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Prise en charge des titres d’abonnement et télétravail : jusqu’où va l’obligation de l’employeur ?

Prise en charge des titres d’abonnement et télétravail : jusqu’où va l’obligation de l’employeur ?

Depuis le 1er janvier 2009, tous les employeurs du secteur privé et du secteur public doivent prendre en charge au moins 50 % des frais d’abonnement souscrits par leurs salariés pour effectuer leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos.

 

La prise en charge des titres d’abonnement par l’employeur, lorsqu’elle est réalisée dans les conditions prévues par la loi, est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales.

 

La jurisprudence a progressivement précisé les règles afférentes à cette prise en charge, tant en ce qui concerne l’étendue de l’obligation de l’employeur que les conditions d’exonération des sommes versées à ce titre.

 

Une récente décision des juges du fond donne une illustration de ces principes s’agissant de la prise en charge des titres d’abonnement souscrits par des salariés en télétravail pour se rendre sur leur lieu de travail lorsqu’ils ont fait le choix de résider loin de leur lieu de travail (TJ de Paris, 5 juillet 2022, n° 22/04735).

 

L’affaire soumise au tribunal judiciaire de Paris

Dans cette affaire, un employeur subordonnait le remboursement des titres d’abonnement aux transports publics à la condition que le lieu de résidence habituelle du salarié ne soit pas éloigné de plus de quatre heures aller-retour du lieu de travail. Le CSE et une organisation syndicale avaient saisi le tribunal judiciaire arguant qu’une telle condition était contraire aux dispositions légales en vigueur.

 

A l’appui de sa décision de subordonner la prise en charge des titres d’abonnement à un critère d’éloignement géographique, l’entreprise soutenait notamment que :

 

    • l’accord sur le télétravail ne prévoit aucune régularité ni droit acquis sur les jours fixes de télétravail et que les collaborateurs doivent être en capacité de se déplacer sur site en cas de besoin ou de modifier leurs jours de télétravail si leur manager en fait la demande ;
    • le critère de l’éloignement du domicile pour convenance personnelle est, selon le bulletin officiel de sécurité sociale (BOSS), pris en compte pour l’appréciation de l’exonération de cotisations de sécurité sociale de la part supérieure à 50% prise en charge de manière facultative par l’employeur
    • le législateur n’a jamais eu l’intention de contraindre les employeurs à prendre en charge ces frais sans considération de la domiciliation du salarié par rapport à son lieu de travail mais a créé une obligation de prise en charge des frais de transport public région par région, sans envisager les déplacements interrégionaux ;
    • la différence de traitement ainsi opérée entre les salariés en fonction de leur lieu d’habitation est justifiée dès lors que les salariés résidant loin de leur lieu de travail ne sont pas placés dans une situation identique compte tenu de la disparité du coût de la vie entre Paris et la province.

 

Dans sa décision du 5 juillet dernier, le tribunal judiciaire écarte l’ensemble des arguments de l’employeur. Il relève, en effet, qu’en instituant un critère d’éloignement géographique conditionnant le remboursement des frais de transport en commun, l’employeur a :

 

    • ajouté une condition non prévue par la loi qui contrevient au principe de libre choix du lieu de résidence garanti par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme ;
    • instauré, en outre, une différence de traitement injustifiée entre les salariés en fonction de leur lieu de résidence, ce qui ne saurait constituer une raison objective et pertinente au regard de l’avantage considéré.

 

Une solution conforme aux règles applicables à la prise en charge des titres d’abonnement

L’obligation légale de prise en charge vise les titres d’abonnement aux moyens de transports publics permettant au salarié de réaliser ses déplacements entre son lieu de résidence habituelle et le lieu de travail.

 

La notion de résidence habituelle a été précisée par la jurisprudence et s’entend, en principe, du lieu où l’intéressé a fixé le centre permanent ou habituel de ses intérêts avec la volonté de lui conférer un caractère stable (Cass. 1ère civ., 14 décembre 2005, n°05-10.951), peu important à cet égard que le salarié ait décidé de fixer son lieu de résidence loin du lieu d’exécution du travail pour convenance personnelle (Cass. soc., 12 décembre 2012, n°11-25.089 ).

 

Néanmoins, lorsque le salarié réside en semaine dans la ville où il travaille, il ne peut pas prétendre à la prise en charge des trajets qu’il effectue les week-ends et lors de ses congés pour rejoindre la résidence où vit sa famille (Cass. soc., 22 juin 2016 n°15-15.986), sauf s’il est hébergé occasionnellement et de façon précaire près du lieu de travail. Dans ce dernier cas, l’obligation de prise en charge s’applique entre le lieu de résidence habituelle et le lieu de travail (Cass. soc., 12 novembre 2020, n°19-14.818).

 

S’agissant de l’exonération de cotisations sociales afférentes à la prise en charge par l’employeur du titre d’abonnement, le BOSS retient une analyse quasi-similaire à celle de la chambre sociale de la Cour de cassation.

 

En effet, selon le BOSS, l’obligation de prise en charge des titres d’abonnement « étant de portée générale, les salariés dont l’éloignement de la résidence habituelle du lieu de travail relève de la convenance personnelle, doivent bénéficier de la prise en charge obligatoire » (Chapitre 4 – frais de transport domicile lieu de travail).

 

C’est donc logiquement au regard des principes énoncés que le tribunal judiciaire a retenu que l’employeur ne pouvait subordonner la prise en charge des titres d’abonnement à un tel critère.

 

Une marge de manœuvre limitée pour les employeurs

Si l’essor du télétravail favorise de toute évidence le choix pour les salariés d’un domicile éloigné de leur lieu de travail, avec les conséquences financières susvisées qui en résultent, son encadrement par l’employeur peut néanmoins conduire à limiter, dans les faits, la possibilité pour ces derniers de s’établir dans de trop lointaines contrées (limitation du nombre de jours, du choix des jours…).

 

Soulignons en outre la nécessité pour l’employeur de veiller au respect de son obligation de sécurité à l’égard des salariés, comme pour les salariés de prendre soin d’eux-mêmes.

 

Or cette obligation peut parfois s’avérer délicate à concilier avec la réalisation de grands trajets sources de fatigue et de stress…

 

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