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Le droit du travail maritime : un dispositif pour partie applicable aux salariés sur les projets de construction des éoliennes en mer

Le droit du travail maritime : un dispositif pour partie applicable aux salariés sur les projets de construction des éoliennes en mer

Dans un discours prononcé le 10 février 2022 à Belfort, Emmanuel Macron a annoncé vouloir implanter 50 parcs éoliens en mer pour 2050.

 

Ce sont d’ores et déjà 11 projets de parcs offshore en France qui, nécessitant la présence de nombreux salariés spécialisés en mer, mettent en lumière le droit du travail maritime autrefois réservé, dans la pensée collective, à une minorité de métiers.

 

Dans ce cadre, de nombreuses entreprises sont amenées à s’interroger sur le champ d’application du droit maritime et sur le personnel susceptible d’en bénéficier ainsi que son articulation avec le Code du travail.

 

Précisons que le Code des transports définit les règles applicables pour le travail à bord des navires battant pavillon français en quelque lieu qu’ils se trouvent et les navires battant pavillon d’un Etat étranger (ou sans pavillon ou nationalité) lorsqu’ils se trouvent dans les espaces maritimes relevant de la juridiction ou de la souveraineté française.

 

Si pour une large part le Code du travail s’applique alors directement aux salariés, le Code des transports comporte des dispositions particulières pour tenir compte des spécificités du travail en mer.

 

Dans le contexte émergeant des activités liées aux énergies marines renouvelables (EMR), le ministère de la Mer a publié des fiches (dont la plus récente date du 21 octobre 2021) qui ont vocation à être régulièrement mises à jour et ont pour objet de décrire les différentes règles de nature sociale qui s’appliquent à l’équipage et aux travailleurs présents à bord des navires ou sur une installation offshore.

 

Rappel du champ d’application du droit du travail maritime et qualification du personnel sur les navires battant pavillon français.

L’application du droit du travail maritime implique que le travail soit exécuté sur un navire défini comme tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci ou affectés à des services publics à caractère administratif ou industriel et commercial (1).

 

Les dispositions applicables diffèrent selon la qualification du personnel, laquelle est appréciée au regard de la loi du pavillon du navire. A titre d’exemple, s’agissant des navires battant pavillon français, le Code des transports distingue trois catégories de personnels :

 

    • Les « gens de mer marins » qui correspondent aux personnels affectés à l’exploitation du navire c’est-à-dire aux activités professionnelles relatives à la marche, à la conduite, à l’entretien ainsi qu’aux activités nécessaires pour assurer l’ensemble des fonctionnalités du navire (2).
    • Les « gens de mer autre que marins » qui correspondent à toutes personnes salariées ou non salariées exerçant à bord d’un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit (3);
    • Les « non-gens de mer » qui sont :

 

– D’une part, les personnels listés à l’article R. 5511-5 du Code des transports, notamment les :

 

* Ouvriers, techniciens ou ingénieurs à bord des navires affectés à des activités d’exploration ou d’exploitation liées aux ouvrages ou installations en mer ;

*  Interprètes, journalistes, photographes ;

*  Personnels dispensant des formations n’ayant pas un caractère maritime ;

 

– D’autre part, les personnels non marins, dont la durée d’embarquement est inférieure à 45 jours continus ou non sur une période de 6 mois consécutifs et qui sont ne sont pas expressément listés dans les travailleurs non gens de mer visés à l’article R. 5511-5 du Code des transports listés ci-dessus.

 

Normes sociales applicables aux salariés à bord de navires battant pavillon français 1er registre

La situation des « marins » est régie par le livre 5 du Code des transports, à l’exclusion du Code du travail.

 

Le statut des « salariés gens de mer autre que marins » est principalement régi par le Code des transports mais le Code du travail s’applique dans certains domaines strictement définis à l’article L.5549-2 du code précité.

 

A titre d’exemple, la période d’essai, les conditions de recours aux contrats à durée déterminée, le calcul et paiement de la rémunération, les indemnités de rupture sont régis par le droit commun du travail français.

 

Les personnels « non-gens de mer » bénéficient des dispositions du Code du travail. Toutefois, certaines dispositions du Code des transports, relatives à l’organisation du temps de travail et des repos, sont applicables (4), à savoir :

 

    • La définition du travail effectif ;
    • La durée du travail ;
    • Les heures supplémentaires ;
    • Les temps de pause ;
    • La suspension de l’organisation des horaires de travail et de repos en cas de danger pour la sécurité du navire ou des personnes ;
    • Le repos quotidien ;
    • Le repos hebdomadaire ;
    • Le regroupement des congés légaux et conventionnel.

 

Le dispositif de l’Etat d’accueil

A bord des navires battant pavillon français autre que 1er registre ou pavillon étranger, les salariés doivent bénéficier d’un socle social minimum défini dans le cadre du dispositif dit de l’«Etat d’accueil».

 

Ce dispositif d’Etat d’accueil concerne les prestations de services réalisées dans les eaux territoriales et intérieures françaises à titre principal au regard de l’objet du contrat.

 

Ainsi, les employeurs des salariés (gens de mer et non gens de mer) à bord des navires utilisés pour les travaux maritimes dans les eaux territoriales et intérieures françaises doivent respecter un ensemble de dispositions légales et conventionnelles telles qu’applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France dans les matières suivantes (5) :

 

    • Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
    • Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
    • Protection de la maternité, congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;
    • Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;
    • Exercice du droit de grève ;
    • Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
    • Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;
    • Règles relatives à la santé et à la sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants ;
    • Travail illégal.

 

Notons que les salariés non-gens de mer travaillant en mer hors d’un navire (sur une plateforme EMR offshore par exemple), ne sont pas concernés par le dispositif de l’Etat d’accueil. Ils bénéficient toutefois des dispositions spécifiques du Code des transports en matière de durée du travail et temps de repos (6).

 

En conséquence, les entreprises françaises ou étrangères intervenant dans les eaux territoriales et intérieures françaises sur les projets de construction d’éoliennes à proximité des côtes françaises, doivent s’assurer qu’elles respectent à l’égard de leurs salariés les conventions collectives et dispositions légales qui s’appliquent en France pour les activités qu’elles ont vocation à effectuer dans les matières visées ci-dessus.

 

Le ministère de la mer a alerté l’ensemble des acteurs du secteur des énergies renouvelables en mer sur ces normes sociales minimum. En particulier, dans sa fiche de synthèse n°3, le ministère recommande aux donneurs d’ordre de « prêter attention » à ce point lorsqu’ils sélectionnent une entreprise maritime.

 

En complément de cette règlementation sociale dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, les employeurs doivent également respecter les règles en droit du travail et en droit de la sécurité sociale en matière de détachement international et de déclaration de salarié étranger pour les salariés étrangers non-gens de mer de travaillant sur une plateforme EMR offshore.

 

Il s’agit des procédures de déclaration SIPSI et le cas échéant de demande de formulaire A1 ainsi que de l’application minimal de droits (7).

 

Les donneurs d’ordre peuvent également être amenés dans le cadre des obligations de vigilance à intégrer ces contrôles. Il est donc essentiel que l’ensemble du secteur soit sensibilisé sur les obligations et normes applicables en droit du travail et protection sociale afin de sécuriser l’intervention de leurs salariés.

 

Maïté OLLIVIER, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

Cet article a été actualisé le 19 octobre 2022 (version anglaise)

 

(1) Article L. 5000-2 du Code des transports
(2) Articles L. 5511-1, R. 5511-1 et R. 5511-2 du Code des transports
(3) Article L. 5511-1, 4° du Code des transports et articles R. 5511-3, R. 5511-5 et R. 5511-7 du Code des transports
(4) Article L. 5541-1-1 du Code des transports et le 1° du décret n°2016-754 du 7 juin 2016
(5) Article L. 5562-1 du Code des transports
(6) En application de l’article 1 du décret n°2016-754 du 7 juin 2016.
(7) C. trav., art L. 1262-2-1 et art. L. 1262-4

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