Outils NTIC : frais professionnels ou avantages en nature ?

3 octobre 2014
L’employeur est tenu de fournir au personnel les moyens d’exécuter ses fonctions y compris lorsque le salarié travaille à domicile.
Selon la nature des fonctions confiées, il doit mettre à disposition des équipements tels que, notamment, la téléphonie mobile, le matériel informatique, une connexion Internet ou convenir d’une prise en charge des frais exposés par le salarié lorsqu’il utilise ses propres moyens (Cass. Soc., 7 avril 2010, n°08-44865).
Or, la mise à disposition d’un équipement de l’employeur utilisé à titre privé peut conduire l’URSSAF à considérer qu’il existe un avantage en nature.
De même, l’URSSAF peut être amenée à estimer que les remboursements ne constituent pas des remboursements de frais professionnels exonérés de cotisations sociales.
Dès lors, les employeurs doivent veiller à ne pas s’exposer à d’éventuels redressements.
La vigilance s’impose d’autant plus que les règles sont spécifiques et ne laissent que peu de marge de manœuvre, notamment en cas de remboursement de frais dus à une utilisation professionnelle des équipements de téléphonie et informatiques appartenant aux salariés.
Remboursements de frais
La deuxième Chambre civile a censuré récemment une cour d’appel, dans un arrêt en date du 28 mai 2014, laquelle avait fort opportunément admis l’exonération d’une indemnité évaluée forfaitairement dénommée «indemnité web» versée à des enquêteurs qui utilisaient leurs propres moyens (ordinateurs, imprimantes, etc.) (Cass. Civ. 2e, 28 mai 2014, n° 13-18212).
Pourtant, la Cour d’appel n’avait pas manqué de souligner que l’évaluation forfaitaire pratiquée était cohérente par rapport aux frais exposés par un échantillon d’enquêteurs.
Le mode forfaitaire d’évaluation était d’autant plus pertinent que les enquêteurs effectuaient des missions de courte durée et engageaient des dépenses minimes rendant inappropriée toute production systématique de justificatifs.
La Cour de cassation a néanmoins adopté une position particulièrement stricte en refusant le mode d’évaluation forfaitaire prévue en matière de frais professionnels à l’article 2 de l’arrêté du 20 décembre 2002 tel que complété par l’arrêté du 25 juillet 2003 considérant que seules les modalités prévues à l’article 7 peuvent être appliquées, à savoir le remboursement selon les frais réels à défaut de déclaration du salarié. En cas de déclaration faite par le salarié, l’employeur n’est pas autorisé à exonérer les remboursements que dans la limite de 50% de l’usage total.
Il est à craindre, en cas de remboursement selon des modalités différentes de celles prévues à l’article 7, que les URSSAF les remettent en cause systématiquement obligeant ainsi les employeurs à se constituer des preuves pour justifier de la réalité des frais remboursés.
De telles positions risquent fort de dissuader les employeurs de laisser les salariés utiliser leurs propres moyens de communication et de procéder à des remboursements sur une base forfaitaire.
Pour tenir compte de l’évaluation particulièrement rapide en matière de NTIC depuis 2003, un nouvel arrêté serait donc bienvenu. Cela pourrait s’inscrire dans le choc de simplification !
Mise à disposition de matériel
En cas de mise à disposition de matériel tel que téléphone, ordinateur portable avec connexion Internet, les règles pour déterminer s’il existe un avantage en nature posent moins de difficulté.
Seule une mise à disposition permanente des moyens de communication est susceptible de constituer un avantage en nature devant être évalué et inclus dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
Dès lors que l’usage privé est strictement prohibé ou se limite à une utilisation raisonnable pour les besoins ordinaires de la vie familiale, l’Administration considère que l’avantage en nature pourra être négligé.
En cas de contrôle, l’URSSAF pourra être amenée à vérifier si l’employeur veille au respect de l’interdiction et ne tolère pas en fait une utilisation personnelle sans limite comportant par exemple des appels à l’étranger alors même que les salariés ne sont pas censés, dans le cadre de leurs fonctions, avoir un quelconque lien avec l’étranger.
Si les moyens sont mis à disposition de façon permanente et que l’usage privé ne se limite pas à une utilisation raisonnable, c’est-à -dire à des appels et des connexions de courtes durées et de façon limitée, l’avantage devra être évalué soit en fonction des dépenses réellement engagées, soit sur la base d’un forfait.
L’évaluation selon les dépenses réelles s’avérera, la plupart du temps, difficile à effectuer.
L’employeur aura la faculté d’opter pour une évaluation forfaitaire, le forfait annuel correspondant à 10% de son coût d’achat ou d’abonnement.
Une telle règle a le mérite d’être simple à gérer.
Auteur
Nicolas Callies, avocat associé en droit social
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