L’immatériel et l’appréciation des risques sociaux dans les opérations de cession

12 avril 2022
Le développement de l’immatériel dans la vie des entreprises complique l’identification des risques en matière sociale à laquelle il doit être procédé dans les opérations de cession. Il oblige à la prise en compte de nouveaux indicateurs permettant de mieux apprécier la situation sociale de l’entreprise et les risques qui en résultent.
Les effets variés de l’immatériel sur les risques en matière sociale
Lorsqu’il s’agit d’auditer les risques pour apprécier la valeur de l’entreprise, la place croissante de l’immatériel dans la vie des entreprises peut avoir deux effets contradictoires.
Le premier est positif et consiste dans une meilleure traçabilité des données de la vie des entreprises objet des opérations de cession.
Ainsi, la digitalisation tout d’abord dans le domaine des relations individuelles de travail peut-elle faciliter l’accès comme la fiabilité des informations sur le respect des obligations intéressant la conclusion, l’exécution comme la rupture des contrats de travail (déclarations d’embauche, contrats de travail, bulletins de paie, entretiens professionnels, etc.).
De même et dans le domaine des relations collectives, la dématérialisation des actes de la vie du dialogue social est-elle également de nature à faciliter leur accès, leur compréhension et donc une meilleure révélation des risques dont ils peuvent être porteurs.
Mais la place croissante de l’immatériel dans la vie de l’entreprise a également son revers lorsqu’il s’agit de procéder à cette même évaluation des risques en matière sociale.
Des entreprises évoluant « hors les murs » et des risques sociaux moins facilement appréhendables
A cet égard, l’immatériel conduit de plus en plus les entreprises à évoluer « hors les murs ».
L’utilisation des outils numériques renforcée par le télétravail et la tertiarisation croissante de l’économie contribuent dès lors fortement à l’opacification des risques et ce, tout particulièrement en matière de santé mentale au travail (risque psychosociaux) ou de harcèlement.
Ainsi, le développement de l’immatériel dans le monde du travail – qui peut autant rapprocher qu’éloigner les salariés de leurs entreprises – a des effets majeurs sur la capacité de celles-ci à maitriser leur environnement et leurs conditions de travail.
Très concrètement le développement croissant de l’immatériel dans les relations de travail est de nature à soulever des risques majeurs, qu’ils soient légaux (harcèlement, respect de l’obligation de sécurité, respect de la réglementation sur le temps de travail et de repos, etc.), ou managériaux (cohésion des équipes, sentiment d’appartenance, risques de turn-over important, etc.), et que les praticiens sont souvent bien en peine d’apprécier justement à l’occasion des opérations de cession.
Ainsi, une entreprise auditée peut-elle de prime abord rassurer sur ses fondamentaux réglementaires et managériaux au plan social mais masquer, du fait du développement de l’immatériel dans son organisation du travail, des risques réels dans les domaines précités.
Et la jurisprudence fortement évolutive en matière sociale ne peut guère rassurer, comme l’illustre la récente admission de simples attestations de proches au soutien de la démonstration du préjudice d’anxiété (Cass. Soc. 15 décembre 2021, n° 20-11.046).
La prise en compte de nouveaux indicateurs
Cette réalité oblige à devoir porter une attention particulière aux dispositifs mis en place dans les entreprises pour prévenir les risques sociaux que peut masquer l’immatérialité dans le travail.
Enquêtes sur la qualité de vie au travail, effectivité des mécanismes d’alerte (notamment pour la prévention des risques psychosociaux), qualité des outils de suivi du temps de travail et des repos pour les salariés travaillant à distance, existence de procédures de droit d’alerte ou de danger grave et imminent, entretiens avec le management constituent ainsi autant d’éléments à ne pas négliger lorsqu’il s’agit d’apprécier les risques liés au « collectif de travail » des entreprises objet des cessions.
Article publié dans La lettre des FUSIONS-ACQUISITIONS ET DU PRIVATE EQUITY n° 1648 du 28 mars 2022
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