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PSE : la notion de catégorie professionnelle revisitée par le Conseil d’état

PSE : la notion de catégorie professionnelle revisitée par le Conseil d’état

À l’occasion d’un arrêt du 30 mai 2016, le Conseil d’État a livré pour la première fois sa définition de la notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s’apprécient les critères de choix de l’ordre des licenciements.

Sans surprise, la définition retenue par le Conseil d’état ne s’écarte qu’à la marge de celle de la Cour de cassation.

La définition de la catégorie professionnelle par la Cour de cassation

La notion de «catégorie professionnelle» au sens du droit du licenciement est l’un des sujets symptomatiques du décalage qui existe souvent entre la perception du juge et la réalité de l’entreprise.

Dans un arrêt de principe du 13 février 1997, la Cour de cassation a défini la notion de catégorie professionnelle comme un groupe de salariés qui «exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune».

Probablement adaptée à une entreprise employant des salariés affectés à des tâches simples, cette définition est en revanche très pénalisante pour des entreprises disposant de salariés hautement qualifiés, qui, à partir d’une formation initiale identique, se sont spécialisés au fil du temps dans un domaine d’expertise spécifique.

Il est ainsi fréquent que des salariés occupant des fonctions «de même nature» et ayant suivi «une formation initiale identique» aient acquis une telle expérience dans un domaine qu’il est matériellement impossible de les remplacer les uns par les autres sur les projets auxquels ils sont affectés.

Or, en appliquant strictement la définition extensive de la notion de catégorie professionnelle, une entreprise, déjà fragilisée par des difficultés économiques, pouvait se voir contrainte d’opérer des licenciements sans tenir compte de la spécialisation acquise pendant des années par ses salariés dès lors qu’ils justifiaient d’une formation commune et de fonctions de même nature.

Consciente de la rigidité de cette définition, la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence à partir d’un arrêt du 23 mars 2011 en admettant que l’expérience professionnelle pouvait fonder des catégories professionnelles distinctes à la condition d’excéder la simple adaptation à l’évolution des emplois.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a admis que des journalistes exerçant leurs fonctions dans différents pays constituent une seule catégorie professionnelle au sein de laquelle doivent être mis en Å“uvre les critères d’ordre des licenciements dès lors que l’apprentissage d’une langue et la connaissance de la culture, de l’économie et de la politique d’un pays étaient de nature à excéder la simple adaptation à l’évolution des emplois.

La Cour de cassation a jugé ensuite que seule une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l’obligation d’adaptation pouvait justifier des catégories professionnelles distinctes (notamment Cass. Soc. 27 mai 2015).

L’analyse du Conseil d’Etat était donc très attendue des praticiens.

Le Conseil d’état adopte une définition très proche de celle de la Cour de cassation

Il est utile de rappeler que le Conseil d’Etat a fait le choix d’appliquer dès qu’il le peut la jurisprudence de la Cour de cassation dans un souci de sécurité juridique et de cohérence entre les deux ordres juridictionnels.

Il était ainsi prévisible que sa définition de la notion de catégorie professionnelle ne s’écarterait pas fondamentalement de celle retenue par la Cour de cassation.

Si la définition retenue par le Conseil d’État à l’occasion de l’arrêt du 30 mai 2016 ne bouleverse pas la définition de la Cour de cassation, elle comporte toutefois quelques nuances.

La Haute juridiction administrative rappelle ainsi qu’il appartient à l’Administration de vérifier que les catégories professionnelles regroupent, chacune, l’ensemble des salariés exerçant au sein de l’entreprise «des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune».

Le Conseil d’Etat précise toutefois que «si la caractérisation de l’appartenance à une même catégorie professionnelle doit, le cas échéant, tenir compte des acquis de l’expérience professionnelle pour apprécier […] l’existence d’une formation professionnelle commune, c’est toutefois à condition, notamment, que de tels acquis équivalent à une formation complémentaire qui excède l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur».

Ainsi, le Conseil d’état admet expressément que les acquis de l’expérience professionnelle puissent être pris en compte pour apprécier l’existence d’une formation professionnelle commune.

Toutefois, cette expérience professionnelle ne peut être prise en compte que si elle équivaut à une formation complémentaire qui excède l’obligation d’adaptation incombant à l’employeur.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat retient que les vendeurs d’un magasin FNAC relevant de la filière disques ne pouvaient être regardés «eu égard, d’une part, à la nature de leurs fonctions et, d’autre part, à leurs formations de base, aux formations complémentaires qui leur étaient délivrées et aux compétences acquises dans leur pratique professionnelle, comme appartenant à une catégorie professionnelle différente de celle, notamment, des vendeurs de la filière livres».

Il résulte de cette analyse que la formation professionnelle permettant de distinguer des catégories professionnelles doit désormais s’entendre de la formation de base des salariés, des formations complémentaires qu’ils ont suivies mais également des compétences acquises dans leur pratique professionnelle pour autant qu’elles s’apparentent à une formation complémentaire.

Auteur

Thierry Romand, avocat associé en droit social

PSE : la notion de catégorie professionnelle revisitée par le Conseil d’état – Article paru dans Les Echos Business le 3 octobre 2016
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