La CFE-CGC peut-elle signer seule un accord majoritaire de mise en œuvre d’un PSE ?

20 juin 2017
Un arrêt du Conseil d’état du 5 mai 2017 relance le débat relatif à la possibilité de conclure un accord de mise en œuvre d’un PSE avec la CFE-CGC.
Rappels des enjeux
La possibilité pour la CFE-CGC de signer seule un accord collectif non catégoriel de droit commun a donné lieu à une longue polémique qui a été tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt du 2 juillet 2014.
Dans cette décision, la Cour de cassation a jugé qu’un syndicat catégoriel ne peut pas négocier et signer seul un accord non catégoriel même lorsque son audience est largement majoritaire à l’échelle de l’entreprise.
Cette position de la Chambre sociale est lourde de conséquences pratiques dans les entreprises composées essentiellement de cadres au sein desquelles la CFE-CGC, même si elle est largement majoritaire, ne peut envisager la négociation collective que sous le parrainage d’un syndicat non catégoriel fût-il minoritaire.
La même difficulté se pose pour les entreprises de presse dans lesquelles les syndicats de journalistes sont fortement implantés.
Ce courant de jurisprudence paraît solidement ancré s’agissant des accords collectifs de droit commun. Mais qu’en est-il des accords majoritaires de mise en place d’un PSE ?
Dans l’affaire dont était saisi le Conseil d’état, un accord majoritaire avait été signé par la CFE-CGC et par la CFTC. Cet accord majoritaire prévoyait la suppression de 142 postes occupés exclusivement par des salariés non-cadres.
La CFDT, non signataire de l’accord, contestait sa validité en estimant que pour apprécier le caractère majoritaire de l’accord, la DIRECCTE n’aurait pas dû tenir compte des résultats électoraux de la CFE-CGC dont les statuts ne l’habilitent pas à représenter les salariés non-cadres alors même que les suppressions de postes ne concernaient que des salariés non-cadres.
La décision du Conseil d’état du 5 mai 2017
Par des conclusions remarquables de clarté et de précision, le rapporteur public, Sophie-Justine LIEBER, invitait le Conseil d’état à trancher deux questions distinctes :
- un accord majoritaire de mise en œuvre d’un PSE peut-il être catégoriel ou est-il par nature un accord non catégoriel ?
- faut-il tenir compte dans l’appréciation du caractère majoritaire d’un PSE du caractère statutaire des syndicats signataires ?
Le rapporteur public proposait de considérer en premier lieu que l’accord de mise en œuvre d’un PSE est par nature un accord intercatégoriel « sui generis » obéissant à des règles de validité entièrement dérogatoires aux règles régissant la validité des accords collectifs de droit commun.
Elle proposait en second lieu de considérer que le caractère majoritaire de l’accord de PSE s’apprécie en additionnant les différentes audiences des syndicats signataires, représentatifs au niveau de l’entreprise, sans considération du caractère éventuellement catégoriel de leurs statuts.
Le Conseil d’État a choisi de suivre les conclusions du rapporteur public pour juger que les dispositions de l’article L 1233-24-1 du Code du travail ont pour objet de déroger aux dispositions de droit commun qui régissent l’appréciation de la représentativité à laquelle est subordonnée la validité des accords de droit commun.
Le Conseil d’État juge par ailleurs que les conditions de majorité prévues par l’article
L 1233-24-1 du Code du travail s’apprécient en additionnant l’audience électorale de tous les syndicats signataires représentatifs de l’entreprise « sans considération des catégories de salariés que leurs statuts leur donnent vocation à représenter »
La prochaine étape
Le Conseil d’État n’était pas saisi de la question de savoir si un syndicat catégoriel peut signer seul un accord majoritaire de mise en œuvre d’un PSE sous réserve naturellement de remplir la condition de majorité posée par les dispositions de l’article L 1233-24-1.
La décision du 5 mai 2017 ne tranche donc pas expressément cette question.
Il est pourtant permis de penser que la capacité d’un syndicat catégoriel de signer un accord majoritaire PSE, sans nécessairement rechercher la caution d’un syndicat non catégoriel, se déduit de l’analyse du Conseil d’État.
En effet, en écartant l’application des règles de validité des accords collectifs de droit commun aux accords majoritaires de PSE, le Conseil d’État ouvre la voie d’une solution pragmatique et audacieuse qui permettrait aux nombreuses entreprises disposant d’une forte proportion de cadres et n’ayant comme seul interlocuteur que la CFE-CGC de négocier la mise en place d’une procédure de PSE par la voie de l’accord majoritaire.
Auteur
Thierry Romand, avocat associé en droit social
La CFE-CGC peut-elle signer seule un accord majoritaire de mise en œuvre d’un PSE ? – Article paru dans Les Echos Business le 19 juin 2017
Related Posts
Covid-19 et coûts salariaux : la négociation collective, levier indispensable ... 16 juillet 2020 | Pascaline Neymond

En cas de licenciement d’un salarié protégé compris dans un PSE, l’inspec... 26 juillet 2021 | Pascaline Neymond

L’accident du travail et la déclaration de maladie professionnelle à la suit... 23 juin 2023 | Pascaline Neymond

Actualité jurisprudentielle des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE)... 17 septembre 2021 | Pascaline Neymond

Le droit comptable ou fiscal étranger ne s’imposent pas au juge de l’impôt... 25 mai 2018 | CMS FL

Présomption de légalité des accords collectifs : une atteinte à la démocrat... 23 avril 2019 | Pascaline Neymond

La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral ... 26 octobre 2023 | Pascaline Neymond

Se céder des titres pour les rentrer au PEA ne rime pas forcément avec abus de... 24 novembre 2015 | CMS FL

Articles récents
- Transposition de la directive : la transparence des rémunérations dès l’embauche
- Canicule : Nouvelles obligations relatives à la prévention des risques liés à la chaleur au travail
- Ne pas informer son employeur d’une relation intime avec un autre salarié peut justifier un licenciement disciplinaire
- Transparence salariale : la refonte de l’index EgaPro est annoncée
- TVA : véhicules de tourisme mis à disposition des salariés
- Liste des métiers en tension : l’arrêté est publié
- Enquêtes internes : le mode d’emploi de la Défenseure des droits
- Conditions de production d’une preuve illicite ou déloyale : une jurisprudence réaffirmée
- Le déploiement des systèmes d’intelligence artificielle à l’épreuve du droit social
- Aide aux entreprises : l’APLD Rebond succède à l’APLD