Le législateur transpose les accords interprofessionnels sur le dialogue social et l’emploi des salariés expérimentés
7 novembre 2025
La loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025, publiée au Journal officiel le 25 octobre 2025, transpose les trois accords nationaux interprofessionnels (ANI) du 14 novembre 2024 portant sur l’assurance chômage, l’emploi des salariés expérimentés et le dialogue social ainsi que l’avenant n° 2 du 27 mai 2025 au protocole d’accord du 10 novembre 2023 rectifiant certains paramètres de calcul du bonus-malus et l’ANI du 25 juin 2025 en faveur des transitions et reconversions professionnelles.
Sauf lorsque leur mise en œuvre nécessite la publication d’un décret, les mesures prévues par la loi entrent en vigueur le 26 octobre 2025.
Présentation des principales mesures prévues en matière d’emploi des salariés expérimentés et de dialogue social.
Mesures relatives à l’emploi des salariés expérimentés
Entretien professionnel
La loi modifie le régime de l’entretien professionnel, rebaptisé « entretien de parcours professionnel ». Cet entretien doit être organisé une première fois au cours de l’année suivant l’embauche du salarié, puis au moins tous les quatre ans (au lieu de tous les deux ans), sauf accord collectif d’entreprise ou de branche prévoyant une périodicité plus courte.
Cet entretien porte sur les compétences et qualifications mobilisées, leur évolution au regard des transformations de l’emploi et de l’organisation du travail, les besoins en formation, les souhaits de mobilité ou de reconversion, ainsi que sur la mobilisation du compte personnel de formation (CPF) et les abondements éventuels. Il est conduit par un supérieur hiérarchique ou un représentant de la direction, pendant le temps de travail, et ne peut en aucun cas porter sur l’évaluation du salarié. Un document écrit récapitule les éléments abordés et est remis au salarié à l’issue de chaque entretien.
La périodicité de l’entretien de bilan qui jusqu’à présent devait être réalisé tous les six ans, est portée à huit ans.
Enfin, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la loi maintient le principe de l’abondement correctif du CPF, à hauteur de 3000 euros, en cas de manquement de l’employeur à ses obligations en matière d’entretiens et de formation au cours des huit dernières années.
La loi introduit également deux nouveaux rendez-vous obligatoires dans le parcours professionnel du salarié :
⇒ Le premier est l’entretien de parcours professionnel de mi-carrière, qui doit être organisé dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2 du Code du travail. Ce rendez-vous, renforcé dans son contenu, doit permettre d’aborder les mesures d’aménagement du poste ou du temps de travail proposées par le médecin du travail, la prévention de l’usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion. Un bilan spécifique est établi et remis au salarié.
⇒ Le second est l’entretien de parcours professionnel de fin de carrière, qui doit être organisé pour les salariés âgés de 58 à 60 ans. Il vise à anticiper les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagement de fin de carrière, notamment le passage à temps partiel dans le cadre de la retraite progressive.
Ces dispositions s’appliquent à compter du 26 octobre 2025 et à compter du 1er octobre 2026 lorsqu’un accord collectif fixe la périodicité des entretiens.
Nouvelles négociations obligatoires
Une négociation obligatoire dans les branches
La loi institue une obligation de négocier sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés en considération de leur âge. Cette négociation doit intervenir au moins une fois tous les trois ans, sauf aménagement par accord.
Un accord d’adaptation de branche peut :
-
- Fixer une périodicité différente, dans la limite de quatre ans ;
-
- Définir le contenu de la négociation relative à l’emploi et au travail des salariés expérimentés ;
À défaut d’accord d’adaptation, le contenu obligatoire porte sur :
-
- Le recrutement des salariés expérimentés ;
-
- Le maintien dans l’emploi ;
-
- L’aménagement des fins de carrière, notamment les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
-
- La transmission des savoirs et compétences, notamment par des missions de mentorat, tutorat et mécénat de compétences.
Un décret précisera les informations nécessaires à cette négociation.
Des thèmes facultatifs peuvent être intégrés à la négociation, notamment :
-
- Développement des compétences et accès à l’information ;
-
- Effets des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
-
- Modalités de management, d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement des salariés expérimentés ;
-
- Santé au travail et prévention des risques professionnels ;
-
- Organisation du travail et conditions de travail.
L’accord de branche conclu sur ce thème peut comporter un plan d’action type destiné aux entreprises de moins de 300 salariés, afin de faciliter la mise en œuvre des engagements au niveau des petites et moyennes entreprises.
Une négociation obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés
Les entreprises et groupes d’au moins 300 salariés dotés d’au moins une section syndicale d’organisation représentative sont soumis à une obligation d’ouvrir tous les trois ans une négociation dédiée à l’emploi, au travail et à l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, sauf accord d’adaptation modifiant la périodicité de la négociation dans la limite de 4 ans.
L’accord d’adaptation peut également définir le contenu de la négociation.
À défaut d’accord, l’employeur doit négocier, après diagnostic, sur des thèmes obligatoires : recrutement, maintien dans l’emploi, aménagement des fins de carrière (retraite progressive, temps partiel) et transmission des savoirs (mentorat, tutorat, mécénat de compétences).
Des thèmes facultatifs peuvent s’ajouter (compétences, transformations technologiques/environnementales, management, santé/prévention, organisation/conditions de travail). L’employeur examine la mobilisation du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle. Un décret précise les informations nécessaires à la négociation.
Création du contrat de valorisation de l’expérience
La loi crée à titre expérimental pour une durée de 5 ans à compter de la promulgation de la loi un nouveau type de contrat à durée indéterminée qui peut être conclu par des demandeurs d’emploi inscrits à France Travail, âgés d’au moins 60 ans ou dès 57 ans si un accord de branche le prévoit, sauf s’ils peuvent liquider leur pension de retraite à taux plein.
Ce contrat ne peut être conclu avec une personne ayant été salariée de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe au cours des six mois précédant.
Afin d’informer l’employeur de la date à compter de laquelle il sera en mesure de procéder à la mise à la retraite du salarié recruté dans le cadre de ce contrat, le salarié doit remettre à son employeur, lors de la signature du contrat, un document transmis par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplira les conditions de liquidation d’une retraite à taux plein. L’employeur peut mettre le salarié à la retraite dès lors que celui-ci a atteint l’âge légal de la retraite et remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
L’indemnité versée dans le cadre de ce départ est exonérée de la contribution patronale spécifique de 30 %, dans la limite du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de mise à la retraite.
Motivation renforcée du refus de la retraite progressive
La loi introduit une motivation renforcée du refus par l’employeur d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive.
Alors que les dispositions du code du travail (C. trav. art. L.3121-60-1 et L.3123-4-1) prévoyaient seulement que le refus de l’employeur devait être « justifié par l’incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise », la loi exige désormais que « la justification apportée par l’employeur rende notamment compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des difficultés pour y procéder sur le poste concerné ».
Sécurisation de la mise à la retraite
Il est dorénavant possible de mettre à la retraite un salarié recruté alors qu’il avait, lors de son embauche, déjà atteint l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein (67 ans), y compris les salariés déjà retraités en situation de cumul emploi-retraite.
Financement du temps partiel de fin de carrière
Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir la possibilité d’affecter l’indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération du salarié en fin de carrière lorsque celui-ci, à sa demande et en accord avec son employeur, passe à temps partiel ou à temps réduit.
Lorsque le montant de l’indemnité de départ à laquelle le salarié aurait eu droit au moment de son départ à la retraite dépasse les sommes versées au titre du maintien de sa rémunération, la différence lui est versée.
Les salariés dont l’indemnité de départ à la retraite est affectée au maintien total ou partiel de leur rémunération ne peuvent bénéficier du dispositif de retraite progressive.
Mesure relative au dialogue social
La loi supprime la limitation à trois du nombre de mandats successifs pour les élus du CSE. Les élus du CSE peuvent donc désormais être réélus sans limitation du nombre de mandats successifs. Un décret est attendu pour mettre en cohérence les dispositions de la partie réglementaire du Code du travail, sans que cela suspende l’entrée en vigueur de cette disposition.
◊◊◊◊
En dernier lieu, la loi entérine la réduction de la durée d’affiliation requise pour les primo-entrants prévue par la convention d’assurance chômage de 2024 (5 mois au lieu de 6) à compter de la publication de l’arrêté d’agrément.
En matière de bonus-malus, la loi exclut du décompte du nombre de contrats rompus pour calculer le taux de la contribution chômage applicable les licenciements pour inaptitude non professionnelle et les licenciements pour faute grave ou lourde.
Enfin, la loi crée un dispositif « période de reconversion » remplaçant la promotion pour l’alternance (pro A) et de transitions collectives (Transco).
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