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Projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine

Projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine

Le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine du 8 juillet 2015, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 6 octobre, contient un certain nombre de mesures visant à encourager la création et à protéger le patrimoine culturel.

A ce titre, l’article 1er du projet proclame la liberté de création artistique. Corollaire de la liberté d’expression, la liberté de création n’a jamais été élevée au rang de principe législatif. Cela pourrait donc changer, si le texte est voté en l’état. S’ensuivent différentes mesures propres à favoriser la création via des politiques de soutien menées au niveau de l’Etat, des collectivités territoriales ainsi que de leurs groupements (article 2). Un label pourrait également être attribué pour toute structure dont le projet artistique ou culturel présenterait un « intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques » (article 3).

A l’instar de ce qui existe déjà en matière de droit d’auteur, l’article 5 du projet introduit un nouvel article L.212-11 dans le Code de la propriété intellectuelle, indiquant que toute cession de droits entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes devra faire l’objet d’une mention distincte de chacun des droits cédés.

A cet égard, la Cour de cassation a déjà consacré la nécessité de mentionner chacun des droits cédés (Cass. Civ. 1re, 6 mars 2001, n°98-15.502), dont découlerait un principe d’interprétation stricte des stipulations des cessions de droits des artistes-interprètes (Cass. Civ. 1re, 19 juin 2013, n°12-16.314). Mais elle a aussi estimé que l’exploitation sous forme de « phonogrammes publiés à des fins de commerce » incluait, indépendamment de l’existence ou non d’un support tangible, la mise à disposition par voie de téléchargement payant (Cass. Civ. 1re, 11 septembre 2013, n°12-17.794). Sur ce point, il convient toutefois de relever que la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 (art. 3 §2 a) prévoit que la mise à disposition du public de phonogrammes par voie électronique est soumise à autorisation spécifique. Or, il n’est pas certain que le nouvel article L.212-11 puisse remédier à l’interprétation de la Haute cour puisque celui-ci ne fait que reprendre l’obligation déjà consacrée par celle-ci de mentionner chacun des droits cédés sans toutefois disposer que la mise à disposition par voie électronique doit faire l’objet d’une mention spécifique. La solution pourrait toutefois se trouver dans l’article L.212-13 alinéa 3 projeté, relatif à la rémunération des prestations de l’artiste – rémunération qui doit être distincte pour chacun des modes d’exploitation – et selon lequel « sont notamment regardés comme des modes d’exploitation distincts la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et par voie électronique« .

L’article 5 du projet propose par ailleurs l’introduction d’un article L.212-13 dans le Code de la propriété intellectuelle, selon lequel le contrat entre l’artiste-interprète et le producteur de phonogrammes devrait impérativement comporter une rémunération minimale garantie, sous forme de salaire, pour la fixation de sa prestation. L’article poursuit en disposant que, à l’image du droit d’auteur, chaque mode d’exploitation devra faire l’objet d’une rémunération distincte.

On sait que l’article L.7121-3 du Code du travail (anciennement L.762-1 du Code du travail), auquel renvoie l’article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle, instaure une présomption de salariat au profit de l’artiste-interprète. Parallèlement, l’article L.7121-8 du Code du travail (anciennement L.762-2 du Code du travail), auquel renvoie également l’article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle, prévoit que « la rémunération due à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire » initial, mais « du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement« . Il résulte de ces deux articles que la loi admet deux types de rémunération : les salaires et les redevances.

Cependant, ni le Code du travail ni le Code de la propriété intellectuelle ne rendent le principe de rémunération proportionnelle visé à l’article L.7121-8 du Code du travail obligatoire, contrairement à ce qui existe en matière de droit d’auteur.

Ainsi, bien que le nouvel article entérine la dichotomie entre redevances et salaires, il ne vient pas imposer le principe d’une rémunération proportionnelle mais seulement le principe, déjà appliqué par ailleurs, d’une rémunération pour chaque type d’exploitation.

Enfin, le nouvel article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle vient instaurer une obligation de reddition des comptes semestrielle pour chaque mode d’exploitation, similaire à celle qui existe déjà pour le droit d’auteur. L’étude d’impact du projet de loi (page 33) nous apprend que cette obligation ne s’appliquerait toutefois qu’aux contrats prévoyant une rémunération proportionnelle.

Au titre des autres mesures projetées, peuvent notamment être signalés :

  • l’article 7 du projet de loi qui institue un médiateur de la musique chargé d’une mission de conciliation lors des litiges contractuels entre artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et – précision notable – services de communication au public par voie électronique ;
  • les articles 8 et 9 du projet qui renforcent la transparence des comptes de production et d’exploitation des Å“uvres cinématographiques de longue durée ayant bénéficié d’une aide du CNC ;
  • les articles 11 à 13 du projet qui élargissent l’exception au monopole de l’auteur au bénéfice des personnes handicapées.

Par ailleurs, le projet de loi réforme le Code du patrimoine et pose une exception notable aux dispositions de l’article 522 du Code civil selon lequel la propriété du sol emporte celle du sous-sol, en écartant cette règle pour les vestiges archéologiques immobiliers susceptibles d’y être enfouis, et ce, au bénéfice de l’Etat.

Le projet de loi prévoit enfin plusieurs dispositions visant à promouvoir le patrimoine architectural.

Ce texte est maintenant devant les sénateurs. Nous ne manquerons pas de revenir sur ses évolutions ultérieures dans l’une de nos prochaines lettres.

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Thomas Livenais, avocaten droit de la propriété intellectuelle