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Vote électronique pour vos élections professionnelles : soyez prêts !

Vote électronique pour vos élections professionnelles : soyez prêts !

L’année 2022 va être marquée par le premier renouvellement de nombreux comités sociaux et économiques. A l’heure de la pérennisation du télétravail et de la prééminence des outils digitalisés, la question du vote électronique sera sans nul doute mise sur le devant de la scène pour les futures élections professionnelles.

 

Voici un rappel des grandes lignes de ce procédé de vote à travers ses étapes clés.

 

Etape 1 : Négocier un accord collectif ou adopter une décision unilatérale

Le Code du travail prévoit que les élections professionnelles peuvent se dérouler sous la forme d’un vote électronique « si un accord d’entreprise ou, à défaut, l’employeur le décide »(1).

Dans un arrêt du 13 janvier 2021 (2), la Cour de cassation précise que l’employeur doit obligatoirement tenter de négocier loyalement un accord collectif avec les délégués syndicaux avant d’instaurer le vote électronique par décision unilatérale.

En l’absence de délégués syndicaux toutefois, elle précise que l’employeur n’est pas tenu d’ouvrir une négociation selon les modalités dérogatoires (élus ou salariés, mandatés ou non) avant d’adopter une décision unilatérale.

 

Par ailleurs, le Code du travail comme la jurisprudence semblent exclure la possibilité de conclure un accord dans le périmètre de l’établissement (3). En revanche, la Cour de cassation a admis qu’un accord d’entreprise pouvait fixer le cadre du recours au vote électronique tout en renvoyant à la conclusion d’accords d’établissement pour en définir les modalités de mise en œuvre (4).

Attention, si le vote électronique est institué par accord collectif, ce dernier doit obligatoirement entrer en vigueur, et donc être déposé auprès de la Dreets compétente, avant la conclusion du protocole d’accord préélectoral.

 

Etape 2 : Déterminer les modalités du recours au vote électronique

L’employeur peut organiser lui-même les modalités de recours au vote électronique ou faire appel à un prestataire, sur la base d’un cahier des charges qui doit respecter les dispositions règlementaires en la matière (5). Ce cahier des charges doit être tenu à la disposition des salariés sur le lieu de travail et mis sur l’intranet de l’entreprise lorsqu’il existe.

 

Certaines de ces modalités figurent souvent dans l’accord collectif ou la décision de recours au vote électronique.

 

Au-delà, le protocole d’accord préélectoral doit mentionner l’existence de cet accord ou cette décision ainsi que le nom du prestataire de vote choisi si ce choix est déjà fait. Une description détaillée du fonctionnement du système de vote retenu et du déroulement des opérations électorales doit également être annexée au protocole.

 

A défaut de protocole d’accord préélectoral, les modalités de mise en œuvre du vote électronique peuvent être déterminées unilatéralement par l’employeur ou, à défaut, le tribunal judiciaire (6).

 

Le système de vote électronique doit présenter de nombreuses garanties, notamment :

 

    • Sa conformité doit être contrôlée par un expert indépendant, non pas avant chaque élection mais au moment de sa mise en place initiale ou de toute modification substantielle. Le rapport de l’expert est mis à la disposition de la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés) ;
    • Il doit assurer la confidentialité des données, en particulier celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales, ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes. Il convient de garantir des votes anonymes et chiffrés ;
    • Il est nécessaire de traiter distinctement les données du fichier des électeurs d’une part, qui a pour but de délivrer à chaque électeur un moyen d’authentification et de réaliser les listes d’émargement, et le contenu de l’urne électronique d’autre part, qui regroupe les votes exprimés ;
    • Le Président du bureau de vote et deux assesseurs doivent disposer de clés de chiffrement, activées pour le dépouillement du vote.

 

En raison de ces exigences techniques, le recours à un prestataire spécialisé est presque indispensable pour l’employeur.

 

Etape 3 : Mettre en œuvre le vote électronique

Avant le déroulement des élections, l’employeur doit former les représentants du personnel et les membres du bureau de vote au recours au vote électronique et fournir aux salariés une notice d’information détaillée sur le déroulement des opérations électorales via ce procédé.

Chaque électeur doit également pouvoir voter sur un ordinateur mis à sa disposition et recevoir en amont les informations relatives à l’accès – sécurisé et confidentiel – au système de vote : adresse du site de vote, identifiant et code d’accès.

 

Le Code du travail ne précise aucune modalité d’envoi mais la jurisprudence s’accorde à considérer qu’il doit être garanti que l’électeur est le seul destinataire des informations le concernant.

 

L’envoi d’un courrier simple sans précaution serait insuffisant, tout comme l’envoi des informations par courriel, sauf à ce que chaque salarié bénéficie d’un code d’accès personnel pour ouvrir une session sur l’ordinateur mis à sa disposition par exemple (7).

L’employeur doit anticiper ces démarches. Néanmoins, la Cour de cassation vient de juger que la réception par les salariés des éléments de vote électronique le jour de l’ouverture du scrutin ou le lendemain entraine l’annulation des élections uniquement si ce retard a eu une incidence sur les résultats des élections, ce qui n’est pas le cas si tous les salariés ont été en mesure de voter (8).

 

Afin de veiller au bon fonctionnement et à la surveillance du système de vote électronique, l’employeur a l’obligation mettre en place une cellule d’assistance technique.

Celle-ci doit notamment, en présence de représentants des listes de candidats, procéder à un test préalable du système de vote électronique et du système de dépouillement, et vérifier que l’urne est vide, scellée et chiffrée par des clés dédiées. Ces tests et vérifications sont préalables mais ne doivent pas nécessairement intervenir immédiatement avant l’ouverture du scrutin (9). Elle doit par ailleurs contrôler le scellement du dispositif à l’issue du vote, avant le dépouillement.

 

Le vote électronique peut être organisé sur plusieurs jours, auquel cas l’ancienneté des salariés s’apprécie à la date d’ouverture du scrutin (10). Il peut être couplé avec un vote à bulletin secret sur le lieu de travail, qui doit alors se dérouler une fois seulement le vote électronique clos.

 

Etape 4 : Se préparer aux éventuelles contestations en justice

Selon l’arrêt précité du 13 janvier 2021, la contestation du recours au vote électronique relève de la compétence du juge des élections professionnelles. Un litige sera donc soumis au Tribunal judiciaire dans le ressort duquel se sont déroulées les opérations électorales, statuant en dernier ressort selon une procédure propre.

En prévision d’un éventuel litige ayant trait au vote électronique, l’employeur ou le prestataire choisi par lui a l’obligation de conserver sous scellés différents fichiers : copie des programmes sources et des programmes exécutables, matériels de vote, fichiers d’émargement, de résultats et de sauvegarde, jusqu’à l’expiration des délais de recours ou, en cas d’action contentieuse, jusqu’à la décision juridictionnelle définitive.

Ils doivent également être en mesure d’exécuter de nouveau la procédure de décompte des votes en cas de besoin.

 

La Cour de cassation vient par ailleurs de limiter l’accès à la liste d’émargement après la clôture du scrutin en cas de contestation des élections. En effet, seul le juge saisi peut y avoir accès, à l‘exclusion des autres parties intéressées (électeurs, organisations syndicales ayant déposé des listes ou candidats eux-mêmes), qui peuvent uniquement demander qu’elle soit mise à la disposition de celui-ci (11).

Une fois les délais de contestation du vote expirés ou, en cas de contestation judiciaire, une fois le litige clos par une décision juridictionnelle définitive, l’employeur ou le prestataire doit procéder à la destruction de ces éléments.

 

Au-delà de ces précisions liées à la spécificité du vote électronique, le contentieux électoral se déroule selon les mêmes règles qu’en cas de recours au vote par bulletin secret.

 

Dans les faits, le vote électronique revêt de nombreux atouts : il permet d’organiser chaque tour de scrutin sur plusieurs jours, possiblement 24 heures sur 24, il facilite le vote des salariés itinérants dans la mesure où il peut se dérouler à distance et en dehors du temps de travail, il ne mobilise pas les membres du bureau de vote pendant toute la durée du scrutin et, surtout, il sécurise les élections en évitant les votes blancs ou nuls et en éliminant toute erreur de dépouillement ; autant d’avantages qui concourent à son important développement.

 

(1) Article L. 2314-26 du Code du travail
(2) Cass. Soc. 13 janvier 2021, n° 19-23.533
(3) Cass. Soc. 10 mars 2010, n° 09-60.096
(4) Cass. Soc. 3 novembre 2016, n° 15-21.574
(5) Articles R. 2314-5 à R. 2314-18 du Code du travail
(6) Cass. Soc. 4 juin 2014, n° 13-18.914
(7) Cass. Soc. 14 décembre 2015, n° 15-16.491
(8) Cass. Soc. 5 janvier 2022, n° 20-17.883
(9) Cass. soc. 19 janvier 2022, n° 20-17.076
(10) Cass. soc. 23 mars 2022, n° 20-20.047
(11) Cass. soc. 23 mars 2022, n° 20-20.047 précité

 

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