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Le changement des horaires de travail du salarié : simple évolution des conditions de travail ou modification du contrat de travail ?

Le changement des horaires de travail du salarié : simple évolution des conditions de travail ou modification du contrat de travail ?

La rédaction du contrat de travail se révèle à cet égard d’une importance particulière.


Un arrêt rendu le 18 février 2015 (n°13-17.582) par la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel les horaires de travail du salarié ne sont pas en soi de nature contractuelle et que leur modification ne requiert pas, par principe, l’accord du salarié.

Au cas particulier, la salariée reprochait à son employeur de l’avoir licenciée après qu’elle ait refusé un changement de ses horaires de travail.

Alors que ses horaires de travail étaient répartis depuis plus de dix ans du lundi au vendredi, la salariée se voyait notifier de nouveaux horaires de travail par son employeur, «du mardi au samedi, avec présence continue le samedi».

La salariée ayant refusé de venir travailler plusieurs samedis de suite, son employeur, après l’avoir sanctionnée de trois avertissements, avait procédé à son licenciement.

La Cour de cassation approuve ce licenciement, après avoir relevé que le contrat de travail de la salariée «se bornait à renvoyer à titre informatif aux horaires de l’entreprise», ce dont il résultait que «les horaires de travail de la salariée n’étaient pas contractualisés».

En l’absence de clause expresse en ce sens, les horaires de travail relèvent des simples conditions de travail

De jurisprudence constante et à la différence de la durée du travail, qui est un élément nécessairement contractuel, les horaires de travail sont du domaine «des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d’entreprise» (not. Cass. Soc. 22 février 2000, n°97-44.339).

Leur changement, qu’il s’agisse d’une nouvelle répartition au sein de la journée (Cass. Soc. 17 octobre 2000, n°98-42.177) ou entre les jours de la semaine (Cass. Soc. 27 juin 2001, n°99-42.462) peut donc légitimement, et sauf abus, être imposé par l’employeur. Le cas échéant, son refus peut être sanctionné.

Il en va cependant différemment lorsque les parties ont eu l’intention de contractualiser les horaires de travail. Encore faut-il pour cela que la clause soit suffisamment explicite.

Tel n’était à l’évidence pas le cas dans l’arrêt précité du 18 février 2015, où le contrat de la salariée indique sans plus de précision qu’elle «devra se conformer aux horaires de travail en vigueur au sein de l’entreprise». Tel ne serait pas non plus le cas d’une clause, quand bien même serait-elle précise, dont le contenu serait expressément rappelé à titre informatif.

En revanche, la Cour de cassation a fort logiquement jugé (Cass. Soc. 11 juillet 2001, n°99-42.710), à propos d’un contrat spécifiant «« vos horaires de travail seront conformément à votre demande du lundi au jeudi 8 heures 30/17 heures et le vendredi 8 heures 30/16 heures », que les horaires ainsi expressément précisés et, à la demande de la salariée, acceptés par l’employeur, présentaient un caractère contractuel». Et par conséquent, «que la modification des horaires de travail de la salariée constituait une modification de son contrat de travail qu’elle était en droit de refuser».

Au-delà de l’exception contractuelle, il résulte de la jurisprudence d’autres cas dans lesquels l’accord du salarié peut être requis.

Attention cependant aux autres exceptions, d’origine légale et jurisprudentielle

Même en l’absence de stipulations contractuelles, la Cour de cassation considère que certaines modifications des horaires de travail, quand bien même elles n’impactent ni la durée du travail, ni la rémunération, ne peuvent être imposées unilatéralement par l’employeur.

De manière traditionnelle, elle considère que lorsque le changement d’horaires implique un bouleversement des conditions de travail, il constitue une modification du contrat de travail qui nécessite l’accord du salarié.

Il en va notamment ainsi en cas de «passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit» (not. Cass. Soc. 27 février 2001, n°98-43.783).

Il en va de même en cas de «nouvelle répartition de l’horaire de travail [ayant] pour effet de priver le salarié du repos dominical» (Cass. Soc. 2 mars 2001, n° 09-43.223). En revanche, dans l’arrêt du 18 février 2015, la Haute juridiction a implicitement admis que le changement d’horaire ayant pour effet de faire travailler le salarié le samedi, jour ouvrable, ne constituait pas un tel bouleversement.

Constitue également une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié le «passage d’un horaire fixe à un horaire variant chaque semaine selon un cycle» (Cass. Soc. 28 mai 2014, n°13-10.619).

A ce dernier sujet, il convient cependant de réserver le cas particulier prévu par l’article L. 3122-6 du Code du travail, selon lequel, sauf pour les salariés à temps partiel, «la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ne constitue pas une modification du contrat de travail lorsqu’elle est prévue par accord collectif».

Plus récemment, la Cour de cassation a également considéré que le salarié pouvait refuser une modification de ses horaires de travail «si le changement d’horaire portait une atteinte excessive [à son] droit (…) au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos» (Cass. Soc. 3 novembre 2011, n°10-14.702).

Cet arrêt s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel plus large et n’est pas sans rappeler le motif légitime dont le salarié peut faire état pour refuser d’accomplir des heures supplémentaires, ou encore l’alinéa 2 de l’article L. 3123-24 du Code du travail, selon lequel le refus du salarié à temps partiel d’accepter un changement d’horaires «ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses (…)».

Au cas particulier de l’arrêt du 18 février 2015, il sera observé que la salariée n’a pas invoqué l’argument de sa vie personnelle et familiale pour tenter de légitimer son refus de travailler le samedi. Il n’est, à notre sens, pas impossible que dans certaines situations particulières, par exemple celle d’un parent célibataire ayant la garde de ses enfants seulement certains week-ends, un tel refus puisse être considéré comme légitime.

 

Auteur

Raphaël Bordier, avocat associé, département droit social.

Aurore Friedlander, avocat, département droit social

 

*Le changement des horaires de travail du salarié : simple évolution des conditions de travail ou modification du contrat de travail ?* – Article paru dans Les Echos Business le 8 avril 2015
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