Non-respect de la parité entre les femmes et les hommes : pas de remplacement par un suppléant même en cas de démission de l’élu du sexe surreprésenté
3 novembre 2025
La loi Rebsamen a introduit des règles de parité entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats aux élections professionnelles.
Ces dernières doivent comporter un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur les listes électorales et doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
L’élection des élus dont le positionnement contrevient à ces règles doit être annulée par le juge qui la constate (C. trav., art. L. 2314-32).
Si, en principe, la cessation des fonctions de l’élu entraîne l’application des règles de remplacement par un suppléant prévues à l’article L. 2314-37 du Code du travail, la Cour de cassation écarte l’application de cette règle lorsque la cessation du mandat résulte de son annulation par le juge en raison de la violation de la règle de parité entre les femmes et les hommes sur les listes électorales (Cass. soc. 22 septembre 2021, n°20-16.859).
La sévérité de cette solution pousse certains syndicats, découvrant une irrégularité dans leurs listes, à développer des stratégies pour tenter d’échapper à cette sanction. En vain néanmoins, comme l’illustre une récente décision de la Cour de cassation (Cass. soc. 15 oct. 2025, n°24-60.159).
La démission des élus du sexe surreprésenté
Dans l’affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation, une liste de candidats déposée par la CFDT est contestée par une union syndicale FO qui demande au tribunal judiciaire l’annulation de l’élection de deux titulaires et d’un suppléant en invoquant le non-respect, par ces listes, de la règle de représentation proportionnée des femmes et des hommes sur les listes de candidats.
Souhaitant échapper aux conséquences d’une annulation de leur élection qui empêcheraient de procéder à leur remplacement en application des règles de suppléance, les élus concernés ont présenté leur démission avant la clôture des débats.
Leur argumentaire a convaincu les juges du fond qui ont retenu que les élus ayant démissionné de leur mandat, il n’était pas possible d’annuler un mandat qui, par définition, n’existait plus. Ils ont donc refusé d’annuler les élections litigieuses
L’union syndicale FO se pourvoit en cassation contre cette décision. Elle soutient notamment que la demande d’annulation de l’élection des deux titulaires et du suppléant pour non-respect des règles relatives à la proportionnalité et à la parité des candidats ne peut être couverte par la démission des élus concernés aux fins de permettre l’application des règles relatives à la suppléance.
Une démission qui ne couvre pas l’irrégularité de l’élection
La chambre sociale de la Cour de cassation censure la décision des juges du fond. Elle énonce en effet que, dès lors que le tribunal avait été régulièrement saisi d’une demande d’annulation de l’élection de deux titulaires et d’un suppléant pour violation des règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats, la démission des élus concernés, en cours d’instance avant la clôture des débats ne faisait pas obstacle à l’examen de la régularité de leur élection. En effet, le juge doit apprécier la régularité de l’élection d’un membre du CSE à la date de celle-ci, sans tenir compte d’une éventuelle démission postérieure du salarié.
Dès lors que ces mandats peuvent faire l’objet d’une annulation nonobstant le fait que leurs titulaires aient démissionné, il n’est pas possible de procéder à leur remplacement en appliquant les règles de suppléance. Il en résulte que le siège de l’élu dont l’élection a été annulé devra demeurer vacant jusqu’aux prochaines élections professionnelles.
La solution est stricte. Elle s’appuie sur le caractère d’ordre public absolu des règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes qui ne peuvent être contournées. Les syndicats doivent donc se montrer particulièrement vigilants à respecter ces règles lors de l’établissement de leurs listes de candidats aux élections.
Est-ce la seule solution pour échapper à la rigueur de ces décisions ?
Il est toujours possible d’organiser des élections partielles sous réserve que les conditions permettant d’y recourir soient réunies : aux termes de l’article L. 2314-10 du Code du travail « des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ».
Ainsi, si la démission d’un élu du sexe surreprésenté oblige à laisser le siège vacant, une démission massive des élus conduisant à priver un collège de toute représentation ou à réduire de moitié le nombre d’élus pourrait permettre d’organiser de telles élections et de pourvoir les sièges laissés vacants par l’annulation de l’élection des candidats du sexe surreprésenté.
AUTEURS
Béatrice Taillardat-Pietri, Responsable adjointe de la Doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre Avocats
Léo Yamine, stagiaire au sein de la Doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre Avocats
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