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France-Luxembourg : du nouveau pour les travailleurs frontaliers en télétravail ?

France-Luxembourg : du nouveau pour les travailleurs frontaliers en télétravail ?

La crise du Covid a projeté le télétravail au premier plan, celui-ci étant par la force des choses rapidement adopté par la plupart des salariés qui y ont vu progressivement un moyen d’obtenir un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privé. Pour d’autres, le télétravail aurait également des vertus économiques et environnementales.

 

S’il est reconnu par tous que le télétravail est une pratique qui peut avoir un intérêt tant pour les salariés que pour les employeurs, cet intérêt est cependant dédoublé / encore renforcé dès lors que les salariés en question sont des frontaliers.

 

Pour rappel, selon le Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le travailleur frontalier désigne «toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre et qui réside dans un autre État membre où elle retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine».

 

Partant, le travailleur frontalier en situation de télétravail a vocation à se déplacer moins fréquemment dans l’Etat-membre où il travaille et bénéficie ainsi d’une réduction de ses frais de déplacement, voire d’un meilleur équilibre de vie.

 

Si les différents gouvernements européens ont privilégié cette pratique du télétravail en temps de crise sanitaire, des limitations commencent cependant à apparaître.

 

Rappel des principes

Le droit de l’Union européenne prévoit la coordination des législations nationales de sécurité sociales. Les frontaliers sont directement concernés par ces mesures.

 

L’un des principes essentiels est celui de l’unicité de la législation, en vertu duquel un salarié ne peut être affilié qu’à un seul régime de sécurité sociale. Ce principe s’applique, sans exception, à toutes les situations.

 

Ainsi, lorsqu’une personne exerce une activité salariée sur le territoire de plusieurs États membres, elle est considérée comme exerçant la totalité de son activité professionnelle sur le territoire d’un seul État membre. La législation qu’il convient d’appliquer est déterminée selon les critères posés par le Règlement européen n°883/2004 du 29 avril 2004.

 

Dans l’hypothèse d’un salarié frontalier, professionnellement occupé par un seul employeur et qui télétravaille pour le compte de ce dernier à partir de son domicile en France, il sera affilié auprès du système français de sécurité sociale s’il exerce 25% ou plus de son activité en France.

 

Il s’agit de la notion d’activité substantielle prôné par le règlement de l’UE en matière de sécurité sociale.

 

Parallèlement, lorsque le régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre est appliqué le télétravail en France sera sans conséquence aussi longtemps que le temps de travail en France reste sous le seuil de 25%.

 

En revanche, si ce seuil est dépassé, le salarié doit être affilié au seul régime français de sécurité sociale. Il appartient alors à l’employeur de faire le nécessaire en matière d’affiliation.

 

Pendant la pandémie, l’application stricte de ces règles et le recours massif au télétravail, aurait pu conduire à des changements d’affiliation à la sécurité sociale pour les travailleurs frontaliers.

 

Pour pallier cette difficulté, les États membres ont décidé pendant la crise sanitaire de neutraliser les règles posées par le règlement de l’UE afin de ne pas pénaliser les salariés frontaliers.

 

Cependant, en raison du ralentissement de la crise de Covid-19, les Etats-membres ont décidé de mettre fin à cette tolérance, tout en tenant compte du fait que le télétravail a vocation, lui, à s’inscrire dans le temps…

 

Des nouvelles règles applicables au Luxembourg

Au Luxembourg, comme dans le reste du monde, le télétravail connait un essor considérable.

 

Il est régi par la Convention du 20 octobre 2020 relative au régime juridique du télétravail.

 

Cette Convention est devenue applicable sur le territoire Luxembourgeois le 22 janvier 2021, à la suite de la publication du Règlement grand-ducal daté du même jour.

 

Le texte prévoit certaines dispositions obligatoires qui doivent figurer dans l’accord de télétravail entre l’employeur et le travailleur, à savoir :

 

    • le lieu du télétravail ou les modalités de détermination de ce lieu ;
    • les heures et jours de la semaine pendant lesquels le travailleur télétravaille et doit être joignable pour l’employeur ou les modalités de détermination de ces périodes ;
    • les modalités d’une éventuelle compensation en termes d’avantages en nature ;
    • le forfait mensuel pour les frais de connexion et de communication ;
    • les modalités de transition ou de retour au régime de travail en présentiel.

 

Le texte prévoit également d’autres dispositions relatives au respect de l’égalité de traitement entre les télétravailleurs et les non-télétravailleurs, à l’implication plus importante des représentants du personnel qui devront être correctement informés du nombre de télétravailleurs, ou encore aux dispositions relatives au renforcement de la vie privé des télétravailleurs (il est désormais impossible pour les employeurs d’accéder au lieu de travail du télétravailleur).

 

N̩anmoins, la v̩ritable innovation apport̩e par la Convention r̩side dans la reconnaissance du t̩l̩travail occasionnel. Est consid̩r̩ comme occasionnel le t̩l̩travail repr̩sentant moins de 10% Рen moyenne Рdu temps de travail normal annuel du travailleur.

 

À l’inverse la pratique du télétravail est considérée comme régulière dès lors que les 10% du temps de travail normal annuel sont dépassés.

 

Ainsi, le télétravail occasionnel et le télétravail régulier répondent à des régimes différents bien que dans les deux cas, la base de l’accord télétravail résulte de la volonté commune entre le travailleur et l’employeur.

 

En pratique, le télétravail occasionnel (adopté en grande majorité par les entreprises et les travailleurs au Luxembourg, dont font partie les frontaliers français) repose sur un modèle bien plus flexible qui ne nécessite pas d’avenant au contrat de travail ou d’accord spécifique pour exister mais s’avère possible par une simple confirmation écrite de l’employeur de la possibilité de l’exercer (un courriel pourrait alors suffire).

 

A l’inverse, en matière de télétravail régulier, un certain formalisme est exigé et requiert, à ce titre, un accord, un contrat ou un avenant au contrat de travail comportant les mentions obligatoires décrites ci-avant, signés entre le travailleur et l’employeur.

 

Depuis le 1er juillet 2022, les résidents frontaliers qui travaillent au Luxembourg sont autorisés à travailler un nombre limité de jours de télétravail depuis leur pays de résidence, à savoir 19 jours en Allemagne, 29 jours en France et 34 jours en Belgique, avant d’être doublement imposés dans leur pays de résidence et au Luxembourg.

 

Des négociations sont par ailleurs en cours pour augmenter pareillement le nombre de jours télétravail autorisés pour les salariés luxembourgeois résidents en France.

 

Mais attention, ces nouvelles règles largement commentées dans les médias ne visent que la fiscalité. Elles ne modifient en rien les règles applicables en matière de sécurité sociale.

 

Vers une évolution des règles d’affiliation en matière de sécurité sociale ?

Comme indiqué, pendant la période COVID-19, les Etats-membres ont neutralisé la règle des 25% visée ci-dessus pour le pas pénaliser les salariés frontaliers.

 

Cette mesure exceptionnelle devait cesser au 30 juin 2002. Elle a été prorogée de 6 mois et cessera donc d’exister après le 31 décembre 2022.

 

Après cette échéance, si un salarié sous contrat luxembourgeois télétravaille une partie substantielle de son activité (à savoir plus de 25% de son temps) depuis la France où il réside, il devrait être affilié à la sécurité sociale française et non plus à la sécurité sociale luxembourgeoise.

 

Si cela a un impact direct sur les salariés, le dépassement du taux de 25% par le salarié aura également un impact non négligeable sur son employeur qui devra s’immatriculer auprès de la sécurité sociale française et payer des cotisations de sécurité sociale en France sur l’intégralité de la rémunération du salarié transfrontalier.

 

Avec le développement massif du télétravail, en particulier pour les salariés frontaliers, l’application des principes posés par le règlement 883/2004 pourrait bouleverser les équilibres, notamment financiers.

 

C’est pourquoi, la période de transition prévue jusqu’à la fin de l’année doit permettre aux Etats membres d’identifier les possibles aménagements aux règles existantes, édictées en un temps où le télétravail n’était pas développé et de « préparer leur éventuelle évolution », sous réserve, d’un consensus au niveau européen.

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