Covid-19 : les instruments offerts par le droit social pour affronter la crise

15 juin 2020
L‘épidémie de Covid-19 a contraint de nombreuses entreprises à réduire voire à suspendre leur activité. A l’heure du déconfinement, des difficultés économiques subsistent, sinon s’aggravent, pour nombre d’entre elles et la perspective d’un redémarrage rapide demeure très incertaine. Au-delà̀ des mesures d’urgence spécifiquement mises en place par l’Etat, le droit social offre des instruments adaptés et durables pour permettre aux entreprises d’affronter la crise en repensant leur force de travail.
Les instruments conjoncturels
Afin de soutenir les entreprises, le Gouvernement a su prendre des mesures immédiates en adaptant temporairement le droit du travail.
L’activité partielle, largement aménagée pour prévenir les licenciements économiques et maintenir les salariés dans les emplois1, en est la plus emblématique. Avec plus de 12,4 millions de demandes de recours enregistrées, ce dispositif incitatif a été massivement sollicité.
Le FNE-formation2 a d’ailleurs été étendu pour financer les formations suivies par les salariés en activité partielle sous réserve, pour l’employeur, de s’engager à ne pas licencier les bénéficiaires pendant la durée de leur formation.
Doivent être également rappelés la prise en charge d’arrêts de travail dérogatoires3 ou encore le report, jusqu’à trois mois et sans pénalité, des délais de paiement des échéances fiscales et/ou sociales des employeurs.
Si ces mesures ont pu contribuer à maintenir temporairement l’emploi en préservant partiellement la situation financière des entreprises, au prix d’un lourd endettement, nombre d’entre elles vont devoir, une fois le gros de la tempête passé, s’atteler à adapter leur force de travail à leur nouvelle situation économique. A cet effet, ces dernières pourront déployer les instruments que le législateur a mis en place ou amélioré ces dernières années et dont il convient de rappeler les contours essentiels.
Les instruments structurels
Outre les instruments « classiques » de réduction des effectifs4, la voie de la négociation collective offre des solutions pérennes pour adapter la force de travail des entreprises en période de crise. L’accord de performance collective (APC)5, tout d’abord, autorise ainsi les entreprises confrontées à des variations d’activité à aménager :
-
- la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
-
- la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques ;
-
- les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Une fois conclu, les dispositions de l’APC se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail. Le refus d’un salarié de se voir appliquer ces dispositions peut alors constituer un motif de licenciement.
Ce dispositif présente l’avantage de sortir du champ des contraintes afférentes au droit du licenciement économique et de faire confiance aux partenaires sociaux pour adapter la force de travail dans ses différentes dimensions (gestion du temps, de la masse salariale, etc.) à la situation économique et financière de l’entreprise.
Assez proche de l’APC en ce qu’il repose sur une norme négociée permettant des départs en dehors du champ du droit du licenciement économique, l’accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) permet l’optimisation des compétences et la réduction des écarts entre les ressources humaines disponibles et les besoins de l’entreprise.
Concrètement la GPEC peut intégrer un congé de mobilité et des mesures d’accompagnement de fin de carrière afin de réduire les effectifs sur la base du volontariat et sans obligation de réembaucher.
Il n’est cependant pas certain que ces outils, qui reposent sur le volontariat, soient massivement utilisés par les entreprises pour régler les difficultés auxquelles elles font face. Il est plutôt à craindre que la voie du licenciement pour motif économique, dont la sécurisation a été renforcée au cours de ces dernières années et qui n’exclut pas la négociation, soit plus largement empruntée.
1 Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020.
2 Fonds national de l’emploi-formation.
3 Garde d’enfant, mesure de précaution, impossibilité de travailler.
4 Licenciement économique et plan de sauvegarde de l’emploi avec ou sans plan de départ volontaire, rupture conventionnelle collective.
5 Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 – art. L.2254-2 du Code du travail.
Article publié dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity du 15/06/2020
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