comme interdisant – a contrario – aux personnes qui n’y sont pas visées de participer au capital de la société de projet. Dans le cas prévu par l’article 80-III, les statuts de la société à remettre par les soumissionnaires devront préciser la «répartition des risques entre les actionnaires» (laquelle répartition doit sans doute plutôt s’entendre au niveau des sous-contrats conclus par la société dédiée avec certains de ses actionnaires, voire par la mise en place d’actions de préférence) et les mesures prises pour prévenir les conflits d’intérêts (des dispositions existant déjà en droit des sociétés dans le cadre des conventions dites réglementées).

La participation au capital par l’acheteur n’est évidemment pas le seul mode de co-financement des investissements qui lui est autorisé. Ce co-financement peut aussi se traduire par le versement de sommes avant la réalisation des investissements, qui viennent à due concurrence limiter l’effort d’investissement du partenaire privé, et son coût. On observera à cet égard que l’ordonnance ne prévoit pas de restriction (sauf celle liée à l’exigence d’un financement privé réel, consubstantiel au marché de partenariat), alors que l’ordonnance du 17 juin 2004 modifiée plafonnait, pour les collectivités territoriales, cette possibilité à la moitié du financement pour les contrats d’un montant inférieur à 40 millions d’euros hors taxes.

L’article 83 de l’ordonnance précise la mise en œuvre de ce co-financement public en autorisant le paiement d’avances et d’acomptes ; sans pour autant procéder à un renvoi au régime général de l’article 59, auquel il est dérogé. La pratique consistant pour l’acheteur à verser au titulaire une rémunération anticipée sous la forme de «pré-rémunération» est donc confortée, de même semble-t-il que l’analyse de cette composante comme une partie intégrante de la rémunération du titulaire, relevant de l’assiette du calcul des 80% susceptibles de faire l’objet d’une cession de créance Dailly acceptée (au sens de l’article L. 313-29-2 du Code monétaire et financier – CMF), ce qui conduit à élargir la part du financement sécurisé par ce mécanisme.

Celui-ci continue en effet d’être visé par l’article 84, qui mentionne la «cession de la rémunération» dans les conditions des articles L. 313-29-1 et suivants du CMF (il serait plus exact de se référer ici à l’acceptation de la cession qui nécessite, quant à elle, un acte positif de l’acheteur, encadré par ce texte dans le cas des marchés de partenariat), aux côtés d’autres formes de sécurisation financière, beaucoup moins utilisées en pratique, telles que le crédit-bail (déjà visé par la précédente ordonnance) ou l’hypothèque (ce qui n’était pas directement le cas avant).

En revanche, on observera que la perception de recettes sur l’usager ne peut compléter en tant que telle la rémunération du titulaire du contrat. Si ces recettes sont collectées par ce dernier, c’est uniquement aux termes du mandat prévu par l’article 67-III de l’ordonnance. Seul leur reversement éventuel par l’acheteur au titulaire permet donc de les intégrer à sa rémunération. Concernant ce mandat d’encaissement, qui semble manquer de précision au regard des standards dégagés par le Conseil d’État (CE, avis, 13 févr. 2007, n°373788), on pourrait souhaiter une meilleure articulation avec le dispositif général désormais prévu par la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014, et le décret n°2015-1670 du 14 décembre 2015.

Enfin, on notera que cette perception par le titulaire de recettes tierces à sa rémunération, au nom et pour le compte de l’acheteur, ne s’applique obligatoirement que pour celles en provenance d’usagers du service public. Au contraire, s’agissant des revenus d’autres natures, issus «de l’exercice d’activités annexes ou de la valorisation du domaine», ceux-ci pourront être directement perçus par le titulaire, conformément aux principes s’appliquant en la matière (CE, sect., 6 nov. 2009, n°297877, Sté Prest’action). Comme le précise l’article 161 du décret, le contrat devra déterminer les conditions dans lesquelles ces revenus viendront diminuer le montant de la rémunération versée par l’acheteur. Le contrat pourra également prévoir les modalités de compensation annuelle des sommes réciproquement dues entre l’acheteur et le partenaire.

B – Valorisation foncière et occupation domaniale

Les recettes de valorisation que peut percevoir le titulaire d’un marché de partenariat concernent au premier chef celles issues de la valorisation foncière. Pour faciliter cette valorisation, l’article 86 de l’ordonnance prévoit expressément la possibilité pour le titulaire de consentir des autorisations d’occupation du domaine public et précise les modalités de valorisation du domaine privé.

À propos du domaine privé, l’ordonnance réitère la possibilité introduite par la loi du 28 juillet 2008 pour le titulaire de consentir des baux de droit privé (notamment baux emphytéotiques ou baux à construction) ou de constituer des droits réels à durée limitée, sous réserve que l’acheteur ait au préalable donné son accord sur chacun d’eux. Si la loi du 28 juillet 2008 prévoyait que ces baux et droits puissent être d’une durée supérieure au contrat, l’ordonnance semble reprendre cette possibilité uniquement pour les baux. Ceux-ci pouvant être des baux à construction constitutifs de droits réels, la portée de cette restriction semble limitée.

L’ordonnance consacre enfin la possibilité pour l’acheteur d’autoriser le titulaire à procéder à des cessions de biens en vue de valoriser une partie du domaine. Mais la forme retenue par le texte est celle des «cessions en cascade». En d’autres termes, l’hypothèse visée est celle où les biens du domaine devront préalablement être cédés au titulaire pour que celui-ci puisse les céder à son tour. Pour autant, d’autres formes paraissent toujours possibles, privilégiant la cession directe par la personne publique, le partenaire se voyant uniquement confier une mission de développeur immobilier (T. Carenzi, F. Tenailleau, Occupation domaniale et valorisation foncière dans les marchés de partenariat : Contrats publics, n°159, novembre 2015).

C – Contrôle du titulaire, accès des PME et sous-traitance

L’ordonnance renforce le contrôle du titulaire du marché de partenariat par l’acheteur. Outre le rapport annuel, qui subsiste (article 165 du décret), l’article 166 du décret prévoit que l’acheteur doit exercer un contrôle sur l’exécution du contrat et que ce contrôle intervient, au minimum, en cours et au terme de phase de construction puis, le cas échéant, de la phase d’exploitation- maintenance et enfin au terme du contrat. Ce contrôle donne lieu à un compte-rendu portant, selon les cas sur les coûts et délais définitifs, la qualité de service ou encore l’état de l’ouvrage en fin de contrat et sa valeur patrimoniale ; il est transmis à l’assemblée ou à l’organe délibérant pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Ce contrôle se renforce également à l’égard du titulaire lui-même (article 81 de l’ordonnance) : si ce dernier est une société dédiée, le contrat doit prévoir les conditions de modification de l’actionnariat et d’information de l’acheteur. Il est intéressant de noter que l’ordonnance mentionne ici une information et non une autorisation : cette formulation paraît en effet moins attentatoire au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre, de niveau constitutionnel, et à la libre circulation des capitaux, garantie par le droit de l’Union européenne. Il conviendra également de garder ces principes à l’esprit lors de la rédaction des clauses portant sur les modalités de partage de la plus-value des titres de la société de projet, comme l’évoque, sans l’imposer, l’ordonnance.

On peut enfin relever la nécessité de prévoir un contrôle de l’engagement du titulaire à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans une part minimale de l’exécution du contrat, fixée à 10% du montant prévisionnel du contrat, hors coût de financement, «sauf lorsque le tissu économique dans le secteur concerné ne le permet pas» (article 163 du décret).

L’ordonnance (article 87-II) impose qu’il s’agisse d’un critère d’attribution du contrat, comme auparavant pour les contrats de partenariat. Il reste que ce dispositif peut susciter des interrogations quant à sa conformité au principe d’égalité (s’agissant du Code des marchés publics 2006 : CE, 9 juill. 2007, n°2 97711, Synd. EGF-BTP et a.), sauf à considérer que la situation des marchés de partenariat est différente sur ce point de celle des autres marchés publics. Quoi qu’il en soit, il faut en revanche saluer la prise en compte, pour le calcul de cet engagement, des contrats indirectement passés par le titulaire : d’un projet et d’un candidat à l’autre, les schémas juridiques peuvent en effet varier et il convient d’en tenir compte de ces contrats conclus en aval (F. Tenailleau, Cadre juridique des contrats de partenariat : quelques attentes de la pratique, préc).

D’ailleurs, il importe à ce sujet de lever un possible malentendu sur la dérogation à l’article 62 relatif à la sous-traitance en matière de marchés de partenariat (article 66). Cette circonstance ne signifie évidemment – et heureusement – pas que le titulaire d’un marché de partenariat ne peut conclure des sous-contrats. Mais, désigné maître d’ouvrage par le texte (V. article 67-I dernier alinéa), ce partenaire ne saurait être considéré comme concluant des contrats de sous-traitance au sens de la loi du 31 décembre 1975, seule visée par l’article 62. L’article 87-III reconduit dans ces conditions un dispositif déjà prévu pour ces sous-contractants : la possibilité pour le titulaire de constituer à leur profit un cautionnement pour leur paiement, qui n’est toutefois qu’une option relevant de la négociation contractuelle.

Il faut préciser que ce dispositif est, d’une part, très peu utilisé en pratique, compte tenu du «financement de projet» généralement retenu qui permet d’assurer une sécurité des paiements et peut, d’autre part, se combiner avec l’article 1799-1 du Code civil s’agissant des contrats de travaux. L’article 87-III prévoit aussi, de façon nouvelle, une dérogation à l’article L. 441-6 du Code de commerce sur les délais de paiement, précisée par l’article 164 du décret qui aligne le délai de paiement des sous-contractants sur celui du titulaire.

Ce n’est pas le cas actuellement, alors que l’un des principes cardinaux des montages PPP est la transparence entre le contrat principal (le marché de partenariat) et les sous-contrats. Il s’agit donc d’une disposition particulièrement opportune, comme le sont de façon générale, à quelques exceptions près relevées ci-dessus, celles des nouveaux textes en matière de marchés de partenariat.

 

Auteurs

François Tenailleau, avocat associé en droit public des affaires

Sophie Weill, avocat en droit public des affaires

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