Mise en œuvre du télétravail : contraintes et obligations en 10 points clés

29 août 2016
Depuis la loi «Warsmann» du 22 mars 2012, le télétravail est encadré par les dispositions légales qui s’appliquent à tous les employeurs et tous les salariés du secteur privé. Ce qui n’est pas couvert par le Code du travail reste du ressort de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005. La récente loi «travail» du 8 août 2016 prévoit, à l’issue d’une concertation nationale et interprofessionnelle engagée avant le 1er octobre 2016, l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques afin de servir de document de référence lors de la négociation d’un accord d’entreprise.
1. Quels sont les salariés concernés ? Sont généralement éligibles les salariés pouvant travailler de manière autonome tant dans la gestion de leur temps de travail que dans l’utilisation de la technologie dont ils seront équipés. En sont exclus les salariés dont les fonctions s’exercent par nature en dehors de l’entreprise.
2. Accord collectif ou décision unilatérale ? Le télétravail peut être mis en place dans l’entreprise même en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise le prévoyant.
3. Information-consultation des représentants du personnel ? Le comité d’entreprise (ou à défaut les délégués du personnel) est informé et consulté sur l’introduction du télétravail et les éventuelles modifications qui lui sont apportées. L’avis du CHSCT est également requis dans la mesure où il s’agit d’une modification de l’organisation du travail.
4. A quel moment mettre en place le télétravail ? L’employeur et le salarié peuvent convenir du télétravail dès le recrutement, ou bien en cours d’exécution du contrat. Le salarié ne peut exiger de passer en télétravail et peut également le refuser (ce qui ne constitue pas un motif de rupture du contrat). La loi ne précisant pas les modalités de demande du salarié ou de l’éventuel refus de l’employeur ainsi que les délais de réponse, il est préférable de les prévoir (notamment dans un accord d’entreprise ou par décision unilatérale). Pour faciliter la demande du salarié, certaines entreprises ont mis en place un logiciel d’auto-évaluation de la demande, un livret de questions-réponses sur le télétravail, un questionnaire d’aide à la décision.
5. Quelle formalisation ? Le télétravail donne lieu soit à une clause du contrat de travail, soit à un avenant au contrat, qui doit contenir des mentions obligatoires.
6. Quelles sont les obligations de l’employeur ? L’employeur fournit, installe et entretient les équipements de travail nécessaires au télétravail lorsque celui-ci s’exerce à domicile (ordinateur, connexion internet, imprimante, ligne téléphonique, bureau, fauteuil etc.) et prend en charge les frais et dépenses en découlant (abonnement internet, communication, etc.). En outre, le salarié qui accepte, à la demande de son employeur, de travailler à son domicile, doit être indemnisé de cette sujétion particulière (Cass. soc., 7 avril 2010, n°08-44.865). Il est par ailleurs nécessaire que le salarié et son employeur s’assurent de part et d’autre contre les risques de dommages susceptibles de survenir au matériel et/ou à l’habitation du télétravailleur.
7. Quelles obligations en matière d’hygiène et sécurité ? L’employeur doit veiller au respect par le télétravailleur des règles de santé (travail sur écran notamment), de sécurité des équipements électriques et de conditions ambiantes de travail (chaleur, radiation, humidité, bruit et son, etc.). Pour ce faire, l’employeur doit l’informer de la politique de l’entreprise en matière de santé et de sécurité au travail (notamment par la mise en place de fiches expliquant les précautions à prendre ainsi que les règles à suivre par le télétravailleur). Il peut donc être nécessaire de faire appel à un organisme agréé – voire à un ergonome – afin de procéder à toutes les vérifications (vérification de la fiabilité des circuits électriques, conformité aux normes de sécurité hors lieu habituel de travail, etc.).
Afin de vérifier la bonne application des règles en matière de santé et de sécurité, le CHSCT, les délégués du personnel ou les autorités administratives compétentes ont accès au lieu du télétravailleur selon les dispositions en vigueur.
8. Quelle organisation du temps de travail pour le télétravailleur ? Le télétravailleur organise son temps de travail dans le cadre de la législation, des conventions collectives et règles d’entreprise applicables. Selon l’accord convenu avec le télétravailleur, celui-ci peut demeurer aux mêmes horaires que les autres salariés ou bénéficier d’un horaire différent. La charge de travail doit permettre au télétravailleur de respecter la législation relative à la durée du travail (notamment durée maximale et temps de repos). Un entretien annuel portant sur les conditions d’activité et sa charge de travail doit être organisé chaque année. L’employeur doit procéder au contrôle du temps de travail (soit par un système d’auto-déclaration soit par le biais de logiciels). En outre, le salarié ne peut être sollicité en permanence. Pour ce faire, l’employeur fixe avec le salarié les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter. Le salarié ne commet pas de faute s’il ne répond pas, en dehors des heures de travail, à un appel de son employeur sur son portable personnel et ce, quelle que soit l’urgence (Cass. soc., 17 février 2004, n°01-45.889).
9. Quels sont les droits et obligations du télétravailleur ? Il a les mêmes droits collectifs que les salariés qui travaillent dans les locaux de l’entreprise, notamment l’accès aux informations syndicales et aux activités sociales de l’entreprise. Il bénéficie ainsi des mêmes conditions de participation et d’éligibilité aux élections professionnelles. Comme les autres salariés, il est pris en compte dans les effectifs pour la détermination des seuils. Il bénéficie des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux autres salariés en situation comparable dans les locaux de l’entreprise.
10. Comment mettre fin au télétravail ? Le contrat de travail doit prévoir les conditions de retour à une exécution du travail sans télétravail. L’ANI du 19 juillet 2005 impose de prévoir une période d’adaptation pendant laquelle chacun, l’employeur comme le salarié, peut mettre fin à cette organisation du travail, moyennant un délai de prévenance préalablement défini. L’accord des deux parties est donc requis sauf si la possibilité de travailler au domicile a été accordée expressément et dès l’origine pour une durée déterminée. Tout salarié en télétravail a une priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail correspondant à ses qualifications et compétences professionnelles. En conséquence, l’employeur doit porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature.
Auteur
Anne-Claire Hopmann, avocat en matière de droit social
Mise en œuvre du télétravail : contraintes et obligations en 10 points clés – Article paru dans Les Echos Business le 29 août 2016
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