Les obligations des entreprises face au droit à la déconnexion des salariés
4 octobre 2017
La loi Travail du 8 août 2016 a introduit dans le Code du travail « un droit à la déconnexion » pour l’ensemble des salariés cadres ou non cadres. Pour autant, beaucoup d’entreprises cherchent aujourd’hui encore ce qu’elles doivent mettre en place en interne pour satisfaire à cette nouvelle obligation. En effet, si la loi est venue consacrer le doit à la déconnexion des salariés, le texte de loi n’est guère explicite en la matière et ne définit pas les mesures concrètes devant être prises par l’employeur.
La loi renvoie à la négociation collective, au niveau de l’entreprise, le soin d’en déterminer les modalités. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives disposant de délégués syndicaux (généralement les entreprises de plus de 50 salariés) doivent dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la qualité de vie au travail définir les « modalités du plein exercice pour le salarié de son droit à déconnexion » et mettre en place des « dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que de la vie professionnelle et familiale » (article L.2242-8, 7° du Code du travail).
A défaut d’accord, l’employeur est tenu d’établir une charte sur le droit à la déconnexion.
Les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, non tenues par cette obligation de négociation, doivent également se préoccuper de la déconnexion de leurs salariés si elles ont recours aux forfaits-jours (dispositif d’aménagement du temps de travail, principalement utilisé pour les cadres, permettant de rémunérer les salariés sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement sans décompter leurs heures de travail). En effet, les salariés au forfait-jours bénéficient de dispositions spécifiques : l’accord collectif autorisant et encadrant le recours à ce type de forfait doit désormais prévoir les modalités d’exercice du droit à la déconnexion. A défaut de stipulations conventionnelles, l’employeur doit en fixer les modalités. En pratique, cela nécessite de rédiger, par exemple, une note de service à destination des salariés soumis aux forfaits-jours afin de communiquer à ces derniers les mesures concrètes retenues par l’entreprise en matière de déconnexion (telles par exemple, la définition de plages horaires de déconnexion, le blocage des serveurs pendant les temps de repos…).
Dans le cadre de ces nouvelles obligations, l’objectif est donc pour les entreprises de parvenir à trouver la traduction concrète du droit à la déconnexion, dorénavant visé par le Code du travail, en évitant de mettre en place un système trop rigide, incompatible avec l’autonomie dont jouissent les salariés en forfait-jours et avec le fonctionnement de l’entreprise (en particulier si cette dernière a une dimension internationale). En pratique, cet exercice s’avère bien souvent périlleux, l’équilibre étant délicat à trouver.
En cas de non-respect de l’obligation d’engager les négociations prévues à l’article L.2242-1 du Code du travail (au rang desquelles figure l’obligation de négocier sur le sur le droit à déconnexion), l’employeur s’expose à la sanction pénale prévue à l’article L.2243-2 du Code du travail, il encourt à ce titre un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Aucune sanction n’est en revanche prévue en l’absence de charte.
Le droit à la déconnexion s’inscrivant dans une démarche de protection de la santé des salariés, l’employeur qui n’aurait pas satisfait à l’obligation de négocier sur le droit à la déconnexion, d’élaborer une charte ou, pour les salariés au forfait en jours, de prévoir des mesures en l’absence de stipulations conventionnelles sur ce droit, pourrait en outre se voir reprocher, dans le cadre de contentieux individuels, un manquement à son obligation de sécurité notamment en cas de harcèlement ou d’épuisement professionnel.
Les conventions de forfait annuel en jours pourraient aussi être privées d’effet exposant la société à des demandes de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires et éventuellement à des dommages et intérêts.
Il est donc important pour les entreprises, si cela n’a pas déjà été fait, d’engager au plus vite une réflexion sur les modalités effectives de déconnexion au sein de leur entreprise et, le cas échéant, de l’intégrer dans leurs négociations annuelles.
Auteurs
Françoise Albrieux-Vuarchex, avocat associé, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Charlotte Rascle, avocat, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Les obligations des entreprises face au droit à la déconnexion des salariés – Article paru dans le Tout Lyon Affiches le 16 septembre 2017
En savoir plus
LEXplicite.fr est une publication de CMS Francis Lefebvre Avocats, l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée en droit fiscal, en droit des affaires et en droit du travail. |
A lire également
Activité durant un arrêt de travail pour maladie, quelle sanction pour le sala... 25 septembre 2020 | Pascaline Neymond
Les référents dans l’entreprise : de nouveaux interlocuteurs à ne pas négl... 23 mai 2019 | CMS FL
Le dialogue social à l’heure du Covid-19... 15 juin 2020 | CMS FL Social
Retour d’expatriation ou de détachement : quelles sont les obligations de lâ€... 25 avril 2018 | CMS FL
Le versement transport : un mécanisme de taxation complexe à surveiller... 26 février 2018 | CMS FL
Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective... 27 septembre 2017 | CMS FL
Prélèvement à la source, comment sera garantie la confidentialité de la situ... 6 juillet 2018 | CMS FL
Harcèlement en entreprise : comment réagir face à une fausse dénonciation ?... 1 mars 2022 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Webinaire – Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie : décryptage des nouvelles dispositions légales
- « Reste à charge » CPF : le décret est publié !
- Transfert d’entreprise : étendue des obligations et responsabilités du repreneur en matière de discrimination
- Maladie et congés payés : focus sur les modalités d’application du délai de report
- Zoom sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice : qui doit négocier, quand, comment et sur quoi ?
- Quels outils de management package pour les jeunes pousses ?
- Nouvelle formalité obligatoire pour les employeurs concernant l’exposition aux risques des salariés
- La décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024 : le retour d’un nationalisme juridique ?
- La rupture du contrat de travail pour inaptitude après refus d’une proposition de reclassement
- L’accord conclu dans le périmètre d’une UES est un accord d’entreprise