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CSSCT dans une entreprise classée SEVESO de moins de 50 salariés : des règles inadaptées

CSSCT dans une entreprise classée SEVESO de moins de 50 salariés : des règles inadaptées

La commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est obligatoirement mise en place au sein du CSE dans les structures suivantes :

 

1. les entreprises d’au moins 300 salariés ;

2. les établissements distincts d’au moins 300 salariés ;

3. les établissements mentionnés aux articles L.4521-1 et suivants du Code du travail (installations nucléaires, sites SEVESO seuil haut).

4. les entreprises et établissements distincts de moins de 300 salariés, dans lesquelles l’Inspection du travail a imposé la création d’une CSSCT en raison notamment de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement des locaux.

 

L’inspecteur du travail n’est pas en mesure d’imposer une CSSCT dans une entreprise de moins de 50 salariés (117 questions réponses sur le CSE, Question n°100, p.59, version janvier 2020).

 

Ainsi, une entreprise de moins de 50 salariés classée SEVESO devrait disposer d’une, voire de plusieurs, CSSCT lorsqu’elle est constituée de plusieurs établissements. Toutefois, dans cette situation, l’application stricte du Code du travail est source d’importantes difficultés pratiques et suscite de nombreuses interrogations, à l’instar de celles présentées ci-dessous.

 

 

En présence de plusieurs établissements, faut-il mettre en place plusieurs CSE ?

 

Il résulte de l’article L.2315-36 du Code du travail qu’une CSSCT est nécessairement mise en place dans les établissements mentionnés aux articles L.4521-1 et suivants du Code du travail.

 

Sont visés les établissements dotés d’installations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, dans lesquelles des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu’ils engendrent des dangers particulièrement importants pour la sécurité et la santé des populations voisines et pour l’environnement.

 

Il ressort de ces textes, que dans les entreprises et les établissements classés «SEVESO seuil haut», des CSSCT sont obligatoirement mises en place, sans condition d’effectif, dès lors qu’un CSE est créé (117 questions réponses sur le CSE, Question n°100, p.59, version janvier 2020).

 

En présence d’un seul site comportant une installation classée « SEVESO seuil haut » la mise en œuvre de cette exigence ne pose pas de difficulté particulière. Il convient « simplement » de mettre en place une CSSCT au sein du CSE.

 

En revanche, la situation est problématique et incertaine sur le plan juridique en présence de plusieurs sites comportant des installations « SEVESO seuil haut ».

 

En effet, il peut être déduit des articles L.2315-36 et L.4521-1 du Code du travail :

 

qu’en présence – par exemple – de deux sites comportant des installations « SEVESO seuil haut » dans une société, cette dernière est tenue de mettre en place deux CSSCT ;

 

que les CSSCT sont mises en place au sein des CSE.

 

Or, une telle analyse conduirait à obliger l’entreprise à reconnaitre que chaque site constitue un établissement distinct au sens de la mise en place du CSE alors même que ces sites seraient de toute petite taille et ne comporteraient que quelques salariés.

 

Dès lors, les entreprises de moins de 50 salariés placées dans ce cas de figure doivent-elles aller au-delà des textes sur le CSE pour respecter leurs obligations en matière de mise en place d’une CSSCT ?

 

En effet, l’application stricte des textes impliquerait, dans l’hypothèse objet de notre analyse, de mettre en place plusieurs CSSCT – et donc plusieurs CSE – alors même qu’il appartient en principe à l’entreprise, soit par accord, soit par décision unilatérale, de déterminer les établissements distincts pour la mise en place du CSE .

 

Cette solution serait bien entendu pénalisante pour les entreprises concernées qui seraient par ailleurs confrontées à une autre difficulté concernant le nombre de représentants du personnel à élire.

 

Faut-il élire plus de membres au sein du CSE ?

 

La CSSCT doit comporter au minimum trois membres du CSE (C. trav., art. L.2315-39). Il s’agit là d’une disposition d’ordre public.

 

Or, une difficulté se pose pour une entreprise de moins de 50 salariés .

 

En effet, pour un effectif compris entre 25 et 49 salariés, le nombre de membres du CSE est fixé à défaut de stipulations spécifiques dans le protocole d’accord préélectoral, à deux membres du CSE titulaires et deux membres du CSE suppléants.

 

En conséquence, afin de respecter les dispositions légales concernant la composition de la CSSCT, il faudrait que cette entreprise augmente le nombre de membres de son CSE.

 

Il est à noter que la situation serait encore plus complexe dans une entreprise dont l’effectif est compris entre 11 et 24 salariés pour laquelle un membre du CSE titulaire et un membre du CSE suppléant doivent être élus (C. trav., art. R.2314-1 ; L.2314-1).

 

Ce point est source de nombreuses difficultés pratiques et notamment s’agissant de :

 

La licéïté de l’augmentation éventuelle du nombre de représentants du personnel en l’absence de syndicat négociant le protocole d’accord préélectoral (PAP).

 

En effet, le nombre de sièges peut être augmenté que dans le cadre du PAP (C. trav., art. L.2314-1 ; R.2314-1 ; Cass. soc., 30 mai 2001, nº 00-60.150) ou, pour les installations nucléaires de base et les installations susceptibles de donner lieu à des servitudes d’utilité publique  (C. trav., art. L.4523-6), par une convention collective ou un accord collectif de travail ;

 

La présentation de candidatures suffisantes pour pourvoir les sièges ;

 

L’augmentation du nombre de salariés « protégés » et du nombre d’heures de délégation.

 

Ces illustrations montrent que les dispositions du Code du travail relatives aux CSSCT sont inadaptées à la situation d’une entreprise de moins de 50 salariés.

 

C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle, en principe, l’inspecteur du travail n’est pas en mesure d’imposer une CSSCT dans ces entreprises.

 

Il est en effet indéniable que les textes susmentionnés posent des difficultés d’application et imposent des obligations impossibles à respecter en pratique, par exemple, pour des entreprises de moins de 50 salariés disposant de plusieurs sites « SEVESO seuil haut ».

 

Dans ce contexte, il peut être conseillé à ces structures de se rapprocher de l’Inspection du travail dont elles relèvent pour lui faire part de la situation et obtenir son accord quant à la mise en place d’une seule CSSCT.

 

Une réponse positive de l’Inspection du travail, si elle ne fait pas disparaître tous les risques, permettrait tout de même de les réduire sensiblement.

 

Il en va ainsi des poursuites pour délit d’entrave qui sont en pratique souvent initiées par l’Inspection du travail. Or, il serait particulièrement singulier qu’un inspecteur ayant validé la pratique soit ensuite à l’initiative (ou au soutien) de poursuites.

 

Il en va de même en cas d’action d’un salarié victime d’un accident du travail tendant à faire reconnaitre une faute inexcusable de l’employeur au motif que plusieurs CSSCT auraient dû être mises en place. La production d’un écrit administratif confirmant la possibilité de procéder de la sorte pourrait être une pièce utile à la défense de la position de l’employeur.

 

En tout état de cause, les entreprises qui seraient dans une telle situation devront anticiper cette sollicitation de l’Administration, celle-ci devant être adressée suffisamment tôt à l’Inspection du travail pour obtenir une réponse avant le lancement des élections professionnelles.

 

En effet, il convient de rappeler que la mise en place des CSSCT doit être abordée avant le lancement des élections professionnelles, dans le cadre de l’accord d’entreprise ou, en l’absence de délégué syndical, de l’accord conclu au sein du CSE déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts (C. trav., art. L.2315-41 et L.2315-42). A défaut d’accord, c’est le règlement intérieur du CSE qui définit ces modalités.

 

Pour mémoire, cet accord définit :

 

    • le nombre de membres de la ou des commissions ;
    • les missions déléguées à la ou aux commissions par le CSE et leurs modalités d’exercice ;
    • leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d’heures de délégation dont bénéficient les membres de la ou des commissions pour l’exercice de leurs missions ;
    • les modalités de leur formation ;
    • le cas échéant, les moyens qui leur sont alloués ;
    • éventuellement, les conditions et modalités dans lesquelles une formation spécifique correspondant aux risques ou facteurs de risques particuliers, en rapport avec l’activité de l’entreprise peut être dispensée aux membres de la commission.

 

Cette anticipation du délicat sujet de la CSSCT permettra de compenser au mieux l’inadaptation des textes à la situation d’une entreprise de moins de 50 salariés disposant de plusieurs établissements classés SEVESO seuil haut.

 

AUTEURS

Christophe GIRARD, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre

Pauline MIRANDA, Avocate, CMS Francis Lefebvre

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