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Indemnité transactionnelle versée à l’ancien employé : un différend peut en cacher un autre

Indemnité transactionnelle versée à l’ancien employé : un différend peut en cacher un autre

A la suite du départ d’un salarié par licenciement ou rupture conventionnelle (1), il arrive qu’il soit mis un terme au différend avec l’employeur, par la conclusion d’une transaction et le versement d’une indemnité.

 

Ils ne marquent toutefois pas toujours la fin des difficultés pour l’employeur. Le traitement de l’indemnité versée peut en effet être source de nouveaux questionnements pour l’employeur qui peut se voir réclamer des cotisations sociales et l’impôt sur le revenu qu’il aurait omis d’appliquer en cas de contestation par l’administration de la nature du préjudice indemnisé.

 

Un possible désalignement du régime fiscal et social

En droit du travail, la transaction est une convention conclue entre l’employeur et l’ex-salarié ou le salarié pour mettre fin à un différend concernant notamment l’exécution du contrat de travail et/ou les conséquences de la rupture du contrat de travail.

 

Lorsqu’elle fait suite à un licenciement, la transaction peut porter sur un désaccord concernant tant l’exécution du contrat de travail que les conséquences de la rupture.

 

Lorsqu’elle fait suite à une rupture conventionnelle, la transaction ne peut avoir pour objet que de régler un litige relatif à l’exécution du contrat de travail (préjudice qui serait lié à la réalisation d’heures supplémentaires ou à du harcèlement/de la discrimination par exemple).

 

Les régimes fiscal et social afférents aux sommes versées dans le cadre d’une transaction conclue à la suite du licenciement ou de la conclusion d’une rupture conventionnelle dépendent de la nature du préjudice indemnisé.

 

Lorsque l’indemnité transactionnelle répare un préjudice né de l’exécution du contrat de travail, elle est en principe soumise aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.

 

Sur le plan fiscal, l’indemnité réparant un préjudice né de la rupture du contrat de travail est assujettie à l’impôt sur le revenu sous réserve des exonérations prévues par l’article 80 duodecies du Code général des impôts (COI).

 

Certaines indemnités sont ainsi entièrement exonérées (les indemnités qui sanctionnent le défaut de respect de la procédure de licenciement par exemple) (2) tandis que d’autres sont exonérées dans la limite du plus élevé des deux plafonds suivants (3) :

 

    • le montant prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
    • le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat, ou la moitié des indemnités versées, si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois la valeur du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).

 

Sur le plan social, en application de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, la part des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail (indemnité transactionnelle comprise) qui n’est pas imposable en application de l’article 80 duodecies du CGI est en principe exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, dans la limite d’un montant fixé à 2 fois la valeur du PASS.

 

Les indemnités liées à la rupture du contrat de travail supérieures à 10 fois la valeur du PASS sont en revanche soumises aux cotisations de sécurité sociale dès le premier euro.

 

En outre, les indemnités de rupture sont exonérées de CSG/CRDS, indépendamment de leur assujettissement à l’impôt sur le revenu, dans la limite du plus petit des montants suivants :

 

    • le montant de l’indemnité de licenciement prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi ;
    • le montant exclu des cotisations de sécurité sociale.

 

Au surplus et en dehors des indemnités pouvant être exclues de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans les conditions prévues ci-dessus, la Cour de cassation (4) a considéré qu’une somme représentative de dommages-intérêts indemnisant un préjudice (moral ou personnel) autre que la perte de salaire pouvait être exclue de l’assiette des cotisations, lorsque l’employeur apporte la preuve qu’elle concourt, pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail du salarié (5).

 

Par un arrêt du 17 février 2022, la Cour de cassation a récemment confirmé cette position, dans le cadre d’une indemnité transactionnelle versée en dehors de toute rupture du contrat de travail et dont l’objet est d’indemniser un préjudice résultant de la violation d’obligations impératives de l’employeur sur le droit à la santé et au repos doit être exonérée de cotisations sociales (6).

 

Le régime social des indemnités transactionnelles de rupture, aujourd’hui volatil, est source d’insécurité juridique et nécessite donc une analyse minutieuse de chaque situation.

 

En cas de contrôle Urssaf, la charge de la preuve de la nature du préjudice indemnisé incombe à l’employeur qui devra démontrer l’existence d’un réel préjudice, justificatifs à l’appui. La rédaction du protocole transactionnel, la collecte d’éléments matériels et les montants en jeu tiennent un rôle essentiel pour minimiser ce risque.

 

Le risque de l’employeur débiteur du prélèvement à la source

Un différend peut parfois naître, entre l’employeur et l’ancien employé, sur la qualification de l’indemnité. L’ancien employé peut par exemple considérer que l’indemnité transactionnelle répare le préjudice né d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, non imposable, alors que l’employeur considère qu’il s’agit d’un licenciement causé.

 

Or, de la qualification de l’indemnité, et du régime fiscal qui en découle, dépend le montant du prélèvement à la source (PAS) que doit opérer l’employeur.

 

L’employeur qui, à tort, n’aurait pas appliqué le PAS sur tout ou partie de l’indemnité, encourt l’application d’une amende de 5 % ou 10 % du prélèvement qui aurait dû être effectué.

 

Se pose en outre la question des modalités de l’action en recouvrement du Trésor afin d’obtenir le paiement de l’impôt omis, sur laquelle la loi et les récents commentaires administratifs sur le contrôle, le recouvrement et le contentieux du PAS n’apportent pas de réponse (7).

 

Le texte relatif au PAS, qui prévoit que le prélèvement «est effectué par le débiteur lors du paiement des sommes», est rédigé en des termes très proches de ceux de l’article relatif à la retenue à la source due par l’employeur sur les salaires versés à des non-résidents.

 

Dans ses commentaires sur cette retenue à la source, l’administration précise que :

 

«L’article 1671 A du CGI fait obligation au débiteur des revenus de prélever le montant de la retenue à la source et de le verser au Trésor.

Les dispositions de cet article confèrent donc au Trésor une action en paiement contre le débiteur des revenus, à charge pour celui-ci d’effectuer le prélèvement visé à l’alinéa précédent ou d’exercer un recours contre le bénéficiaire si le prélèvement n’a pas été effectué (8)».

 

Lorsque le PAS n’aurait pas été appliqué à tort, l’administration fiscale pourrait donc chercher à agir contre le débiteur de l’indemnité transactionnelle, à savoir l’employeur, à charge pour celui-ci d’exercer un recours contre l’ancien employé. Si l’employeur considère, contrairement à son ancien employé, que tout ou partie de l’indemnité est imposable, il aura donc intérêt à retenir l’impôt.

 

Lorsque tout ou partie de l’indemnité est en revanche exonérée une attention toute particulière doit être portée à la rédaction de la transaction afin de déterminer la nature du ou des préjudices que l’indemnité versée vise à réparer tout en veillant à clairement les dissocier, sans toutefois que l’administration soit liée par la qualification retenue par les parties.

 

Marie-Laure TREDAN, Avocat Counsel, Manon BACHES, Avocat et Vincent FORESTIER, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) Il ne sera pas traité ici du cas particulier des sommes transactionnelles versées postérieurement à un licenciement dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ni du cas particulier des mandataires sociaux.
(2) CGI, art. 80 duodecies 1, 1°.
(3) CGI, art. 80 duodecies 1, 3°.
(4) Cass. soc., 15 mars 2018, n° 17-10325 et 17-11336.
(5) BOSS, Indemnités de rupture, § 1720.
(6) Cass. soc., 17 février 2022, n° 20-19.516.
(7) BOI-IR-PAS-30-10-60.
(8) BOI-IR-DOMIC-10-20-20-10, n° 360.

 

Article publié dans la revue Option Finance n° 1678 du 14 novembre 2022

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