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Coronavirus : quelles obligations pour l’employeur face à la menace d’une épidémie ?

Coronavirus : quelles obligations pour l’employeur face à la menace d’une épidémie ?

Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié l’épidémie de coronavirus « d’urgence de santé publique de portée internationale », les employeurs doivent se préparer à y faire face, en particulier si certains de leurs salariés ont récemment voyagé en Asie, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou ont été en contact avec des personnes revenant d’Asie.

En effet, en raison de son obligation de sécurité, l’employeur est tenu de prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (actions de prévention, d’information, de formation, etc).

Pour ce faire, l’entreprise aura intérêt à se référer à son plan de continuité d’activité (PCA) s’il existe et/ou à envisager pour l’avenir une planification des mesures de prévention afin de disposer d’un plan d’actions en cas de nouvelles crises sanitaires.

En effet, le PCA, vise à analyser les principales conséquences d’une crise, telle qu’une épidémie, sur l’activité habituelle de l’entreprise. Il permet d’identifier et de hiérarchiser en amont les missions devant être assurées en toutes circonstances et d’évaluer les ressources nécessaires et les modalités de la poursuite de l’exécution de leur activité par les salariés.

En l’absence d’un tel plan, et face à la menace d’une épidémie, quelles mesures les employeurs peuvent-ils ou doivent-ils envisager et selon quelles modalités ?

 

Gérer la situation des salariés en mission dans la zone à risques

Signalons à titre liminaire que les salariés expatriés ont pu s’inscrire auprès du consulat français. Une démarche qui leur donne la garantie qu’en cas de problème grave, de quelque nature que ce soit, les autorités françaises pourront les identifier et prendre à leur égard les mesures rendues nécessaires par la situation du pays concerné. Les employeurs ayant envoyé des salariés en mission dans la zone à risques ont donc tout intérêt à vérifier que ces derniers ont effectué cette démarche.

Par ailleurs, les entreprises françaises qui ont envoyé, pour leur compte, des salariés en mission dans la zone à risques pourraient être tentées de prendre l’initiative de leur rapatriement.

D’un point de vue pratique, cette solution n’est pas aisée à mettre en œuvre car elle dépendra des conditions dans lesquelles le salarié a été envoyé en mission.

En effet, lorsque la mission à l’étranger est effectuée en application d’une clause de mobilité prévue au contrat de travail du salarié, le rapatriement de ce dernier relève du pouvoir de direction de l’employeur. Dès lors, si l’employeur en fait la demande, le cas échéant en ayant à observer un délai de prévenance, il s’agit d’un simple changement des conditions de travail que le salarié ne peut refuser sans commettre une faute disciplinaire.

En revanche, lorsque la mission à l’étranger a donné lieu à la conclusion d’un avenant au contrat de travail qui en fixe la durée, la décision de rapatriement s’analyse en une modification du contrat de travail, que l’employeur ne peut mettre en œuvre qu’avec l’accord du salarié.

Si l’intéressé devait refuser son rapatriement, l’employeur ne pourrait pas le sanctionner à raison de ce refus. Dans cette hypothèse, l’employeur doit continuer de s’assurer, du fait de son obligation de sécurité, que le ou les salariés ayant refusé d’être rapatriés bénéficient sur place des équipements individuels nécessaires à leur protection.

Certains salariés ayant été envoyés en mission dans la zone à risques pourraient réclamer leur rapatriement. En cas de refus de l’employeur, il ne peut être exclu que les salariés concernés décident d’user de leur droit de retrait, pour cesser l’exécution de leur mission, après avoir alerté leur employeur, en alléguant que leurs conditions de travail présentent un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé.

Si aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut en principe être prise à l’encontre du salarié qui a usé régulièrement de ce droit, il en irait différemment si l’employeur démontrait que l’exercice de ce droit est abusif, notamment en justifiant qu’il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires et appliqué les éventuelles recommandations nationales.

Les démarches de prévention nécessaires doivent donc être prises par l’employeur afin d’assurer le maintien de ses salariés en mission intervenant sur les zones à risques.

 

Aménager les conditions de travail pour limiter la propagation de l’épidémie dans l’entreprise

Les entreprises doivent également anticiper la gestion de la situation des salariés qui seraient de retour en France après avoir séjourné ces dernières semaines, pour des raisons personnelles ou professionnelles, dans la zone placée désormais en quarantaine, ainsi qu’à l’égard des salariés qui déclarent avoir été en contact avec des personnes susceptibles d’être porteuses du virus.

L’employeur devra, à tout le moins, du fait de son obligation de sécurité, observer des mesures de prévention strictes à l’égard de l’ensemble des collaborateurs, en les dotant des équipements individuels nécessaires à la protection de leur santé (port du masque, solutions hydroalcooliques, etc.) du fait d’un risque particulier lié au poste de travail.

Les entreprises ont, par ailleurs, la possibilité de recourir au télétravail lorsque de celui-ci est susceptible d’être mis en œuvre au regard des responsabilités exercées par leurs collaborateurs.

Le Code du travail précise qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.

Observons cependant que les cas d’infections liées au coronavirus sont, à ce jour, enregistrés principalement dans plusieurs provinces chinoises. Il n’est ainsi pas certain que la situation actuelle puisse, en France, répondre à la définition de « menace d’épidémie ». En l’absence de précisions complémentaires sur cette notion, et de position de la part du Gouvernement français, il serait préférable de mettre en place le télétravail en obtenant au préalable l’accord du ou des salariés concernés.

Le recours à cette solution impliquerait en outre, que l’employeur mette à la disposition des salariés concernés les équipements informatiques ou les services de communication électroniques nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

L’employeur a, également, la faculté de placer en dispense d’activité rémunérée les salariés susceptibles d’avoir contracté le virus, a fortiori s’ils en présentent les symptômes dans l’attente le cas échéant, de l’envoi d’un arrêt de travail du salarié. Cette décision peut être motivée sur le fondement de l’obligation de prévention et de protection de la santé et de la sécurité des autres salariés, mais en l’absence d’arrêt de travail, il reviendra à l’employeur d’assumer le coût des salaires.

A cet égard, le Code de la sécurité sociale prévoit que lorsque la protection de la santé publique le justifie, en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d’épidémie, un décret peut prévoir, à titre temporaire, un droit aux indemnités journalières de sécurité sociale dans des conditions dérogatoires au droit commun.

C’est ce que prévoit un décret du 31 janvier 2020 au profit des assurés qui, au titre d’un arrêt de travail font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de venir travailler. Le bénéfice des indemnités journalières est limité à 20 jours. Seuls peuvent bénéficier de cette mesure les salariés identifiés par les agences régionales de santé (ARS) auxquels le médecin de l’ARS a délivré un avis d’interruption de travail.

Afin de limiter l’incidence de ces absences sur l’activité de l’entreprise, l’employeur pourrait notamment remplacer les salariés concernés par des intérimaires ou des salariés en contrats de travail à durée déterminée. Le recours aux heures supplémentaires pourrait également être envisagé.

 

Planifier la prévention pour limiter l’impact d’une crise sanitaire sur le fonctionnement de l’entreprise

Pour limiter les incidences d’une crise sanitaire, sur le fonctionnement de son entreprise et assurer la continuité de son activité, tout en garantissant la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, l’employeur peut être contraint de reconsidérer l’organisation du travail.

Il convient de se référer au PCA le cas échéant afin d’organiser la poursuite de l’exécution de leur activité par les salariés.

A défaut, il serait opportun de procéder à la mise en place des actions de prévention et de sensibilisation en associant le médecin du travail.

Les institutions représentatives du personnel devront être consultées sur les mesures envisagées par l’employeur lorsque celles-ci entrent dans le champ de leurs compétences.

Par ailleurs il pourrait être opportun de modifier pour l’avenir, le document unique d’évaluation des risques, lequel recense l’ensemble des risques pour la santé et la sécurité du personnel dans l’entreprise, afin de tenir compte des risques nouveaux qui peuvent être générés par une crise sanitaire.

Par exemple, à titre de prévention et en fonction de l’évaluation du risque d’exposition propre au poste de travail de chaque salarié, l’employeur pourra déterminer les conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle (masques, solutions hydroalcooliques, etc.) seront mis à disposition et utilisés (durée, port, etc.).

De telles démarches permettront ainsi de disposer d’un plan d’identification des postes à risques et des actions d’urgence à mettre en œuvre au cas présent comme en cas de nouvelle épidémie.

 

Article publié dans les Echos Executives le 05/02/2020

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