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L’information du Comité d’entreprise dans le cadre des opérations de concentration

Les entreprises parties à une opération de concentration sont soumises à une obligation particulière d’information de leur Comité d’entreprise. Dans un arrêt rendu le 2 juillet 2014, la Cour de cassation est venue préciser quelles sont les entreprises tenues par cette obligation.

L’article L. 2323-20 du Code du travail prévoit que, lorsqu’une entreprise est partie à une opération de concentration telle que définie à l’article L. 430-1 du Code de commerce, l’employeur réunit le Comité d’entreprise au plus tard dans un délai de trois jours à compter de la publication du communiqué ministériel relatif à la notification du projet de concentration émanant soit de l’autorité administrative française, en application de l’article L. 430-3 du même Code, soit de la Commission en application du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations.

Au cours de cette réunion, le Comité d’entreprise peut décider de recourir à un expert-comptable rémunéré par l’entreprise.

Conformément aux dispositions de l’article L. 430-1 du Code de commerce, ne sont concernées par cette obligation spécifique d’information que les seules entreprises « parties » à l’opération de concentration, laquelle est notamment réalisée lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ou lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres entreprises.

Qu’est-ce qu’une «partie» à une opération de concentration ?

Toute partie à l’opération de concentration doit réunir son comité d’entreprise dans le délai de trois jours précité. Dans les opérations concernant des entreprises appartenant à un groupe, se pose naturellement la question de savoir ce qu’il convient d’entendre par entreprise «partie» à l’opération de concentration.

Deux interprétations différentes ont été envisagées :

  • certains considéraient de façon restrictive, qu’étaient seules concernées par cette procédure d’information les comités des entreprises qui sont parties à l’acte ainsi que celles qui sont directement concernées par l’opération ;
  • d’autres considéraient à l’inverse qu’il s’agissait de toutes les entreprises du groupe, y compris les filiales directes ou indirectes comprises dans le périmètre de l’opération et dotées d’un comité d’entreprise.

Par un arrêt très remarqué du 26 octobre 2010, la Cour de cassation a tranché la question en faveur de la seconde interprétation en considérant que «sont parties à la concentration l’ensemble des entités économiques qui sont affectées, directement ou indirectement, par la prise de contrôle».

Précisions sur la notion d’ «entités économiques affectées directement ou indirectement par la prise de contrôle»

L’arrêt du 26 octobre 2010 a apporté un début de réponse en ce qu’il précise que la procédure de l’article L. 2323-20 du Code du travail ne s’applique pas uniquement aux entreprises parties à l’acte de fusion ou de cession.

Devait-on toutefois en déduire que cette procédure d’information spécifique devait être appliquée à tous les comités d’entreprise de toutes les sociétés impliquées dans l’opération ?
La notion d’entités directement ou indirectement affectées par la prise de contrôle méritait donc d’être précisée.

C’est chose faite depuis un arrêt du 2 juillet 2014, dans lequel la Cour de cassation, tout en confirmant sa jurisprudence de 2010, précise quels éléments sont à prendre en compte pour déterminer si l’entreprise est ou non directement ou indirectement affectée par la prise de contrôle.

Dans cette affaire, une société holding projetait d’acquérir un groupe de sociétés. Le Comité d’entreprise d’une filiale de cette holding décidait alors de recourir à l’assistance d’un expert-comptable en vue de l’examen de ce projet. La décision du comité d’entreprise a alors été contestée par la filiale concernée au motif que l’acquisition réalisée par la holding n’entraînait aucune modification de son organisation juridique, économique ou financière.

La Chambre sociale de la Cour de cassation confirme dans son arrêt du 2 juillet l’arrêt de la cour d’appel de Versailles qui a donné raison à la société la dispensant ainsi de payer le coût de l’expertise.

Après avoir rappelé que «sont parties à une opération de concentration, pour l’application des articles L. 2323-1 et L. 2323-20 du Code du travail, l’ensemble des entités économiques qui sont affectées directement ou indirectement par la prise de contrôle», la Cour de cassation précise quels éléments permettent de déterminer si une société est ou non affectée, directement ou indirectement, par la prise de contrôle.

Ainsi, selon la Cour, ne peuvent se prévaloir des dispositions de l’article L. 2323-20 que les comités d’entreprise des sociétés qui, étant en situation de concurrence avec la ou les sociétés acquises, peuvent justifier de conséquences actuelles ou futures mais certaines et prévisibles de l’opération en cause sur l’emploi et l’activité de l’entreprise.

Il appartient donc aux comités d’entreprise des sociétés qui ne sont pas directement parties à l’acte, s’ils entendent se prévaloir des dispositions de l’article L. 232320 du Code au travail, de justifier de raisons objectives laissant supposer de manière suffisamment certaine, que l’opération a ou aura des conséquences sur les salariés.

A défaut, il doit être considéré que l’entreprise n’est pas affectée directement ou indirectement par la prise de contrôle et que son Comité d’entreprise ne peut avoir recours à un expert rémunéré par l’employeur.

 

Auteurs

Raphaël Bordier, avocat associé, département droit social.

Claire Bourgeois, avocat, département droit social.

 

Article paru dans Les Echos Business le 24 septembre 2014

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