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Indemnité de licenciement à la suite d’un arrêt maladie : une méthode clarifiée

Indemnité de licenciement à la suite d’un arrêt maladie : une méthode clarifiée

Par un arrêt récent (Cass. Soc. 23 mai 2017, n°15-22.223), la Cour de cassation affirme très solennellement que l’indemnité de licenciement du salarié qui a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie, doit être calculée sur les salaires perçus avant l’arrêt de travail.

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, une salariée avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement à l’issue d’un arrêt maladie de 8 mois.

L’employeur, appliquant à la lettre les stipulations de la CCN des Caves Coopératives Vinicoles (en l’occurrence semblables aux dispositions légales), avait calculé l’indemnité de licenciement en retenant comme assiette la moyenne la plus favorable des 3 ou des 12 derniers mois de salaire précédant la rupture du contrat de travail.

Dans les faits, la salariée avait perçu, du fait de son absence et en l’absence d’un droit à maintien intégral de sa rémunération sur cette période, une indemnité de licenciement inférieure à celle qu’elle aurait perçue si son contrat n’avait pas été suspendu.

La salariée, entre autres griefs, contestait cette méthode de calcul et sollicitait un rappel d’indemnité de licenciement, considérant que celle-ci aurait dû être calculée sur la base de la rémunération qu’elle avait perçue avant son arrêt de travail.

Cette demande a été rejetée par les juges du fond, la Cour d’appel de Nîmes jugeant « qu’en l’absence de dispositions le prévoyant dans la convention collective, la salariée ne peut prétendre à ce que le montant de son indemnité soit calculé sur la base des salaires qu’elle aurait perçus si son contrat n’avait pas été suspendu ».

Estimant qu’il s’agissait d’une mesure discriminatoire en raison de son état de santé, la salariée a formé un pourvoi en cassation.

Auparavant, une neutralisation de la maladie incertaine, fonction des stipulations conventionnelles

Si la Cour de cassation a déjà, à plusieurs reprises par le passé, imposé à l’employeur de neutraliser les absences pour maladie du salarié pour le calcul de l’indemnité de licenciement, elle s’était généralement appuyée sur la rédaction des conventions collectives et n’avait pas eu à se prononcer sur l’indemnité légale de licenciement.

Surtout, la Cour n’avait pas toujours retenu la même méthode, jouant dans un cas sur la période de référence et dans d’autres sur la reconstitution du salaire.

Ainsi, parfois la Haute juridiction a retenu le salaire moyen perçu par le salarié avant son arrêt de travail (Cass. Soc. 16 décembre 1992, n°90-44.872 ; Cass. Soc. 1er juillet 1997, n°94-40.449), tandis qu’elle a, d’autres fois, retenu le salaire reconstitué sur la période de référence, incluant les indemnités journalières perçues (Cass. Soc. 13 juin 1979, n°77-41.664 ; Cass. Soc. 26 septembre 2007, n°06-44.584), ou encore, le salaire que le salarié aurait perçu s’il avait normalement travaillé sur la période considérée (Cass. Soc. 19 juillet 1988, n°85-45.003 ; Cass. Soc. 22 mars 2006, 04-46.025).

Toutefois, la Cour de cassation avait également, dans d’autres arrêts, semblé écarter l’idée neutralisation systématique de la maladie, si la convention collective ne le prévoyait pas expressément (Cass. Soc. 5 juin 2001, n°99-42.429).

La même solution a été retenue, plus récemment, dans une hypothèse où un salarié avait travaillé en mi-temps thérapeutique au cours de la période de référence (Cass. Soc. 26 janvier 2011, n°09-66.453).

Dans ce contexte, la solution retenue par la cour d’appel de Nîmes n’était pas totalement illogique.

Désormais, la neutralisation de la maladie s’impose de manière certaine : l’indemnité de licenciement doit être calculée sur la base des salaires perçus antérieurement à l’arrêt de travail

Dans l’arrêt du 23 mai 2017, estampillé « PBRI », ce qui signifie que la Cour a entendu lui conférer la publicité la plus large, la Haute juridiction a considéré que « le salaire de référence à prendre en considération pour l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie« .

L’arrêt a pour grand mérite de préciser sans ambiguïté qu’il convient de neutraliser la période de maladie pour la détermination du salaire de référence servant au calcul de l’indemnité de licenciement.

La solution, rendue au visa de l’article L. 1132-1 du Code du travail relatif à la prohibition des discriminations, est parfaitement logique. Elle est également cohérente avec la jurisprudence communautaire, fondée sur le même principe, selon laquelle le montant de l’indemnité due à un salarié en congé parental à temps partiel ne pouvait pas être déterminé sur la base de la rémunération réduite perçue au moment de son licenciement, mais devait être calculé sur la base de sa rémunération à taux plein (CJUE 22 octobre 2009, aff. 116/08, Meerts c. Proost NV).

Mais l’arrêt du 23 mai 2017 ne s’arrête pas là, puisqu’il indique la méthode applicable. Pour neutraliser la maladie, la période des 3 ou des 12 derniers mois doit être déterminée, non pas par rapport à la date de la rupture du contrat de travail, mais par rapport à celle du début de l’arrêt de travail.

Enfin, alors que la Cour de cassation est saisie des modalités de calcul d’une indemnité conventionnelle de licenciement (certes identiques à celles de l’indemnité légale, à l’exception d’une majoration liée à l’âge), elle semble poser une solution générale et commune aux « indemnités légales ou conventionnelles de licenciement ». Bien que limpide en apparence et simple d’application, la solution soulève beaucoup d’interrogations.

Néanmoins, un certain nombre d’interrogations en suspens pour l’avenir…

En premier lieu, l’on peut s’étonner que la Cour de cassation n’ait pas retenu la méthode de la reconstitution du salaire que le salarié aurait perçu s’il avait continué à travailler, solution posée par l’article L. 1226-16 du Code du travail pour le cas de l’inaptitude d’origine professionnelle.

Un tel alignement aurait eu le mérite de la simplicité et aurait pu s’expliquer par l’application du même principe de non-discrimination.

La solution finalement retenue, consistant à décaler la période de référence aux 3 ou 12 mois précédant l’arrêt maladie risque en revanche de générer de nouvelles difficultés et incertitudes, ainsi que de potentielles nouvelles discriminations.

En effet, bien que les faits de l’espèce aient concerné un licenciement pour inaptitude suite à une longue période de maladie, la solution est rédigée en des termes très généraux, si bien que l’on peut s’interroger : la solution doit-elle s’appliquer si la rupture ne fait pas immédiatement suite à un arrêt de travail ? En cas d’arrêts multiples séparés de périodes de travail effectif, faut-il remonter à la 1re période utile au cours de laquelle le salarié n’a fait l’objet d’aucun arrêt de travail ? Les arrêts maladie doivent-ils tous être neutralisés quelle que soit leur durée ? La règle posée par la Cour de cassation trouve-t-elle également à s’appliquer en cas de licenciement autre que pour inaptitude ?

Compte-tenu du caractère très général des termes de l’arrêt et dans l’attente de précisions, la réponse à toutes ces questions semble, à notre sens, devoir être positive.

Par ailleurs, en appliquant la méthode retenue par la Cour de cassation, il se peut tout-à-fait, dans certains cas, qu’il faille remonter jusqu’à très loin dans la relation contractuelle, voire à ses débuts en cas d’ancienneté peu importante.

Outre le risque d’être confronté à une période de référence incomplète, il est probable que la rémunération retenue pour le salarié au cours d’une période antérieure soit inférieure à celle qu’il percevait (ou aurait dû percevoir) en dernier lieu, du fait d’augmentations collectives, voire d’une promotion suivie d’une évolution individuelle. Dans ce cas, la maladie n’aura pas été véritablement neutralisée et l’application de la nouvelle solution prétorienne sera éventuellement créatrice d’une nouvelle discrimination.

Inversement, si la règle posée par la Cour de cassation conduit à retenir une période particulièrement faste pour le salarié (bonus exceptionnels, nombre d’heures supplémentaires élevé, commissions sur ventes plus élevées), le salarié ayant fait l’objet d’une maladie simple sera mieux traité que s’il avait été déclaré inapte à la suite d’une maladie ou d’un accident d’origine professionnelle.

Enfin, pose tout autant question le fait d’avoir jugé que le salaire de référence à prendre en considération était celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie, que ce soit pour le calcul de l’indemnité légale comme conventionnelle de licenciement.

En effet, l’indemnité conventionnelle de licenciement peut tout-à-fait prévoir une assiette de calcul totalement différente de celle fixée par le Code du travail pour l’indemnité légale, sans référence au salaire le plus favorable des 3 ou des 12 derniers mois.

Tel est notamment le cas lorsque la convention collective se réfère uniquement au « salaire moyen des 3 derniers mois » (CCN du bâtiment) ou au « salaire du dernier mois correspondant à l’horaire habituel de l’établissement » (CCN du Pétrole, Ingénieurs et Cadres). Si la solution de l’arrêt du 23 mai 2017 devait être appliquée dans ces hypothèses, cela reviendrait à modifier l’économie de l’indemnité de licenciement librement négociée par les partenaires sociaux.

Sur ce point, il y a donc plutôt lieu de penser que la formulation de l’arrêt, un peu rapide et malheureuse, tient au fait que, dans les circonstances de l’espèce, l’indemnité conventionnelle de licenciement était calquée sur l’indemnité légale.

Il est néanmoins vivement espéré que la Cour de cassation précise ses intentions, que ce soit dans le cadre de prochains arrêts ou dans celui du rapport annuel à venir.

 

Auteurs

Raphaël Bordier, avocat associé, droit social.

Aurore Friedlander, avocat, droit social

 

 

Indemnité de licenciement à la suite d’un arrêt maladie : une méthode clarifiée – Article paru dans Les Echos Business le 31 juillet 2017

 

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