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Transaction à la suite d’un licenciement pour faute grave : attention à l’URSSAF !

Transaction à la suite d’un licenciement pour faute grave : attention à l’URSSAF !

Depuis quelques années, les URSSAF redressent très régulièrement les indemnités transactionnelles versées à la suite de licenciements pour faute grave. Point sur cette pratique contestable et sur les précautions à prendre pour se prémunir d’éventuels redressements.

Position des URSSAF

Les URSSAF ont adopté depuis quelques années une position les conduisant à redresser les indemnités transactionnelles pour leur partie correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis, lorsque la conclusion de la transaction fait suite à un licenciement pour faute grave.

Rappelons qu’aux termes de l’article L.1234-5 du Code du travail, la faute grave est en principe privative de toute indemnité compensatrice de préavis.

Nonobstant cette règle, les URSSAF ont pris l’habitude de considérer que l’employeur qui conclut avec un salarié une transaction après l’avoir licencié pour faute grave «renonce nécessairement à la qualification de faute grave».

Par conséquent, les URSSAF considèrent que le salarié avait droit à une indemnité compensatrice de préavis et assujettissent à cotisations sociales la partie de l’indemnité transactionnelle correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis, au prétexte qu’il ne s’agit pas de dommages et intérêts mais d’un élément de salaire devant être soumis à cotisations.

Une pratique juridiquement critiquable

Cette pratique est critiquable pour plusieurs raisons.

En premier lieu, l’article L. 1234-5 du Code du travail pose de manière parfaitement claire la règle selon laquelle le licenciement pour faute grave prive le salarié de toute indemnité compensatrice de préavis.

L’URSSAF ne peut pas remettre en cause cette règle au seul motif qu’une transaction a été signée à la suite du licenciement. Elle ne peut pas «présumer», comme elle le fait, que l’employeur a renoncé à la qualification de faute grave en signant cette transaction si le document lui-même ne mentionne pas clairement et précisément cette renonciation.

Rappelons en effet qu’en application de l’article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Cette règle est applicable aux transactions, qui sont des contrats.

Par conséquent, ni l’URSSAF ni le juge ne peuvent dénaturer, sous prétexte d’interprétation, le sens et la portée d’une transaction lorsque ses clauses sont claires et précises (en ce sens, Cass. Soc. 7 novembre 1973 n°73-40.102).

En supposant que par la conclusion d’une transaction, l’employeur renonce «nécessairement» à la qualification de faute grave, l’URSSAF dénature les transactions conclues, ce qui constitue selon nous une violation tant de l’article L.1234-5 du Code du travail que de l’article 1134 du Code civil.

En second lieu, poser comme postulat que le fait de transiger avec un salarié licencié pour faute grave revient, pour l’employeur, à renoncer à la faute grave est inexact : la transaction est un contrat dont le seul objet est, pour l’employeur et le salarié, de mettre fin à la contestation née de la rupture du contrat de travail (article 2044 du Code civil).

Or il peut tout à fait être mis fin à cette contestation sans que l’employeur renonce à la faute grave qu’il a invoquée lors du licenciement. Transiger ne consiste pas obligatoirement à reconnaître le bien-fondé de la contestation initiée par le salarié.

Une position fondée sur un arrêt isolé de la Cour de cassation dont la portée est incertaine

Les URSSAF citent fréquemment au soutien de leur position un arrêt rendu par la 2e Chambre civile de la Cour de cassation le 20 septembre 2012, aux termes duquel la Haute Juridiction a semblé considérer que le versement, aux termes d’une transaction, d’une indemnité en plus des indemnités de congés payés implique que l’employeur a renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié, de sorte qu’il ne peut plus se prévaloir de ses effets.

La portée de cet arrêt est toutefois incertaine : il s’agit d’un arrêt de rejet, non publié au Bulletin de la Cour, rendu en formation restreinte et demeuré isolé.

De plus, il s’éloigne de la position habituelle de la Cour de cassation en la matière.

En effet, la Haute Juridiction considère classiquement que les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail doivent donner lieu à cotisations si elles ont le caractère de salaire, et en sont exonérées si elles sont représentatives de dommages et intérêts. Ainsi, l’indemnité transactionnelle doit être exonérée de cotisations sociales lorsqu’elle a pour objet de réparer le préjudice né de la perte de l’emploi ou des circonstances de la rupture.

En cas de versement d’une indemnité transactionnelle globale et forfaitaire, il revient au juge (et à l’URSSAF avant lui) de rechercher si cette indemnité ne contient pas des composantes salariales, qui devraient dès lors être assujetties à cotisations. Pour ce faire, il doit examiner les termes de la transaction.

L’arrêt du 20 septembre 2012 rappelle cette règle classique, mais en fait une application contestable puisqu’en recherchant les sommes contenues dans l’indemnité transactionnelle forfaitaire, il dénature l’article L.1234-5 du Code du travail en retenant que le simple versement d’une indemnité en plus de l’indemnité de congés payés implique que l’employeur a renoncé au licenciement pour faute grave.

Il conviendra donc d’être attentif aux prochaines décisions que rendra la Cour de cassation sur cette question.

Nos recommandations

Lors des contrôles, certaines URSSAF exigent, pour ne pas opérer de redressement, que le protocole d’accord transactionnel mentionne que le salarié a renoncé à son préavis.

Cette mention paraît surprenante puisque le salarié a par hypothèse été licencié pour faute grave, privative de préavis et d’indemnité compensatrice de préavis. Pourquoi dès lors renoncerait-il dans la transaction à un droit dont il a été privé du fait de son licenciement ?

Même si elle est difficilement compréhensible au plan du droit du travail, il semble toutefois prudent pour l’heure de se conformer à cette exigence, dans l’attente de nouvelles décisions de la Cour de cassation.

En cas de notification de redressement, et outre une contestation du principe même du redressement, l’employeur ne doit pas oublier de vérifier s’il peut opposer à l’URSSAF la portée du contrôle antérieur.

En effet, l’absence d’observations lors d’un précédent contrôle vaut accord tacite de l’organisme sur les pratiques ayant donné lieu à vérification, qui ne peuvent alors plus donner lieu à redressement. L’employeur doit toutefois être en mesure d’établir que lors du précédent contrôle, l’URSSAF a vérifié les transactions conclues à la suite de licenciements pour faute grave et n’a pas notifié de redressement.

 

Auteurs

Sandra Petit, avocat, spécialisée en matière de conseil et de contentieux pour des entreprises françaises et étrangères.

Cécile Derouin, avocat en droit social.

 

Article paru dans Les Echos Business le 28 janvier 2015

 

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