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PSE, reclassement et liquidation judiciaire : comment concilier toutes les contraintes ?

PSE, reclassement et liquidation judiciaire : comment concilier toutes les contraintes ?

Les dispositions du Code du travail imposent en cas de licenciement nécessitant la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) que ce dernier prévoit des mesures de reclassement (Article L. 1233-62 du Code du travail).

 

En pratique, si l’entreprise qui procède aux licenciements appartient à un groupe, avec des sociétés en France, celles-ci doivent être interrogées sur les possibilités de reclassement.

 

En effet, le juge exige, pour les sociétés in bonis, que l’employeur écrive aux autres sociétés et attende leur réponse avant de procéder au licenciement (Cass. soc., 21 mars 2001, n° 99-43.108).

 

Pour les sociétés en liquidation judiciaire, ces règles s’appliquent également mais l’attente d’un retour des autres sociétés du groupe préalablement interrogées peut ne pas être compatible avec les délais restrictifs attachés à la procédure de liquidation.

 

Dans sa décision du 1er juin 2022 (Conseil d’Etat, 1ère Chambres réunies, 1er juin 2022, n°434225), le Conseil d’Etat a adopté une position pragmatique, en considérant qu’un PSE pouvait être valablement homologué quand bien même le liquidateur judiciaire n’avait pas obtenu les réponses des autres sociétés du groupe basées en France relatives aux postes de reclassement éventuellement disponibles.

 

La recherche de postes disponibles : une obligation préalable applicable à toutes les entreprises

Si la liquidation judiciaire d’une société emporte certaines spécificités en cas de licenciement collectif, il n’en demeure pas moins que les principales règles de droit commun ont vocation à s’appliquer.

 

A ce titre, dès lors que le licenciement concerne plus de 10 salariés dans une entreprise d’au moins 50 salariés, un PSE doit être mis en place et comporter des mesures visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (Articles L. 1233-4 et L. 1233-61 du Code du travail).

 

Le premier cadre de recherche de reclassement est l’entreprise. Toutefois, ce cadre n’a pas de sens pour une société en liquidation qui cesse toute activité et licencie, en conséquence, l’ensemble de son personnel.

 

Le second cadre de reclassement imposé par le Code du travail est composé des sociétés situées en France qui appartiennent au même groupe que la société en liquidation.

 

A cet effet, la société qui licencie et met en place un PSE doit interroger ces sociétés afin de savoir si elles ont des postes disponibles, puis compiler les éventuelles réponses au sein d’une liste de postes disponibles et annexer cette liste au PSE. Le respect de ces obligations est vérifié par l’administration lors de la validation ou de l’homologation du PSE.

 

Pour les entreprises placées en liquidation judiciaire, les règles de recherche de postes de reclassement au sein des sociétés du groupe situées sur le territoire national, s’appliquent également.

 

Toutefois, compte tenu des délais attachés à la mise en place d’un licenciement économique collectif avec un PSE dans une entreprise en liquidation judiciaire (le liquidateur dispose de 21 jours pour établir la note économique et le PSE, faire les recherches de reclassement, procéder à la consultation du CSE, obtenir l’homologation ou la validation du PSE et procéder aux licenciements), le respect des règles tenant à l’obligation d’attendre la réponse des autre sociétés avant de procéder au licenciement peut s’avérer difficile pour le liquidateur judiciaire.

 

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat rappelle que les principes généraux du licenciement économique s’appliquent, mais retient une approche pragmatique qui permet d’éviter de sanctionner (par la nullité du PSE) une société en liquidation judiciaire en raison de l’inactivité des autres sociétés du groupe.

 

Société en liquidation judiciaire : pas d’obligation d’attendre la réponse préalable des autres sociétés du groupe sur l’existence de poste de reclassement disponibles

Dans l’arrêt commenté, une société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 27 septembre 2018 et le licenciement économique de l’ensemble des salariés de la société a été mis en œuvre par le liquidateur judiciaire. Ce licenciement concernant plus de 10 salariés (140 au cas particulier), une décision unilatérale portant PSE a été élaborée.

 

Par décision du 12 octobre 2018, la Direccte (maintenant la Dreets) a homologué le PSE autorisant le prononcé des licenciements ainsi que la mise en œuvre des mesures sociales d’accompagnement. Toutefois, considérant que le PSE n’était pas conforme, un syndicat et six salariés ont contesté cette homologation auprès du tribunal administratif et ont demandé l’annulation du PSE.

 

Ils reprochaient notamment à l’administration d’avoir homologué le PSE alors que, à la date du 12 octobre 2018, l’obligation de reclassement n’était pas respectée en raison d’une sollicitation tardive de la seconde entreprise du groupe située en France.

 

En effet, le liquidateur judiciaire avait adressé un courrier à cette autre société du groupe située sur le territoire national le 8 octobre 2018, et ce courrier avait été reçu le jour de la décision d’homologation du PSE par la Direccte, soit le 12 octobre 2018.

 

Les demandeurs considéraient que l’obligation de reclassement n’avait pas été respectée dans la mesure où l’autre société du groupe basée en France, interrogée par le liquidateur judiciaire sur l’existence d’éventuels postes disponibles, n’avait pas donné sa réponse au moment de l’homologation du PSE par la Direccte.

 

Les demandeurs n’ont pas été suivis par le tribunal administratif et ont interjeté appel auprès de la cour administrative d’appel, qui leur a donné raison.

 

Pour fonder sa décision, cette dernière a estimé que le PSE comportait une liste de postes de reclassement potentiellement incomplète ce qui aurait dû conduire la Direccte à refuser l’homologation.

 

La société a contesté cette décision devant le Conseil d’Etat qui a annulé la décision d’appel.

 

Plus précisément, le Conseil d’Etat a estimé que «la seule circonstance que, dans une entreprise en liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, alors qu’il a utilement saisi les autres entreprises du groupe en vue d’une recherche des postes de reclassement disponibles sur le territoire national, n’ait pas obtenu les réponses de tout ou partie de ces entreprises, ne fait pas obstacle à ce que le plan de reclassement soit regardé comme satisfaisant aux exigences du Code du travail».

 

Il en résulte que l’homologation du PSE par l’administration n’est pas nécessairement subordonnée à la réponse des autres entités du groupe, situées en France, quant à l’existence de postes de reclassement disponibles.

 

Ce principe posé par le Conseil d’Etat s’explique, vraisemblablement, par les délais relativement courts imposés au liquidateur judiciaire en cas de licenciement collectif avec PSE pour que les salariés concernés bénéficient de l’assurance de garantie des salaires (AGS).

 

Cette décision qui limite le risque qu’un PSE soit annulé pour défaut de recherche de postes de reclassement (entrainant la nullité des licenciements prononcés dans ce cadre) prend en compte les conditions spécifiques des licenciements en cas de liquidation judiciaire et apporte donc un peu de sécurité juridique aux liquidateurs.

 

Une décision dont la portée semble limitée aux entreprises en liquidation judiciaire

Au-delà du fait de savoir si toutes les circonstances particulières que pourraient rencontrer un employeur permettraient de justifier l’absence de liste de postes disponibles dans le PSE et donc éviter un refus d’homologation, cet arrêt interroge quant à son champ d’application.

 

Est-ce qu’une société qui n’est pas en liquidation judiciaire pourrait voir son plan homologué alors même qu’elle est en attente des réponses quant aux postes disponibles des autres sociétés du groupe basées en France ?

 

A notre sens, la réponse à cette question est négative.

 

La solution retenue par le Conseil d’Etat semble devoir se limiter aux seules entreprises en liquidation judiciaire, compte tenu des spécificités tenant à la procédure à suivre.

 

Il est en effet vraisemblable qu’en l’absence d’une telle procédure, le juge considérera que la recherche de reclassement n’aura pas été accomplie de manière sérieuse et refuserait donc toute homologation de PSE présenté sans attendre les réponses des autres sociétés du groupe basées en France.

 

On relèvera enfin, à titre de conclusion, que l’approche pragmatique du Conseil d’Etat pour les sociétés en liquidation judiciaire, relative aux conditions de validité du PSE ne dispense pas le liquidateur de proposer les postes de reclassement éventuellement communiqués tardivement par les sociétés du groupe entre la décision d’homologation ou de validation mais avant notification des licenciements individuels.

 

A défaut, il ne peut être exclu que les salariés licenciés considèrent que leur licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect de l’obligation de proposer individuellement les postes de reclassement et donc intentent une action en justice en conséquence.

 

La validité du PSE proprement dit, n’entraine en effet pas automatiquement le bien fondé des licenciements individuels.

 

Alain HERRMANN, Avocat associé et Sébastien MOSTOSI, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

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