Cumul contrat de travail et mandat social: êtes-vous protégé en cas de rupture du contrat de travail?

7 décembre 2018
Rappel sur les conditions de cumul contrat de travail et mandat social
Les conditions du cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social par les dirigeants de sociétés sont strictement encadrées.
Ainsi, la jurisprudence s’attache à vérifier que les trois critères suivants sont bien remplis :
- l’exercice de fonctions techniques distinctes : les fonctions exercées dans le cadre du contrat de travail doivent correspondre à une tâche technique et précise, distinctes de celles exercées au titre du mandat social (fonctions de direction ou d’administration) ;
- la perception d’une rémunération distincte ;
- la réalisation d’un travail dans un lien de subordination : cet état de subordination doit concerner les fonctions techniques exercées dans le cadre du contrat de travail. En effet, le lien de subordination ne saurait résulter des seules directives émanant des autres organes de la société (conseil d’administration, conseil de surveillance, etc.).
En cas de cumul, l’intéressé a la double qualité de mandataire social et de salarié. Ces contrats étant distincts, cela emporte deux séries de conséquences :
- d’une part l’intéressé est soumis à la fois au Code du travail pour tout ce qui concerne l’exécution de son contrat de travail (congés payés, rémunération, convention collective, droit du licenciement, etc.) et au Code de commerce pour l’exercice de son mandat social ;
- d’autre part puisque les deux contrats sont distincts, la cessation du mandat social n’entraîne pas ipso facto la rupture ou la modification du contrat de travail, et inversement (Cass. Soc., 4 février 1993, n°91-41913).
A contrario, si les conditions du cumul ne sont pas remplies, la jurisprudence considère que le contrat de travail est suspendu de plein droit pendant toute la durée d’exercice du mandat. Il ne redeviendra actif qu’à la cessation du mandat social. Par conséquent, pendant cette période de suspension, le dirigeant ne cotise plus à Pôle emploi, ce qui peut conduire à l’épuisement des droits acquis jusque-là.
Le bénéfice de l’assurance-chômage à l’issue du contrat de travail
L’assurance-chômage ne bénéficie qu’aux salariés licenciés et non aux dirigeants révoqués.
En revanche, le dirigeant qui cumule valablement un contrat de travail et un mandat social dans les conditions rappelées ci-dessus peut, en cas de licenciement, prétendre aux allocations chômage. Celles-ci sont calculées uniquement sur les revenus salariés perçus pendant l’exécution du contrat de travail. Par conséquent, si le contrat de travail a été suspendu pendant la durée du mandat social, Pôle emploi neutralise cette période de suspension pour l’appréciation des droits à l’assurance-chômage.
Prudence : il convient d’interroger Pôle emploi sur le bénéfice de l’allocation-chômage
Pôle emploi peut se montrer réticent à admettre le cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social et partant, priver le dirigeant licencié d’allocations, alors même qu’il cotisait et pensait, à tort, être couvert. En effet, l’encaissement par Pôle emploi de cotisations d’assurance-chômage ne constitue pas reconnaissance tacite d’un droit aux prestations.
Ainsi, afin d’éviter qu’un mandataire social ; dont le contrat de travail a été rompu ; ne soit privé du versement de l’allocation-chômage, deux options existent pour sécuriser sa situation.
– Option n°1 : le dirigeant d’entreprise lui-même peut s’informer auprès de l’Unédic
Le dirigeant d’entreprise peut interroger le régime d’assurance-chômage à l’aide d’une demande de renseignements (Dir. Unédic 36-02 du 31 juillet 2002). L’information donnée par Pôle émploi constitue un avis engageant sa responsabilité et, sauf modification de la situation de l’intéressé, la décision lie Pôle emploi pour l’avenir.
Il convient de souligner qu’en cas de décision de refus de prise en charge, il est possible de demander le remboursement des contributions indûment versées dans la limite de la prescription (trois ans).
– Option n°2 : l’employeur peut aussi désormais interroger Pôle emploi via le mécanisme du rescrit
Le législateur a créé un nouvel article L.5312-12-2 dans le Code du travail (issu de la loi n°2018-727 du 10 août 2018). Il reprend la pratique de demande préalable de prise en charge, mise en place par l’Unédic en 2002 (Dir. Unédic n°36-02 du 31 juillet 2002). Ainsi, lorsque l’employeur interroge Pôle emploi par rescrit, ce dernier peut se prononcer de manière explicite sur toute demande d’un employeur concernant un de ses mandataires sociaux.
Cette décision ne s’applique qu’à la personne objet de la demande. Elle est opposable pour l’avenir à son employeur, à Pôle emploi et aux organismes de recouvrement des contributions d’assurance-chômage tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation a été appréciée n’est pas modifiée.
Régimes d’assurance contre le risque de chômage propres aux dirigeants
Enfin on rappellera que dans l’hypothèse où un dirigeant ne pourrait bénéficier de l’assurance-chômage, il est toujours possible de prévoir des mécanismes contractuels (indemnisation spécifique de rupture prévue par le contrat de travail par exemple) ou assuranciels (assurance-chômage privée).
En conclusion, si les dirigeants sociaux peuvent juridiquement cumuler contrat de travail et mandat social, il convient de s’assurer que les conditions de ce cumul sont bien remplies pour ne pas faire face à des déconvenues le jour venu en cas de cessation du contrat de travail.
Auteurs
Caroline Froger-Michon,avocat associée, droit social
Madeleine Bénistan, juriste, droit social
Cumul contrat de travail et mandat social : êtes-vous protégé en cas de rupture du contrat de travail ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 6 décembre 2018
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