Le CSE et la cession qui ne se fait pas, ou différemment

4 janvier 2023
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité social et économique (CSE) doit être consulté sur les projets modifiant l’organisation économique ou juridique de l’entreprise.
Les modalités de la procédure de consultation du CSE
Le délai encadrant la procédure d’information et de consultation du CSE est d’un mois porté à deux mois en cas d’intervention d’un expert. Le CSE est réputé avoir été consulté à l’expiration de ces délais.
La procédure de consultation suppose donc que le projet soit mature pour que le CSE dispose d’informations précises (Cass. soc., 18-6-2003 n° 01-21.424 F-D). Si le projet est trop hypothétique, alors la consultation ne peut être valablement engagée et les délais de consultation ne sauraient commencer à courir.
En pratique, dans les opérations de cession, l’engagement de la consultation suppose que l’acheteur potentiel ait déjà été identifié afin que le CSE obtienne des informations quant à son profil, la raison de son investissement, la stratégie qu’il veut mettre en œuvre.
Pour que la consultation garde un caractère effectif, elle doit intervenir avant que la décision de l’employeur ne soit mise en œuvre, sous peine d’entrave.
Ainsi, par essence, au moment où la consultation est engagée, le projet doit être encore réversible, pour tenir compte notamment des observations du comité.
A cet égard, si le projet nécessite l’autorisation préalable de l’Autorité de la concurrence, le calendrier de consultation devra tenir compte du fait que l’Autorité publiera sur son site internet un communiqué actant la réception du dossier de notification dans les cinq jours ouvrés de son dépôt.
La consultation ne doit donc pas être engagée trop tôt, ni trop tard.
Mais que se passe-t-il si le projet présenté évolue ?
Lorsque l’employeur entend mettre en œuvre un projet différent de celui présenté et sur lequel le CSE a rendu un avis, alors il doit consulter sur le projet modifié, sous peine, une nouvelle fois, d’entrave.
Ainsi, il a été jugé que dans le cas où le projet de fusion initialement soumis par l’employeur au comité présentait, dans sa version finale, un montage vraiment différent, il était nécessaire de communiquer au CSE des informations complémentaires relatives au nouveau projet afin que le CSE puisse examiner ses modalités et ses conséquences économiques, financières et sociales (TGI Paris, 22 janvier 2008, n°07-16562).
De même, lorsque le projet sur lequel le CSE a été consulté fait l’objet d’un avancement du calendrier aboutissant à l’application anticipée des mesures envisagées, le comité doit être à nouveau consulté sous peine d’entrave (Cass. crim., 19-09-2006, n°05-86.668 F-PF).
Et si le projet ne se fait pas finalement ?
Par principe, dès lors que la consultation intervient sur un projet, cela signifie que ce projet peut aussi être abandonné.
A cet égard, si le projet nécessite l’autorisation préalable de l’Autorité de la concurrence, celle-ci va s’assurer que l’opération n’entraîne pas de problèmes de concurrence.
Or, si de tels effets anticoncurrentiels sont constatés, l’Autorité de la concurrence est alors en droit de s’opposer au projet de l’employeur, quand bien même le CSE y serait favorable, d’exiger de l’entreprise notifiante des engagements ou, si celle-ci refuse, de prononcer des injonctions.
De telles mesures correctrices peuvent significativement amender le projet initial puisque, outre des mesures comportementales contraignant la conduite de l’entreprise à l’avenir, ces engagements ou injonctions peuvent porter sur des cessions d’actifs, voire de branches entières ou de sociétés.
Dans ce cas, quel est l’impact de cette décision de l’Autorité de la concurrence sur la consultation du CSE ?
D’une part, le CSE dispose du droit d’agir contre une décision de l’autorité de la concurrence (CE, 9 mars 2021, n°433214).
D’autre part, en fonction de la nature des évolutions exigées par l’Autorité de la concurrence, il pourra être nécessaire d’engager une nouvelle consultation du CSE sur la nouvelle mouture du projet.
Consultation n’est donc pas synonyme de réalisation.
Caroline FROGER-MICHON, Avocat associé et Vincent LORIEUL, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Article publié dans La lettre des FUSIONS-ACQUISITIONS ET DU PRIVATE EQUITY Supplément du numéro 1682-1683 du 12 décembre 2022
Related Posts
Restructuring, entreprises en difficulté : la faute ou légèreté blâmable de... 26 novembre 2020 | CMS FL Social

Enfants stars des réseaux sociaux : adoption d’une loi protectrice visant... 22 décembre 2020 | Pascaline Neymond

Préparer concrètement le retour des salariés dans l’entreprise : check-list... 30 avril 2020 | CMS FL Social

Fiscalité : «Une victoire des entrepreneurs devant le Conseil constitutionnelÂ... 26 février 2016 | CMS FL

Contrôle des concentrations : passage inédit en phase III !... 5 juillet 2018 | CMS FL

Travail dissimulé : tout salarié travaillant en France doit être déclaré en... 30 avril 2019 | CMS FL

Durée de la période d’essai, entre dispositions légales et normes conventio... 7 mars 2017 | CMS FL

Temps de travail, temps de repos : quelles obligations pour l’employeur à lâ€... 12 avril 2023 | Pascaline Neymond

Articles récents
- Maladie et congés payés : nouvelles perspectives
- Les personnes engagées dans un projet parental sont protégées des discriminations au travail
- Le licenciement d’un salarié victime de harcèlement est-il toujours nul ?
- Entretien préalable : faut-il informer le salarié de son droit de se taire ?
- Courriels professionnels : un droit d’accès extralarge
- La loi élargit l’action de groupe à tous les domaines en droit du travail
- Exploitation du fichier de journalisation informatique à des fins probatoires : les conditions posées par le juge
- Enquêtes de mesure de la diversité au travail : les recommandations de la CNIL
- Violation de la clause de non-concurrence et remboursement de la contrepartie financière : une règle qui s’applique si la clause n’est pas valable
- Transposition de la directive : la transparence des rémunérations dès l’embauche