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Extension du « pass sanitaire » : les 10 points d’alerte de la Défenseure des droits

Extension du « pass sanitaire » : les 10 points d’alerte de la Défenseure des droits

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a souhaité rendre public un avis n° 21-11 du 20 juillet 2021 au Parlement sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire considérant que ce texte propose « des transformations profondes pour l’exercice de droits et libertés qui sont au fondement de notre pacte social et républicain ».

Tout en reconnaissant l’importance de la vaccination dans la lutte contre la pandémie, la Défenseure des droits s’interroge tant sur la méthode que sur la proportionnalité de la plupart des dispositions et restrictions présentes dans le texte.

Elle insiste également sur la nécessité d’une réévaluation régulière du dispositif au regard de la situation sanitaire afin que les restrictions ne durent que le temps strictement nécessaire à la gestion de la crise, et que des mesures adoptées dans l’urgence ne se pérennisent pas.

 

Elle relève les 10 points d’alerte résumés ci-après :

 

1. La nécessité d’un débat démocratique

La Défenseure regrette vivement le « choix d’une procédure accélérée compte-tenu de l’ampleur des atteintes aux droits et libertés fondamentales prévues par ce projet de loi ainsi que du caractère inédit de certaines dispositions qu’il comporte ».

 

2. Sur l’intelligibilité du texte : de nombreuses zones d’ombre

Le texte contient des zones d’ombre sur plusieurs dispositions qui pourraient donner lieu à de nombreuses interprétations de nature à restreindre les droits et libertés au-delà de ce que prévoit le projet de loi.

De nombreux points, pourtant essentiels, sont renvoyés au pouvoir réglementaire ou font l’objet de différences de traitement difficilement compréhensibles au regard de l’objectif poursuivi.

L’espace public sera découpé en lieux accessibles et non accessibles, des personnes privées étant chargées de contrôler la situation sanitaire des individus, et donc leur identité, remettant en cause des principes de liberté de circulation et d’anonymat pourtant longtemps considérés comme constitutifs du pacte républicain.

 

3. Sur les restrictions d’accès aux transports publics et aux biens et services

Deux mesures contenues dans le texte visent à réserver l’accès à certains transports publics et à un nombre important de biens et de services de la vie quotidienne aux personnes qui possèdent un «Pass sanitaire».

La Défenseure des droits considère que ces mesures sont de nature à porter atteinte à la liberté d’aller et venir et à entraver la vie quotidienne de nombreuses personnes, d’une part, alors même qu’une part importante des populations jeunes et/ou précaires n’a pas encore eu accès à la vaccination et d’autre part que ces restrictions envisagées de manière générale et sans information préalable délivrée suffisamment longtemps en amont, n’apparaissent pas proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.

Le caractère discriminatoire de ces mesures ne peut être écarté.

 

4. Mise en œuvre des restrictions d’accès : le contrôle d’une partie de la population par une autre

La Défenseure des droits considère que le contrôle du « pass sanitaire » (et éventuellement de leur identité) devrait relever des autorités publiques, compte-tenu des risques inhérents à l’exercice d’un tel pouvoir et non à des entreprises publiques et privées

 

5. Les risques de discriminations dans l’emploi

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008.

Les risques discriminatoires restent présents dans le domaine de l’emploi dans lequel les mesures prévues par le projet de loi ont pour conséquence d’opérer in fine une distinction entre les travailleurs détenteurs du « Pass sanitaire » et les autres.

 

6. Des risques considérables d’atteinte aux droits de l’enfant

La Défenseure des droits relève que la situation spécifique des mineurs n’est pas prise en compte et rappelle que l’accès aux loisirs et à la culture est un droit qui n’est pas accessoire mais bel et bien un droit fondamental pour le bon développement de l’enfant (Convention internationale relative aux droits de l’enfant – art. 31).

Dès lors, dans la mesure où l’élève, faute de « pass sanitaire » ne pourra pas participer aux activités de loisirs ou de culture organisées à l’extérieur de l’école, le risque est grand d’une stigmatisation de l’élève non vacciné au sein de son établissement scolaire ou internat scolaire.

En outre, l’obligation de fournir à l’établissement des informations relatives à sa santé, non seulement entamerait le respect de la vie privée de l’élève mais conduirait à une différence de traitement impactant les « populations éloignées habituellement de l’accès aux soins et par conséquent les enfants les plus vulnérables ».

La Défenseure des droits est favorable à ce que la vaccination reste uniquement encouragée et ne tombe pas sous le coup d’une obligation déguisée pour les mineurs de 12 à 18 ans.

Enfin, le projet de loi devrait indiquer de manière expresse que les mineurs de moins de 12 ans sont exemptés de la vaccination.

 

7. Les personnes en situation de pauvreté pourraient être doublement victimes

La carte des plus faibles vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l’accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d’être à la fois plus dures pour les publics précaires et d’engendrer ou accroître de nouvelles inégalités.

La Défenseure des droits s’interroge sur les moyens supplémentaires qui seront mis en place pour toucher les personnes en situation de pauvreté.

 

8. Des mesures d’isolement étendues

Outre un durcissement des conditions de contrôle de l’isolement, le projet de loi prévoit que les mesures d’isolement soient étendues aux personnes présentes sur le territoire.

L’article 4 prévoit que le résultat d’un test de dépistage virologique ou de « tout examen médical probant » concluant à une contamination par la Covid-19 emporte, de plein droit, la mesure de placement et de maintien en isolement pour 10 jours dans le lieu d’hébergement déclaré lors de l’examen. Les sorties sont autorisées de 10 heures à midi. Le juge des libertés et de la détention peut être saisi.

La notion de « (…) tout examen médical probant concluant à une contamination par la Covid-19 » demeure insuffisamment précise au regard de la privation de liberté qu’il peut entraîner.
En opportunité, il est à craindre que ces dispositions combinées à la possibilité de rendre payant les tests, aient pour effet de désinciter à se faire tester et ne freine la politique de dépistage massif, favorisant ainsi la circulation du virus.

 

9. Les risques liés au traitement des données

Le texte prévoit d’ajouter une sixième finalité au traitement de données de santé, à savoir l’édiction, le suivi et le contrôle du respect des mesures individuelles de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement.

La Défenseure des droits tient donc par cet avis à alerter, comme elle l’avait fait précédemment dans son avis n° 20-03 du 27 avril 2020, sur le risque de glissement vers des pratiques de surveillance sociale générale, auquel pourrait contribuer ce projet de loi.

 

10. La vaccination obligatoire pour certaines professions

L’article 5 du projet de loi porte sur la vaccination contre le Sars-CoV-2 qui devient obligatoire, dès le lendemain de la publication du texte de loi, pour certaines catégories de personnes, eu égard à leur profession.

Seuls les professionnels liés à la santé sont, à ce stade, soumis à cette obligation, comme ils le sont déjà pour un certain nombre d’autres vaccins. Demeure néanmoins la question du caractère proportionné de la mesure, au regard du principe de non-discrimination en matière d’emploi.

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