Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Activité durant un arrêt de travail pour maladie, quelle sanction pour le salarié ?

Activité durant un arrêt de travail pour maladie, quelle sanction pour le salarié ?

Lorsqu’un employeur découvre qu’un de ses salariés exerce une activité durant son arrêt de travail pour maladie, dans la plupart des cas sa première réaction est de vouloir sanctionner le salarié. Or, dans une telle hypothèse, son pouvoir disciplinaire est strictement limité par la jurisprudence.

 

Le principe : l’exercice d’une activité ne constitue pas une faute

Durant l’arrêt de travail, le contrat de travail du salarié est suspendu. Ainsi, le salarié n’exécutant plus sa prestation de travail, l’exercice d’une activité pendant l’arrêt maladie ne constitue donc pas une faute susceptible de lui être reprochée et justifiant à elle seule l’exercice du pouvoir disciplinaire. Tel est le raisonnement tenu depuis plusieurs années par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Rappelons, en effet, qu’une faute suppose un manquement aux obligations contractuelles du salarié. Autrement dit, un salarié ne peut pas être sanctionné en raison de la commission d’un acte en rapport avec sa vie privée. L’acte répréhensible doit nécessairement se rattacher à l’exercice de sa vie professionnelle, c’est-à-dire constituer un manquement à une obligation découlant du contrat de travail pour être sanctionnable. Or, selon la Cour de cassation l’activité exercée pendant l’arrêt de travail se rattache à la vie personnelle du salarié,

Néanmoins, lorsque le contrat de travail d’un basketteur professionnel en arrêt de travail prévoit expressément qu’il doit se soumettre à des soins, le fait pour ce dernier de refuser ces soins peut constituer une faute (Cass. Soc. 20 février 2019, n°17-18.912).

Il convient donc, au vu de la jurisprudence, de bien vérifier si l’acte reproché au salarié peut s’analyser comme une violation d’une obligation contractuelle.

 

L’exercice d’une activité ne constitue pas en soi un manquement à l’obligation de loyauté

Si la vie professionnelle du salarié est mise entre parenthèses durant la suspension du contrat de travail, il n’en demeure pas moins que le salarié reste tenu par une obligation de loyauté, obligation inhérente à son contrat de travail.

Aussi, l’employeur peut être tenté d’invoquer une violation de l’obligation de loyauté pour sanctionner le salarié qui exerce une activité durant son arrêt de travail.

Toutefois, sur ce terrain il convient également de faire preuve de prudence. En effet, pour qu’une sanction soit justifiée, il faut que l’acte commis soit constitutif d’un manquement à l’obligation de loyauté. Or, à de nombreuses reprises, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que le simple fait d’exercer une activité durant un arrêt de travail n’est pas constitutif en tant que tel d’un manquement à l’obligation de loyauté qui justifierait un licenciement, voire de façon plus large une sanction. A titre d’exemple, l’exercice d’une activité, pour le compte d’une société non-concurrente de celle de l’employeur, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté (ex : Cass. Soc. 26 février 2020, n°18-10.017).

 

Qualification de l’acte déloyal justifiant une sanction

Un acte déloyal commis pendant la suspension du contrat constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et donc de sanction.

La Cour de cassation a une appréciation très stricte de la notion d’acte déloyal.

Selon la Cour de cassation, un acte déloyal semble constitué lorsque l’acte commis par le salarié entre en concurrence avec l’activité de l’entreprise. En effet dans la plupart des hypothèses dès lors que le salarié exerce une activité concurrente à celle de l’employeur, dans un but lucratif, la faute est caractérisée.

À titre d’illustration, la salariée qui exerce, pendant son arrêt de travail pour maladie, une activité professionnelle pour le compte d’une société concurrente commet une faute grave justifiant son licenciement (ex : Cass. Soc. 28 janvier 2015 n°13-18.354).

Par ailleurs, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension de son contrat de travail doit causer un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (sous réserve de la violation de l’obligation de non-concurrence qui ne semble exiger la preuve d’aucun préjudice particulier par l’employeur (Cass. Soc. 5 juillet 2017, n°16-15.623).

Ainsi, cause un préjudice à son employeur le fait pour un salarié de dénigrer les services et les membres du personnel de l’entreprise à l’occasion d’une visite qu’il avait faite à l’entreprise durant son arrêt de travail et au cours de laquelle il avait tenu des propos particulièrement insultants et injurieux, manquant ainsi à son devoir de loyauté (Cass. Soc. 25 juin 2002, n°00-44.001).

En revanche, et à titre d’illustrations, les faits suivants n’ont pas justifié un licenciement :

    • participer pendant un arrêt de travail pour maladie à des rallyes automobiles (pour un salarié déclaré inapte à la conduite de tous les véhicules en raison d’une maladie professionnelle touchant ses deux mains) ;
    • remplacer pendant un arrêt travail pour maladie de façon temporaire et à titre bénévole le gérant d’une station-service ;
    • aider son conjoint dans le fonds de commerce exploité par ses soins qui se situait à la même adresse que le domicile conjugal et à des heures où le service de restauration était terminé ;
    • exercer une activité d’associée au sein d’une société non-concurrente à celle de l’employeur alors que ce dernier en avait connaissance.

 

En pratique, une sanction financière est infligée par les caisses primaires d’assurance maladie

Même si elle ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire, l’exercice d’une activité par le salarié durant son arrêt maladie n’est pas sans risques.

En effet, si le pouvoir disciplinaire de l’employeur est limité, la caisse primaire d’assurance maladie peut quant à elle agir pour sanctionner l’assuré qui perçoit des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) durant son arrêt maladie.

Sur le terrain du droit de la sécurité sociale un assuré en arrêt maladie ne doit exercer aucune activité, qu’elle soit rémunérée ou non. L’interdiction est large puisqu’elle vise tout type d’activité qu’il s’agisse d’une activité professionnelle salariée ou non salariée, lucrative ou non, ou encore d’une distraction (activité artistique, sportive, etc.). À défaut, l’assuré s’expose à une éventuelle suspension du versement des IJSS ou à devoir rembourser les IJSS perçues en cas de contrôle. L’assuré est également passible d’une sanction financière lorsque l’activité exercée durant l’arrêt maladie a donné lieu à l’attribution d’une somme d’argent quelle que soit sa nature.

A titre d’illustration, il est interdit de :

    • se rendre à un séminaire professionnel ;
    • effectuer des travaux de peinture ;
    • accomplir sur son lieu de travail quelques tâches ;
    • jardiner etc.

 

Pour éviter tous risques, l’assuré doit donc lire attentivement les mentions contenues dans son arrêt de travail pour maladie avant de se livrer à une quelconque activité.

C’est ce qu’a rappelé récemment la Cour de cassation dans un arrêt du 28 mai 2020 (n°19-15.520). Dans cette décision, un salarié en arrêt de travail pour maladie avait participé à des courses à pied tant en compétition qu’en entraînement. Pour dire que cette activité ne constituait pas une activité autorisée, le Tribunal saisi en première instance du litige avait constaté :

    • d’une part, que la victime pratiquant de longue date, faisait l’objet de prescriptions d’arrêt de travail en relation exclusive avec un état dépressif sérieux consécutif à un contexte professionnel difficile ;
    • et, d’autre part, que les prescriptions portaient l’indication de sortie libre et ne mentionnaient aucune notion d’interdiction ou de limitation susceptible d’affecter l’intéressé dans ses droits et prérogatives.

 

Le Tribunal ajoutait en outre qu’une attestation établie par le médecin généraliste prescripteur des arrêts de travail successifs, postérieurement à ces arrêts, faisait état d’une invitation renouvelée de ce médecin à la poursuite par son patient de ses activités sportives. Cette juridiction en déduisait que l’activité sportive ainsi mise en œuvre par la victime sur la période considérée, outre qu’elle n’ait jamais présenté un caractère rémunéré pour lui, avait été dûment autorisée par son médecin traitant.

 

Ce jugement est cassé par la Cour de cassation qui rappelle que le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour la victime de s’abstenir de toute activité non expressément et préalablement autorisée. Les motifs pris en considération par le juge étaient impropres à caractériser que la victime avait été expressément et préalablement autorisée par le médecin prescripteur à exercer l’activité litigieuse suivant les termes utilisés par la Cour de cassation dans son arrêt.

 

Si, par principe, il est interdit d’exercer une activité durant l’arrêt de travail, le salarié peut néanmoins participer à des actions de formation professionnelle continue et suivre toute action d’évaluation, d’accompagnement, d’information et de conseil auquel la Caisse d’assurance maladie participe tout en continuant à percevoir des indemnités journalières. Cette exception est subordonnée à l’accord du médecin traitant et du médecin conseil de la caisse d’assurance maladie. Aussi, l’assuré doit au préalable s’assurer de leur aval.

 

Un dernier levier à disposition de l’employeur : tirer les conséquences d’une contre-visite médicale sur l’indemnisation de l’arrêt de travail pour maladie

L’employeur peut alerter la caisse primaire d’assurance maladie afin que cette dernière diligente un contrôle de l’assuré.

Il peut également organiser une contre-visite médicale dans l’hypothèse où il serait tenu de maintenir totalement ou partiellement la rémunération du salarié pendant son arrêt de travail.

Avant de recourir à cette contre-visite, l’employeur doit vérifier :

    • tout d’abord si l’absence est indemnisée ;
    • ensuite s’il a la possibilité d’y recourir.

 

En cas de maintien de salaire légal, l’article L.1226-1 du Code du travail lui permet d’organiser une telle contre-visite.

En cas de maintien de salaire conventionnel, il convient de se reporter aux dispositions conventionnelles afin de vérifier si une telle contre-visite est prévue et ses conditions.

Lorsqu’elle est permise, et que l’absence est indemnisée, une contre-visite peut être décidée à tout moment pendant l’arrêt maladie. À l’issue de cette celle-ci, si le médecin contrôleur remet en cause le motif de l’arrêt maladie, estimant que le salarié est en état de travailler, l’employeur peut mettre fin au versement des indemnités complémentaires. Cette mesure s’applique pour la période postérieure à la contre-visite et pour l’arrêt de travail en cours. En revanche, concernant le maintien de salaire qui a été assuré avant la contre-visite, le salarié conserve ce qu’il a perçu. Une telle sanction peut s’appliquer aussi lorsque le médecin contrôleur n’a pas pu vérifier si l’état de santé du salarié justifiait son arrêt de travail en raison de l’absence du salarié lors de son passage pour effectuer la contre-visite. Ce n’est que si cette absence était justifiée que le salarié pourra échapper à la sanction.

Cependant, si la réalisation d’une contre-visite peut présenter un réel intérêt financier pour l’employeur, elle ne l’autorise pas à sanctionner le salarié voire à le licencier. En effet, l’absence du salarié est toujours justifiée par l’arrêt de travail délivré par le médecin. Notons également, à toutes fins utiles, que l’éventuelle absence du salarié lors du passage du médecin-contrôleur ne peut en elle-même constituer une cause de licenciement. En revanche, lorsque l’arrêt de travail prend fin et que le salarié ne reprend pas son poste de travail, il pourrait être sanctionné.

En conclusion, il convient de bien distinguer les règles qui s’appliquent en droit de la sécurité sociale et en droit du travail qui sont autonomes. En droit de la sécurité sociale, la relation étant triangulaire (salarié/caisse primaire d’assurance maladie, employeur/caisse primaire d’assurance maladie et salarié/employeur), l’employeur ne peut nullement sanctionner les fautes commises par l’assuré qui sont dans le périmètre d’intervention des caisses primaires d’assurance maladie et de leurs contrôleurs. En droit du travail, l’employeur retrouve un certain pouvoir, certes encadré, à travers la possibilité de sanctionner l’acte déloyal, et d’organiser une contre-visite médicale pour agir sur le versement éventuel d’un complément de salaire.

Article publié dans Les Echos Executives le 25/09/2020

Print Friendly, PDF & Email