Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Zoom sur le nouvel outil d’intéressement des salariés : le plan de partage de la valorisation de l’entreprise «PPVE»

Zoom sur le nouvel outil d’intéressement des salariés : le plan de partage de la valorisation de l’entreprise «PPVE»

Il existe dans notre droit plusieurs dispositifs collectifs d’épargne salariale permettant de partager la valeur créée par l’entreprise : la participation, l’intéressement, la prime de partage de la valeur, l’abondement de l’employeur au plan d’épargne d’entreprise, l’attribution d’actions gratuites «AGA» ou encore les stock-options.

 

Ces dispositifs sont, pour la plupart, assortis d’avantages sociaux et fiscaux, tant pour le salarié que pour l’employeur.

 

En pratique, on constate que les dispositifs d’actionnariat salarié sont peu utilisés. En 2020, seules 1,3% des entreprises de 10 salariés ou plus avaient mis en place une opération d’actionnariat, ce qui représente 600.000 salariés bénéficiaires.

 

Ce maigre succès tient, pour l’essentiel, au fait que les dispositifs d’actionnariat sont inadaptés pour les entreprises qui ne sont pas constituées sous la forme de sociétés par actions et pour celles qui n’ont pas la possibilité d’ouvrir leur capital.

 

Par ailleurs, on constate que les petites et moyennes entreprises, ainsi que les entreprises de tailles intermédiaires non cotées, sont souvent rebutées par la complexité de l’opération et les craintes que peut causer une ouverture de leur capital sur leur gouvernance.

 

Fort de ce constat, le législateur est venu, notamment, créer un nouveau dispositif de partage de la valeur des entreprises dont l’ambition est d’associer plus facilement et plus largement les salariés aux performances de l’entreprise, sans pour autant avoir à passer par un mécanisme d’actionnariat salarié qui peut paraître complexe à mettre en place.

 

Conçu dans le cadre des travaux menés à l’occasion de la conclusion de l’accord national interprofessionnel «ANI» du 10 février 2023, ce dispositif a vu le jour avec la loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition dudit ANI.

 

Dénommé plan de partage de la valorisation de l’entreprise «PPVE», il permet aux entreprises qui le souhaitent d’intéresser financièrement les salariés à la valorisation financière de leur entreprise, en leur attribuant des primes dont le montant varie en fonction de la valeur de l’entreprise appréciée sur trois ans.

 

1. Un outil facultatif aux mains des employeurs et au bénéfice de tous les salariés, sous certaines conditions

 

Le champ des entreprises concernées est le même que celui retenu en matière d’intéressement.

 

L’article 10 de la loi renvoie «aux employeurs mentionnés à l’article L.3311-1 du code du travail ainsi qu’à leurs salariés ou à leurs agents».

 

Sont donc concernés tous les employeurs de droit privé, y compris les associations, les établissements publics à caractère industriel et commercial et les établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé.

 

Le PPVE peut également être mis en place au sein d’un groupe constitué par des entreprises juridiquement indépendantes, mais ayant établi entre elles des liens financiers et économiques (article L.3344-1 du Code du travail) et au sein de groupes constitués par des sociétés régies par le statut de la coopération (article L.3344-2 du Code du travail).

 

Contrairement à la participation, ce texte ne prévoit aucune condition d’effectif.

 

Tous les salariés ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise bénéficient du plan, sauf si l’accord prévoit une ancienneté inférieure à cette durée.

 

L’ancienneté est appréciée à la date à partir de laquelle court le délai de trois ans fixé par l’accord. Elle est calculée en prenant en compte tous les contrats de travail exécutés dans l’entreprise ou dans le groupe d’entreprises au cours des douze mois qui précèdent ladite date.

 

Ne bénéficient pas de la prime de partage de la valorisation de l’entreprise les salariés qui, pendant la durée de trois ans d’application du plan :

 

    • atteignent l’ancienneté prévue dans l’accord ou,
    • quittent l’entreprise de manière définitive.

 

S’il est expressément prévu que les parties à l’accord peuvent déroger à la condition d’ancienneté d’un an, il n’est pas précisé s’il est possible d’élargir le champ des bénéficiaires aux salariés qui atteignent la condition d’ancienneté ou qui quittent l’entreprise avant l’expiration du délai de trois ans.

 

S’agissant de critères qui conditionnent l’exonération des sommes versées, il est préférable en l’absence de précision de l’administration de s’en tenir rigoureusement au texte sur ce point.

 

Notons enfin que seuls les salariés ont vocation à bénéficier de ce dispositif ce qui exclut donc les mandataires sociaux.

 

2. Les modalités de mise en place

 

Le PPVE est mis en place par un accord, établi sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l’entreprise ou, s’il n’en a pas été désigné, d’un commissaire aux comptes désigné à cet effet par l’organe compétent de l’entreprise ou du groupe, selon l’une des modalités suivantes :

 

par une convention ou un accord collectif de travail ;

 

par un accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;

 

par un accord conclu au sein du comité social et économique ;

 

à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur. Lorsqu’il existe dans l’entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité social et économique, la ratification est demandée conjointement par l’employeur et par une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.

 

La loi fixe à trois ans la durée de l’accord et précise qu’il ne peut être mis en place qu’un seul plan sur une même période de trois ans.

 

Les modalités de mise en place de la PPVE sont donc similaires à celles prévues en matière de participation.

 

3. Le contenu du plan et les modalités de calcul de la prime

 

L’accord définit notamment le montant de référence auquel sera appliqué le taux de variation de la valeur de l’entreprise, les éventuelles conditions de modulation de ce montant entre les salariés, la formule de valorisation retenue pour les entreprises dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, la date d’appréciation de la valeur de l’entreprise et la ou les dates de versement de la prime.

 

L’accord peut prévoir la reconduction du plan et précise alors les éléments précités pour la mise en œuvre de cette reconduction.

 

3.1. La formule de valorisation

 

Le PPVE permet aux salariés de bénéficier d’une prime de partage de la valorisation de l’entreprise dans le cas où la valeur de l’entreprise a augmenté au cours des trois années suivant la date fixée par le plan.

 

Pour chaque salarié, la prime de partage de la valorisation de l’entreprise résulte de l’application à un montant de référence du taux de variation de la valeur de l’entreprise, lorsque ce taux est positif.

 

Lorsque ce taux est négatif ou nul, le salarié ne bénéficie d’aucune prime de partage de la valorisation.

 

3.2. Le calcul de la variation de la valeur

 

Le taux de variation de la valeur de l’entreprise correspond au taux de variation constaté entre la valeur de l’entreprise déterminée à une date fixée par l’accord et la valeur de l’entreprise à l’expiration d’un délai de trois ans débutant le lendemain de cette date.

 

Pour les entreprises constituées sous la forme de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, la valeur de l’entreprise correspond obligatoirement à sa capitalisation boursière moyenne sur les trente derniers jours de bourse précédant chacune des deux dates de début et de fin de la période de 3 ans.

 

Pour les autres entreprises, la formule de valorisation de l’entreprise est déterminée par l’accord et doit être la même aux deux dates d’appréciation de la valeur de l’entreprise.

 

Cette formule doit permettre d’évaluer la valeur de l’entreprise en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d’activité.

 

Ces critères sont appréciés, le cas échéant, sur une base consolidée ou, à défaut, en tenant compte des éléments financiers issus des filiales significatives. Cette formule peut s’appuyer sur des comparaisons avec d’autres entreprises du même secteur.

 

Si l’accord ne contient pas de formule de valorisation de l’entreprise ou si cette formule est impossible à appliquer, la valorisation de l’entreprise est égale au montant de l’actif net réévalué, calculé d’après le bilan le plus récent.

 

3.3. La fixation d’un montant de référence modulable

 

Un montant de référence est fixé par l’accord. Ce montant peut être uniforme ou différer entre les salariés en fonction :

 

    • de la rémunération,
    • du niveau de classification -ce qui est une nouveauté par rapport à la participation et l’intéressement, ou
    • de la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du Code de la sécurité sociale.

 

4. Le versement de la prime

 

4.1 Les règles générales

 

Les sommes dues aux salariés au titre du plan sont arrêtées dans un délai de sept mois à compter de l’expiration du délai de trois ans figurant dans l’accord.

 

Le versement peut être réalisé en une ou plusieurs fois au cours des douze mois suivants.

 

Le montant des primes distribuées à un même salarié ne peut, au titre d’un même exercice, excéder une somme égale aux trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale.

 

4.2. Le respect du principe de non-substitution

 

Les sommes attribuées aux salariés en application du plan ne peuvent se substituer :

 

à aucun des éléments de rémunération pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, qui sont en vigueur dans l’entreprise au moment de la mise en place du plan ou qui deviennent obligatoires en application de règles légales, contractuelles ou d’usage, ni à un autre dispositif d’épargne salariale ou de partage de la valeur.

 

à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l’entreprise ou le groupe.

 

Cette règle ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales, dès lors qu’un délai de douze mois s’est écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et la date de mise en place du plan.

 

4.3. La possibilité d’affecter les sommes sur un plan d’épargne salariale ou à un plan d’épargne retraite

 

A l’instar des autres dispositifs de partage de la valeur, si le salarié a adhéré à un plan d’épargne salariale ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise il peut affecter tout ou partie de sa prime PPVE à ce plan.

 

L’employeur doit informer le salarié des sommes qui lui sont attribuées au titre de la prime et du délai dans lequel il peut formuler sa demande d’affectation au plan d’épargne salariale ou au plan d’épargne retraite d’entreprise.

 

Cette prime ne devrait pas faire l’objet d’un abondement de l’employeur puisqu’elle ne figure pas au nombre de celles visées à l’article L.3332-11 du Code du travail.

 

5. Un régime fiscal et social favorable

 

Sur le plan fiscal, les primes de PPVE sont imposables, par principe, à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, et ce même si elles n’ont pas «le caractère d’élément de salaire pour l’application de la législation du travail» comme indiqué au second alinéa du IX de l’article 10 de la loi du 29 novembre 2023.

 

En revanche, en cas d’affectation totale ou partielle de la prime à un plan d’épargne salariale ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise, ces sommes sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite, par an et par bénéficiaire, de 5% d’une somme égale aux trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 1.738 € aujourd’hui.

 

Sur le plan social, la prime versée au cours des exercices 2026 à 2028 est exonérée :

 

de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur,

 

du forfait social,

 

de la participation-construction,

 

des contributions au titre de la formation professionnelle prévues à l’article L. 6131-1 du Code du travail.

 

En revanche, la prime est soumise, à l’occasion de son versement, à une contribution au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

 

Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités applicables à la contribution prévue à l’article L.137-13 du Code de la sécurité sociale s’agissant des AGA et des stock-options. Son taux est actuellement de 20%. Elle est également assujettie à la CSG et à la CRDS.

 

Ce régime social de faveur devrait être pérennisé dans le cadre d’une prochaine loi de financement de sécurité sociale.

 

Pour ouvrir droit aux exonérations fiscales et sociales l’accord devra être déposé auprès de l’autorité administrative compétente dans des conditions qui seront déterminées par décret.

 

Les entreprises se saisiront elles de ce dispositif purement facultatif qui peut constituer un réel outil de motivation des salariés ? l’avenir nous le dira…

 

AUTEURS

Maëva Chavigny, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

Olivier Teixeira, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats

Print Friendly, PDF & Email