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Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le cas de l’invalidité de 2e catégorie

Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le cas de l’invalidité de 2e catégorie

Tenu à une obligation de sécurité à l’égard du salarié, l’employeur a l’obligation, à ce titre, de soumettre ce dernier à une visite médicale auprès du médecin du travail après un congé de maternité, une absence pour cause de maladie professionnelle ou une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel (c. trav. art. R.4624-31), afin que le médecin apprécie sa capacité à reprendre le travail et délivre, dans le cas contraire, un avis d’inaptitude.

C’est en principe le jour de la reprise du travail que cette visite doit se tenir et, au plus tard, dans un délai de huit jours suivant cette reprise. La jurisprudence précise que l’obligation pour l’employeur d’organiser la visite de reprise, suppose que le salarié ait effectivement repris le travail, sollicité une visite de reprise ou informé l’employeur de son intention de reprendre le travail (Cass. soc., 11 janvier 2017, n°15-10281 ; Cass. soc., 3 novembre 2016, n°15-19.529). A défaut, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir organisé la visite (Cass. soc., 25 juin 2013, n°11-22.370). Savoir reconnaître à quel moment l’organisation d’une telle visite est obligatoire constitue un enjeu non négligeable pour l’employeur dont la responsabilité peut être engagée en cas de manquement à cette obligation.

Plusieurs situations doivent être approchées avec précaution, qu’il s’agisse de la situation du salarié classé en invalidité de deuxième catégorie par la sécurité sociale, que nous étudions ici, ou encore de celle de la visite de reprise du salarié organisée au cours de son arrêt de travail, sur laquelle nous reviendrons dans une prochaine publication.

Classement en invalidité et contrat de travail

L’état d’invalidité se caractérise par une réduction de la capacité de travail ou de gain du salarié dans des proportions déterminées. Dès lors que le salarié remplit cette condition, il peut bénéficier d’une pension d’invalidité versée par la sécurité sociale dont le montant est fonction de la catégorie dans laquelle il aura été classé :

  • soit invalide, dont la capacité de travail ou de gains est réduite des deux tiers capable d’exercer une activité rémunérée (catégorie 1) ;
  • soit invalide dont la capacité de travail ou de gains est réduite des deux tiers, incapable d’exercer une profession quelconque (catégorie 2) ;
  • soit invalide incapable d’exercer une profession quelconque et dont l’état nécessite l’assistance d’une tierce personne (catégorie 3).

Lorsque des salariés sont en longue maladie et qu’ils ont épuisé leurs droits aux indemnités journalières de la sécurité sociale ou sont déclarés consolidés avec des séquelles, la sécurité sociale peut décider de les classer en invalidité de 2e catégorie.

S’agissant d’un dispositif de sécurité sociale ayant vocation à régir les rapports d’un assuré social avec la caisse primaire, le salarié n’a aucune obligation d’informer l’employeur de cette situation, laquelle est théoriquement sans incidence sur son contrat de travail. Pour cette raison, l’invalidité ne saurait constituer vis-à-vis de l’employeur, ni un motif d’absence, ni une justification de celle-ci. En effet, même si l’invalidité de deuxième catégorie s’applique aux invalides incapables, en principe, d’exercer une profession quelconque, il n’est pas interdit à un invalide de deuxième catégorie de reprendre une activité salariée, sous réserve de l’avis du médecin du travail. Dans un tel cas, la reprise d’activité par le salarié aura seulement pour effet de lui faire perdre tout ou partie du bénéfice de sa pension d’invalidité. Dès lors, il appartient au salarié de se positionner par rapport à son contrat de travail :

  • soit en manifestant son intention de reprendre le travail, ce qu’il est en droit de faire nonobstant son classement en invalidité ;
  • soit en décidant de démissionner de manière claire et non équivoque ;
  • soit, s’il est toujours malade, en adressant à son employeur des arrêts maladie justifiant son absence.

Comment réagir en cas d’information par un salarié qui n’est plus en arrêt maladie, de son classement en invalidité ?

Bien qu’ils n’en aient pas l’obligation, nombre de salariés informent leur employeur, au terme de leur arrêt de travail, de leur classement en invalidité. En présence d’une telle information, il était fréquent, même en l’absence de production d’un arrêt de travail, qu’employeur et salarié décident de laisser le contrat suspendu, permettant ainsi à ce dernier de continuer à bénéficier de certains avantages existant dans l’entreprise, tels que la prévoyance. Un arrêt du 24 avril 2001 (n°99-41.721) avait semé le trouble en décidant que le fait pour un salarié qui n’était plus en arrêt de travail, d’informer son employeur de son classement en invalidité valait manifestation de son intention de reprendre le travail et faisait obligation à l’employeur d’organiser la visite de reprise.

Par la suite, la Chambre sociale semblait être revenue sur cette décision en retenant que l’employeur, informé du classement en invalidité du salarié, n’avait l’obligation d’organiser la visite de reprise que lorsque le salarié avait manifesté son intention reprendre le travail (Cass. soc., 4 juin 2009, n°08-40.030 ; Cass. soc., 6 oct. 2010, n°09-13.149). Désormais la Cour de cassation décide de manière constante que, sauf à ce que le salarié manifeste clairement son souhait de ne pas reprendre le travail, l’employeur, informé du classement en invalidité du salarié, doit organiser la visite de reprise qui met fin à la suspension du contrat (Cass. soc., 22 nov., 2017, n°16-21.440 ; Cass. soc., 15 déc. 2016, n°14-25.714 ; Cass. soc., 25 janv. 2011, n°09-42.766). Ainsi, lorsque, au terme d’un arrêt de travail, l’employeur est informé du classement en invalidité du salarié sans autre précision, il doit organiser la visite de reprise. À défaut de l’avoir organisée, le contrat de travail demeure suspendu et l’employeur n’est donc pas tenu de reprendre le versement du salaire (Cass. soc., 6 mars 2017, n°15-26.680) mais la Cour de cassation considère qu’il commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité et d’ouvrir droit pour le salarié à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi (Cass. soc., 17 mai 2016, n°14-23.138).

En revanche, lorsque le salarié informe son employeur de son intention de ne pas reprendre le travail, celui-ci ne saurait être tenu d’organiser la visite de reprise (Cass. soc., 7 oct. 2015, n°14-12.182). Il peut toutefois avoir intérêt à le faire. En effet, comme nous l’avons vu, la jurisprudence considère que le contrat de travail est suspendu jusqu’à la visite de reprise. Or, si le salarié ne justifie pas de son absence, l’employeur ne saurait être tenu de laisser le contrat suspendu. Le classement en invalidité du salarié ne constituant pas un motif d’absence, l’employeur peut donc mettre le salarié en demeure de justifier de son absence ou de reprendre le travail et, à cette fin, organiser une visite de reprise. Dans le cas où le salarié, qui ne fournit plus d’arrêts de travail, ne se présenterait pas au travail, il commettrait une faute susceptible de justifier l’engagement d’une procédure de licenciement disciplinaire pour absence injustifiée (Cass. soc., 30 avr. 2014, n°13-10.361).

À notre sens, ces solutions ne devraient pas être remises en cause avec l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la santé au travail, issues de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 qui prévoient notamment que « dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise ».

 

Auteurs

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du responsable de la doctrine sociale

Louis Paoli, avocat, droit social

 

Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le cas de l’invalidité de 2e catégorie – Article paru dans Les Echos Exécutives le 26 juin 2018

 

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