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Mention dans la lettre d’observations des documents consultés lors du contrôle URSSAF : vers une exigence d’exhaustivité ?

Mention dans la lettre d’observations des documents consultés lors du contrôle URSSAF : vers une exigence d’exhaustivité ?

Dans un arrêt du 24 juin 2021 (pourvoi n° 20-10.136) la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur l’exigence de complétude de la liste des documents consultés que les agents de contrôle doivent indiquer sur la lettre d’observations à l’issue d’un contrôle URSSAF en application de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale.

 

Les circonstances de l’arrêt et la décision

Au cas présent, la Société contestait la validité de la procédure de redressement au motif que dans la lettre d’observations, l’URSSAF n’avait pas mentionné, sur la liste des documents consultés, certains fichiers communiqués par l’employeur par le biais d’une clé USB. L’organisme reconnaissait toutefois les avoir exploités.

Précisons que sur la période litigieuse – la lettre d’observations avait été notifiée en 2013 – l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale (CSS) disposait : « A l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. »

Pour rejeter la demande d’annulation de la procédure de contrôle, la Cour d’appel avait considéré qu’ayant lui-même remis ces documents à l’URSSAF, le cotisant ne pouvait ignorer qu’ils avaient été consultés. Ce dernier avait donc, selon les juges du fond, une connaissance précise et exacte des documents ayant servi à établir le bien fondé du redressement.

Telle n’est pas l’application qu’il convient de faire des dispositions de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale selon la Cour de cassation qui casse l’arrêt d’appel.

En effet, selon la Haute juridiction, le texte impose, à peine de nullité du contrôle, que l’ensemble des documents consultés par l’inspecteur du recouvrement soit mentionné sur la lettre d’observations.

 

Une sécurisation bienvenue

Si la position de la Cour de cassation s’agissant de la nullité du contrôle est constante lorsqu’une mention impérative de la lettre d’observation constituant une garantie de procédure fait défaut (V. par exemple, Cass. civ. 2, 17 septembre 2015, n°14-22.389 sur l’absence de mention relative à la possibilité, pour le cotisant de se faire assister par un conseil de son choix), il était possible de présumer d’une moindre exigence de la Cour quant à la complétude de la liste des documents consultés qui pouvait être perçue comme indicative et non exhaustive.

En effet, dans un arrêt rendu par la même chambre le 12 novembre 2020 (n°19-23.386) la Cour de cassation avait implicitement considéré que l’imprécision de la liste des documents consultés sur la lettre d’observation ne remettait pas en cause la validité de la procédure.

Notons que cette décision avait été rendue sous le visa de l’article D. 724-9 du Code rural et de la pêche maritime dont la formulation était très proche de la rédaction de l’article R. 243-59 du CSS dans sa version applicable en 2013.

Il s’agissait en l’espèce d’un redressement à la suite d’un constat de travail dissimulé. L’inspecteur avait indiqué avoir consulté « les pièces figurant dans le dossier en possession des services de gendarmerie ».

Le cotisant demandait l’annulation de la procédure au motif que cette mention était imprécise et que l’organisme ne s’était pas préalablement assuré que ledit dossier avait été porté à la connaissance du gérant de la société. Il estimait ainsi ne pas avoir une connaissance exacte des causes du redressement lui permettant de faire valoir ses observations.

La Cour d’appel avait admis la nullité du contrôle. L’arrêt a été cassé par la Cour de cassation qui a estimé que la lettre d’observations « précisait l’objet du contrôle, la date d’établissement du procès-verbal de travail dissimulé, la période vérifiée, la nature, l’assiette, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé, de sorte qu’il avait été satisfait aux exigences du texte susvisé ».

Pas un mot sur l’exigence de mention des documents consultés. Cette omission avait de quoi inquiéter.

Certes, le contexte était différent (travail dissimulé dans l’arrêt de 2020 / contrôle comptable d’assiette dans l’arrêt de 2021), mais il n’en demeurait pas moins que l’exigence réglementaire existait dans les deux cas.

La précision apportée par l’arrêt commenté est donc bienvenue. La liste des documents consultés lors du contrôle est en effet un outil précieux dans la sécurisation des pratiques de l’entreprise.

 

La liste des documents consultés : le principal élément de preuve d’une validation des pratiques par l’URSSAF

Conformément à l’article R. 243-59-7 du Code de la sécurité sociale, l’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause.

Dans ces circonstances, le redressement notifié à la suite d’un contrôle ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’une précédente vérification dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. A condition bien évidemment que les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés soient demeurées inchangées.

La preuve de l’accord tacite incombe au cotisant qui doit alors démontrer que l’URSSAF a gardé le silence en toute « connaissance de cause ». Si le développement des échanges dématérialisés peut aider le cotisant à rapporter la preuve de l’analyse par l’URSSAF de telle ou telle pratique, la liste des documents consultés figurant sur la lettre d’observations du précédant contrôle reste le moyen le plus simple et le plus direct d’y parvenir.

 

La décision commentée engagera probablement les organismes à faire preuve d’une plus grande diligence lorsqu’ils établiront cette liste.

 

Rappelons également que le cotisant peut jouer un rôle pour sa propre sécurisation juridique puisque depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 relatif au renforcement des droits des cotisants, il est possible de demander lors de la phase contradictoire que la liste des documents consultés soit complétée. Il convient donc d’agir bien avant la réception de la mise en demeure et de rechercher tous conseils utiles notamment auprès d’un avocat, spécialiste des problématiques URSSAF.

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