Transparence salariale : la refonte de l’index EgaPro est annoncée
26 mai 2025
La genèse d’une directive ambitieuse et contraignante
Malgré différentes directives et lois visant à établir l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’Union européenne persiste : il s’élevait à 13% en 2020, sans réelle évolution au cours des dix dernières années.
Dans ce contexte, la Commission européenne a réalisé en 2020 une évaluation des dispositions pertinentes de la directive 2006/54/CE (1) et a constaté que l’application du principe de l’égalité des rémunérations est entravée par :
-
- le manque de transparence des systèmes de rémunération ;
-
- le manque de sécurité juridique entourant la notion de travail de même valeur ;
-
- des obstacles de nature procédurale rencontrés par les victimes de discrimination.
Il ressort de cette évaluation qu’une plus grande transparence ferait apparaître des partis pris sexistes (parfois inconscients ou involontaires) et des discriminations entre les femmes et les hommes dans les structures de rémunération d’une entreprise ou d’une organisation.
C’est dans ce contexte qu’a été adoptée la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit.
Il s’agit d’un texte ambitieux et contraignant, marqué par la volonté de mettre fin à toute discrimination directe et indirecte en matière de rémunération.
Cette directive doit être transposée en droit interne au plus tard le 7 juin 2026.
Une transposition d’ici la fin de l’année en France
La ministre du Travail a posé les premiers jalons de la transposition de la directive en présentant le 21 mai dernier les grandes orientations et lançant une série de concertations avec les partenaires sociaux.
Le projet de loi devrait être examiné par le Parlement à l’automne, en vue de son adoption d’ici la fin de l’année.
Sous réserve des discussions à venir, la nouvelle loi devrait emporter des conséquences significatives pour les entreprises qu’il faut anticiper.
Un index EgaPro réformé
Une des évolutions résultant de la transposition de la directive est la refonte complète de l’Index de l’égalité professionnelle.
L’Index de l’égalité professionnelle actuellement en vigueur est constitué d’un barème de 0 à 100 points et se calcule à partir de 4 ou 5 indicateurs, dont les données à prendre en compte sont précisées et figurent dans la BDESE.
Pour une entreprise de plus de 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :
-
- écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;
-
- écart de taux d’augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;
-
- écart de taux de promotion entre les femmes et les hommes ;
-
- pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant le retour de congé maternité si des augmentations sont intervenues au cours de celui-ci ;
-
- nombre de salariés de sexe sous-représenté parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.
Cet index va être intégralement refondu pour transposer les critères prévus par la directive.
L’article 9 de la directive prévoit en effet que les États membres veillent à ce que les employeurs fournissent les informations suivantes :
1°) l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;
2°) l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;
3°) l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes ;
4°) l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;
5°) la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires ;
6°) la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins dans chaque quartile ;
7°) l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégories de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.
Compte tenu de l’important chantier que représentera la mise en place du nouvel index, la ministre du Travail a indiqué que les six premiers critères devraient être calculés de manière automatique via la DSN, afin que les entreprises se concentrent non pas sur la « constitution des données » mais plutôt sur les axes d’amélioration et les corrections à prendre en compte.
Ce nouvel index devrait entrer en vigueur en 2027 pour les entreprises d’au moins 150 salariés, le calendrier de mise en œuvre de cette obligation variant en fonction de la taille des entreprises.
La ministre du Travail a précisé que l’index continuerait à s’appliquer aux entreprises d’au moins 50 salariés (alors que la directive le rend obligatoire à partir de 100 salariés).
Le nouvel index ferait l’objet d’une publication annuelle, à l’exception du 7e indicateur qui pourrait avoir une fréquence de déclaration comprise entre 1 et 3 ans en fonction de la taille de l’entreprise.
Si la directive est transposée sans aménagement, l’évaluation devrait évoluer de manière assez significative.
En effet, contrairement à la pratique actuelle, les entreprises pourraient être amenées à inclure pour le calcul des indicateurs :
-
- les salariés à temps partiel ;
-
- la proportion d’hommes et de femmes dans chaque quartile de rémunération ;
-
- le delta de rémunération entre les sexes par catégorie de travailleurs, pour les salaires de base et les variables.
Il faudra donc être attentif à la transposition qui sera faite sur ces différents points.
AUTEUR
Ludovique Clavreul, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre AvocatsÂ
(1) Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en Å“uvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail
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