Mi-temps thérapeutique : un temps partiel original ?

23 juillet 2025
Lorsqu’un salarié s’est trouvé placé en mi-temps thérapeutique puis en arrêt de travail pour maladie, le salaire de référence à prendre en compte pour calculer son indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le salaire qu’il a perçu au cours des douze mois ou des trois mois précédant le placement en mi-temps thérapeutique. C’est ce que décide la Cour de cassation dans une récente décision rendue le 5 mars 2025 (n°23-20.172).
Par cette décision, qui trouve son fondement dans le principe de non-discrimination en raison de l’état de santé, la Cour de cassation consacre l’originalité du mi-temps thérapeutique – notion absente du Code du travail – par rapport au temps partiel « classique ».
Le mi-temps thérapeutique, une notion de droit de la sécurité sociale
Le mi-temps thérapeutique est un dispositif prévu par le Code de la sécurité sociale qui permet à un assuré malade de poursuivre son activité ou de reprendre le travail tout en bénéficiant ou en continuant à bénéficier des indemnités journalières de sécurité sociale, lorsque la poursuite ou la reprise d’activité sont reconnues comme étant de nature à favoriser l’amélioration de son état de santé ou lorsqu’il doit faire l’objet d’une rééducation ou d’une réadaptation professionnelle pour recouvrer un emploi compatible avec son état de santé (CSS, art. L.323-3).
Depuis le 1er janvier 2019, l’accès à ce dispositif n’est plus subordonné à l’existence préalable d’un arrêt de travail et sa mise en place est possible dès l’apparition d’un problème de santé (loi n°2018–1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019).
S’agissant des modalités de mise en œuvre du mi-temps thérapeutique, l’article R.433-15 du Code de la sécurité sociale précise que « lorsque la victime reprend avant sa guérison ou la consolidation de sa blessure un travail aménagé ou à temps partiel avec l’autorisation de son médecin traitant, elle doit immédiatement en aviser la caisse primaire et lui adresser un certificat du médecin traitant accordant ladite autorisation et une attestation de l’employeur indiquant la nature exacte de l’emploi et la rémunération correspondante.
[…] Si le médecin-conseil ou le médecin expert reconnaît que le travail est de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure, la caisse primaire décide, s’il y a lieu, le maintien total ou partiel de l’indemnité, compte tenu de l’attestation prévue au premier alinéa du présent article ou, si celle-ci n’a pas été produite ou lui paraît insuffisante, au vu des résultats de l’enquête effectuée. La caisse primaire notifie sa décision à la victime par lettre recommandée ».
Le passage à temps partiel thérapeutique nécessite donc, outre l’accord du médecin traitant, celui du médecin conseil de la sécurité sociale. Cette condition est en effet nécessaire pour que le salarié qui reprend ou poursuit son activité à temps partiel puisse continuer à bénéficier des indemnités journalières de la sécurité sociale.
Le montant de cette indemnité journalière ne peut être supérieur à la perte de gain journalière liée à la réduction de l’activité résultant du travail à temps partiel pour motif thérapeutique (CSS, art. L.323-3). La durée des versements ne peut excéder d’un an la durée maximale de trois ans des versements des indemnités journalières de sécurité sociale en cas d’arrêt maladie, soit un maximum de quatre ans.
Le mi-temps thérapeutique du point de vue du droit du travail
Le Code du travail ne comporte aucune disposition concernant le mi-temps thérapeutique. Du point de vue du droit du travail, le salarié en mi-temps thérapeutique est considéré comme un salarié qui exerce temporairement son activité à temps partiel pour raisons de santé.
Le mi-temps thérapeutique, qui constitue donc un temps partiel, vient modifier la durée du travail applicable et nécessite à ce titre l’accord du salarié mais aussi de l’employeur.
En principe, lorsque le mi-temps thérapeutique est préconisé par le médecin traitant du salarié, l’employeur n’est pas tenu d’en tenir compte et peut refuser la reprise de travail à temps partiel pour motif thérapeutique au motif, par exemple, que cet aménagement affecte le bon fonctionnement de l’entreprise.
Il arrive cependant souvent que la reprise à temps partiel soit préconisée par le médecin du travail dans le cadre d’une visite de reprise. L’employeur est alors tenu de prendre en compte cet avis et, en cas de refus, il doit faire connaître par écrit au salarié et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite (C. trav., art. L.4624-6).
Dans le cas où le médecin du travail maintiendrait, malgré tout, ses préconisations, l’employeur qui soutiendrait qu’il ne peut leur donner une suite favorable doit contester cet avis en saisissant le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond.
Rappelons à cet égard que, dans la mesure où l’exercice de l’activité à temps partiel a pour origine l’état de santé du salarié, l’employeur a intérêt à soumettre ce dernier à une visite médicale auprès du médecin du travail pour s’assurer qu’une reprise de l’activité à temps partiel est compatible avec l’état de santé du salarié, même dans les cas où l’organisation d’une telle visite n’est pas exigée par la loi.
Par ailleurs, considérant que le mi-temps thérapeutique vient modifier la durée du travail convenue entre les parties, la conclusion d’un avenant au contrat de travail précisant la durée du travail qui sera applicable au salarié pendant la période de mi-temps thérapeutique et sa répartition est indispensable.
Contrairement à ce que laisse supposer le terme de mi-temps thérapeutique, la durée du travail n’est pas nécessairement fixée à un mi-temps. Elle peut être supérieure ou inférieure en fonction des préconisations médicales.
Le plus souvent, cet avenant sera conclu pour une durée déterminée correspondant à la durée préconisée du mi-temps thérapeutique. Sauf prolongation, à l’échéance du terme et sous réserve des résultats de la visite médicale organisée avec le médecin du travail, le salarié reprendra son activité selon les conditions initiales.
Enfin, le contrat de travail du salarié en mi-temps thérapeutique n’étant pas suspendu, l’intéressé ne peut, en principe, prétendre au bénéfice des dispositions de la convention collective prévoyant le maintien du salaire en cas d’arrêt de travail consécutif à une maladie ou un accident du travail (Cass. soc., 21 mars 2007, n°06-40.891).
Le salarié en mi-temps thérapeutique ne peut prétendre qu’au versement de la rémunération due au titre de son activité à temps partiel, mais il bénéficie en plus du versement des indemnités journalières.
En l’absence de dispositions spécifiques dans le Code du travail, les droits du salarié devraient s’apprécier dans les mêmes conditions que pour tout salarié à temps partiel, tant en ce qui concerne le calcul de l’ancienneté que les droits liés aux congés payés, aux titres restaurant, etc. En outre, le salarié en mi-temps thérapeutique devrait bénéficier des droits reconnus par la loi et les accords collectifs aux salariés à temps complet (C. trav., art. L.3123-5).
L’originalité du mi-temps thérapeutique consacrée par la jurisprudence
Si le mi-temps thérapeutique s’analyse comme du temps partiel au regard des dispositions du droit du travail, il devrait y avoir lieu d’appliquer aux salariés concernés l’ensemble des dispositions du Code du travail qui régissent le travail à temps partiel et, en particulier, celles qui prévoient une appréciation de leurs droits en fonction de leur durée de présence ou de la durée de travail contractuellement prévue.
Ainsi, l’article L.3123-5 du Code du travail dispose notamment que : « compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l’entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l’établissement ou l’entreprise ».
Pourtant, sur le fondement du principe de non-discrimination en raison de l’état de santé, la Cour de cassation a écarté l’application de cette règle s’agissant de la répartition de la participation en fonction de la durée de présence du salarié en décidant que « la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l’entreprise de sorte que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’assiette de la participation due à ce salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie, l’ayant, le cas échéant, précédé » (Cass. soc., 20 septembre 2023, n°22-12.293).
S’agissant des modalités de calcul de l’indemnité de licenciement du salarié occupé successivement à temps plein et à temps partiel, l’article L.3123-5 du Code du travail dispose également que : « l’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise ».
Cependant, toujours sur le fondement du principe de non-discrimination en raison de l’état de santé, la Cour de cassation a décidé qu’il y avait lieu de neutraliser la période de mi-temps thérapeutique pour le calcul de l’indemnité de licenciement d’un salarié ayant eu une période de mi-temps thérapeutique au cours de la période précédant le licenciement.
En effet, après avoir jugé que, lorsqu’avant d’être licencié, le salarié s’est trouvé successivement en arrêt maladie puis en mi-temps thérapeutique, le salaire à prendre en compte pour calculer l’indemnité de licenciement est celui qui précède l’arrêt de travail (Cass. soc., 12 juin 2024, n°23-13.975), la Cour a décidé que « lorsque le salarié se trouve en arrêt maladie à la date de son licenciement, cet arrêt faisant suite à une période de temps partiel thérapeutique, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique » (Cass. soc., 5 mars 2025, n°23-20.172).
Ainsi, selon la Cour de cassation, le principe de non-discrimination en raison de l’état de santé doit conduire à neutraliser la période de mi-temps thérapeutique pour le calcul des droits du salarié en matière de participation et pour le calcul de l’indemnité de licenciement.
Ces solutions qui conduisent à traiter différemment les salariés à temps partiel selon l’origine de ce temps partiel, consacrent l’originalité du mi-temps thérapeutique par rapport au temps partiel classique.
On peut se demander si le principe de non-discrimination en raison de l’état de santé doit désormais conduire à exclure l’ensemble des règles habituellement applicables aux salariés à temps partiel pour les salariés qui sont placés en mi-temps thérapeutique.
Face à ces incertitudes, une clarification législative fixant clairement le régime applicable à ces salariés serait souhaitable.
AUTEURS
Marie-Laure Tredan, avocate Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Béatrice Taillardat-Pietri, responsable adjointe de la doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre Avocats
Previous Story
Uber n’est pas un employeur
Next Story
This is the most recent story.
Related Posts
Mise en place du comité social et économique: les tribulations de l’établis... 26 mars 2019 | CMS FL

Loi d’orientation des mobilités et Forfait mobilités durables : les moda... 10 juillet 2020 | CMS FL Social

Basculement des arrêts de travail dérogatoires en activité partielle : un dis... 27 mai 2020 | CMS FL Social

Entretien d’évaluation : les règles essentielles à respecter... 5 février 2015 | CMS FL

Inaptitude physique du salarié : la persistance des difficultés... 14 juin 2021 | Pascaline Neymond

Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le c... 27 juin 2018 | CMS FL

Contrôle administratif des PSE : précisions sur le contrôle de légalité ex... 22 mai 2023 | Pascaline Neymond

Le régime social de l’indemnité transactionnelle : un casse-tête pour les p... 25 juillet 2022 | Pascaline Neymond

Articles récents
- Mi-temps thérapeutique : un temps partiel original ?
- Uber n’est pas un employeur
- Licenciement après la conclusion d’une rupture conventionnelle : dans quelles conditions et avec quels effets ?
- Répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux : le juge saisi doit obligatoirement statuer
- La cour d’appel de Versailles estime que les titres-restaurant relèvent des activités sociales et culturelles
- Maladie et congés payés : nouvelles perspectives
- Les personnes engagées dans un projet parental sont protégées des discriminations au travail
- Le licenciement d’un salarié victime de harcèlement est-il toujours nul ?
- Entretien préalable : faut-il informer le salarié de son droit de se taire ?
- Courriels professionnels : un droit d’accès extralarge