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Restructuration des branches professionnelles : quel rôle peuvent jouer les entreprises ?

Restructuration des branches professionnelles : quel rôle peuvent jouer les entreprises ?

Afin d’atteindre l’objectif prévu de réduction du nombre de branches professionnelles de 700 à 200 branches d’ici 2019, les pouvoirs publics ont introduit, dans le Code du travail, différents mécanismes visant, d’une part, à opérer des rapprochements administrés, d’autre part, à favoriser les pourparlers entre les branches en vue de favoriser les regroupements (loi n°2014-288 du 5 mars 2014).

Le législateur a ainsi précisé les contours de ce processus de restructuration des branches professionnelles (loi n°2015-994 du 17 août 2015 et n°2016-1088 du 8 août 2016), avant de prévoir les mesures pour en accélérer la mise en œuvre (ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017). Le paysage conventionnel devrait donc, à terme, se trouver modifié.

Cela ne sera pas sans conséquences sur les relations entre les employeurs et salariés des entreprises relevant d’une convention collective de branche, du fait de leur adhésion à l’une des organisations patronales signataires ou de l’extension du texte concerné. A elles, par conséquent, de se saisir du sujet si elles veulent garder la maîtrise de leur statut conventionnel à venir.

Les mécanismes de restructuration des branches professionnelles

Les dispositions en vigueur offrent désormais deux solutions pour restructurer des branches professionnelles : la fusion et l’élargissement.

Le ministre fusionne, en premier lieu, les branches répondant à l’une des conditions suivantes : compter moins de 5 000 salariés, disposer d’un champ d’application géographique uniquement régional ou local, connaître une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociation couverts, avoir moins de 5% des entreprises qui adhèrent à une organisation professionnelle d’employeurs représentative, ou être dépourvues d’une commission paritaire nationale de négociation (article L. 2261-32, I, al. 1er du Code du travail).

De manière plus générale, la loi lui reconnaît également la faculté de fusionner des branches professionnelles afin « de renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives concernées » (article L. 2261-32, I, al. 1er du Code du travail).

Le ministre peut enfin décider de procéder à l’élargissement du champ d’application géographique ou professionnel d’une convention collective, afin d’y intégrer un secteur territorial ou professionnel non couvert par ses dispositions conventionnelles.

Les branches demeurent, par ailleurs, libres de se rapprocher spontanément entre elles.

Les effets des restructurations des branches sur les entreprises

Compte tenu de ce qui précède, nombre d’entreprises pourraient prochainement être soumises à un nouveau socle conventionnel, ou être dorénavant tenues d’appliquer une convention collective étendue alors qu’elles n’appartenaient jusqu’alors à aucune branche.

Cela résulte notamment de la possibilité reconnue au ministre de procéder à l’élargissement du champ d’une convention collective ou à la fusion de branches professionnelles afin « de renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives concernées », ce qui est susceptible de recouvrir un large panel de situations laissé, semble-t-il, à l’appréciation du ministre.

Cela résulte également des procédures de rapprochements spontanément engagées entre les branches professionnelles, qui sont susceptibles de concerner un nombre important d’entreprises, soit que ces branches envisagent d’intégrer dans leur champ des branches plus petites, soit qu’elles envisagent d’entrer elles-mêmes dans le champ d’une autre branche professionnelle.

Toutes ces entreprises auront donc un rôle à jouer auprès des pouvoirs publics, éventuellement par l’intermédiaire des organisations professionnelles ayant vocation à les représenter, pour s’assurer que la convention collective dont l’application est envisagée à leur égard est bien compatible avec leurs spécificités et leurs enjeux, et pour influer, le cas échéant, sur le choix de la convention de rattachement.

Une telle démarche doit cependant être anticipée car, une fois le nouveau socle conventionnel de rattachement fixé, les entreprises concernées ne seront pas libres d’appliquer la convention collective de leur choix, sauf éventuellement s’agissant de dispositions plus favorables.

Tout au plus pourront-elles bénéficier pendant un temps des dispositions selon lesquelles les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le regroupement doivent être remplacées par des stipulations communes dans un délai de cinq ans à compter de la date d’effet de la restructuration des branches. Dans l’intervalle, les anciennes dispositions pourront donc continuer à s’appliquer, sans que les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion ou du regroupement puissent être utilement invoquées (article L. 2261-33 du Code du travail).

Il ne s’agit là cependant que d’un dispositif transitoire, dont la branche issue du regroupement ou de la fusion devra surtout profiter pour essayer, dans la mesure du possible, de conclure un accord d’harmonisation prévoyant l’articulation entre les anciennes et les nouvelles dispositions conventionnelles applicables, conformément à l’article L. 2261-33 du Code du travail.

A défaut d’accord au terme de ces cinq années, les stipulations de la convention collective de la branche de rattachement s’appliquent. La situation des entreprises relevant de la nouvelle branche ainsi créée reste cependant floue à ce stade, la question du sort du socle conventionnel d’origine par rapport à la convention de la branche de rattachement n’ayant pas été clairement précisée. En principe, les stipulations initiales devraient tomber automatiquement, par l’effet de la loi, sans que les salariés concernés puissent ensuite invoquer un quelconque droit au maintien de la rémunération perçue en application de celles-ci (SSL. 20 février 2017, n°1757, Christophe Frouin), mais force est de constater que l’article L. 2261-33 du Code du travail est muet sur ce point.

Le sujet mérite donc une attention particulière.

Ce d’autant que, même si la question de la convention collective de branche applicable à l’entreprise est moins prégnante aujourd’hui que par le passé compte tenu de la possibilité reconnue à l’accord d’entreprise d’y déroger dans un grand nombre de domaines (article L. 2253-3 du Code du travail), elle demeure importante puisque l’entreprise reste tenue – sauf accord collectif prévoyant des garanties au moins équivalentes – d’appliquer la convention collective de branche dont elle dépend dans certains domaines tels que, par exemple, les classifications et les salaires minimaux (article L. 2253-1 du Code du travail)(article « le nouvel ordre conventionnel après les ordonnances : quelle place pour la branche ? »).

Le choix éventuel d’une convention collective de rattachement, comme le sort de la convention collective d’origine en cas de fusion, sont donc autant de sujets à anticiper par les entreprises dans chacune des branches engagée dans un processus de restructuration.

 

Auteurs

Florence Bonnet-Mantoux, avocat. en droit social

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du Responsable de la doctrine sociale

 

Restructuration des branches professionnelles : quel rôle peuvent jouer les entreprises ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 16 juillet 2018