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Le CSE à l’heure des renouvellements

Le CSE à l’heure des renouvellements

Alors que les ordonnances du 22 septembre 2017 fêtent leur cinquième anniversaire et que les anciennes institutions du personnel, comité d’entreprise, délégués du personnel et comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail ont définitivement quitté la scène le 31 décembre 2019 pour laisser la place au comité social et économique (CSE), l’heure est aujourd’hui aux premiers renouvellements de cette instance.

 

Moment opportun pour revenir sur une sélection de jurisprudences rendues depuis la création de l’instance concernant certaines des étapes saillantes (ou redoutées) de sa mise en place – la détermination des établissements distincts, la représentation équilibrée des femmes et des hommes, la détermination du nombre de sièges à pourvoir à l’instance – et laissant encore subsister quelques interrogations.

 

La détermination des établissements distincts

La définition des établissements distincts est un préalable indispensable à l’organisation des élections même lorsque l’entreprise est organisée en un établissement unique (Min. trav., CSE – 117 Questions-Réponses, 16 janv. 2020, n°27).

 

L’obligation préalable de négocier

La détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts doit procéder en premier lieu d’un accord collectif conclu avec les organisations syndicales représentatives ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles ou en l’absence de délégué syndical, d’un accord conclu entre l’employeur et la majorité des membres titulaires du CSE.

A défaut d’accord conclu selon l’une ou l’autre de ces modalités, l’employeur détermine unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts « compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement en matière de gestion du personnel » (1).

La Cour de cassation a précisé que l’obligation de négociation préalable ne concerne que les entreprises dotées d’organisations syndicales représentatives (Cass. soc., 17 avril 2019 n°18-22.948).

 

Ainsi, il ne saurait être reproché à une entreprise dépourvue d’organisation syndicale représentative d’avoir procédé unilatéralement à la détermination des établissements sans avoir engagé de négociation avec les membres du CSE.

 

S’agissant de l’accord conclu avec les membres du CSE, sa nature juridique fait débat.

Accord conclu avec la majorité des membres du CSE, il n’est pas un accord répondant aux conditions de validité des accords collectifs susceptibles d’être conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

Il s’agit d’un accord d’un type particulier dont le régime juridique n’est pas défini. Dès lors on peut s’interroger sur le point de savoir si un tel accord a vocation à perdurer lors du renouvellement de l’instance ou si un nouvel accord ou, à défaut, une nouvelle décision unilatérale doit, à défaut d’accord collectif conclu avec des organisations syndicales majoritaires, lui être substitué.

 

On peut enfin s’interroger sur le point de savoir si, en l’absence d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, la négociation d’un accord collectif en vue de déterminer les établissements distincts peut valablement s’engager avec un salarié mandaté par une organisation syndicale, des élus mandatés, voire avec des élus non mandatés excepté dans les entreprises d’au moins 50 salariés (2).

On peut en douter puisque la loi prévoit expressément un autre mode de négociation. Néanmoins, il pourrait être soutenu, à l’instar d’une partie de la doctrine (3), que toute référence à la négociation avec les organisations syndicales représentatives permet désormais implicitement, la négociation en leur absence, avec les élus du personnel ou un salarié mandaté par une organisation syndicale.

 

Décision unilatérale de l’employeur : les critères de reconnaissance de l’établissement distinct précisés

Le critère déterminant pour caractériser l’établissement distinct justifiant la mise en place d’un CSE par une décision unilatérale de l’employeur est, aux termes de la loi, celui « de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ».

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser cette notion. Elle a ainsi jugé que l’existence d’une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service s’apprécie notamment en fonction de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable (Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18–23.655).

 

La Cour a par la suite précisé que « la centralisation de fonctions support ou l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l’autonomie de gestion des responsables d’établissement » et que l’autonomie de gestion est caractérisée dès lors qu’il existe des délégations de pouvoirs dans des domaines de compétences variés et des accords d’établissements (Cass., 11 décembre 2019, n° 19-17.298) ou une autonomie budgétaire et une autonomie en matière de gestion du personnel (Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 19-12.011).

 

Poursuivant sa construction jurisprudentielle sur la notion d’établissement distinct, la Cour de cassation a ultérieurement retenu que le juge doit non seulement rechercher si les responsables des établissements concernés ont effectivement une autonomie de décision suffisante concernant la gestion du personnel et l’exécution du service, mais il doit aussi vérifier si la reconnaissance à ce niveau d’établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-23.153 et 19-23.745).

 

Dans la première affaire, la Cour a pris en compte l’argument de l’employeur qui faisait valoir que le découpage de l’entreprise en établissements distincts sur la seule base des périmètres de postes des responsables de ressources humaines, sans vérifier s’ils disposaient effectivement d’une autonomie de gestion du personnel, et si ce découpage permettait aux CSE d’exercer effectivement leurs prérogatives, n’était pas pertinent.

Par ces arrêts, la Cour de cassation semble ajouter un nouveau critère à celui de l’autonomie de gestion, qui suppose de vérifier la possibilité d’ un exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel au niveau de l’établissement revendiqué.

 

Il appartiendra au juge du fond de vérifier concrètement et précisément l’existence de ces deux critères, à l’appui des pièces fournies tant par l’employeur que les organisations syndicales contestataires.

 

La représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats

Aux termes des dispositions légales (4), les listes de candidats aux élections professionnelles qui « comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes. Lorsque l’application du premier alinéa n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l’arrondi arithmétique suivant :

 

    • 1° Arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
    • 2° Arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 […] ».

 

Détermination de la proportion de femmes et d’hommes dans les collèges électoraux

Le protocole d’accord préélectoral fixe la répartition du personnel dans les collèges et mentionne la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral (5) en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole.

A défaut d’accord, la répartition du personnel dans les collèges est opérée par la Dreets mais il n’appartient pas alors à celle-ci de préciser la proportion d’hommes et de femmes dans chaque collège.

C’est à l’employeur, en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l’établissement de la liste électorale, de préciser cette proportion sous le contrôle des organisations syndicales (Cass. soc., 29 septembre 2021, n°20-60.246).

 

A cet égard, il convient de préciser que ces dispositions ne font pas obligation de déterminer dans le protocole d’accord préélectoral, le nombre de femmes et d’hommes à élire dans chaque collège.

 

La composition des listes de candidats

L’obligation de présenter des listes de candidats comportant un nombre de femmes et d’hommes conforme à leur proportion sur la liste électorale a donné lieu à un important contentieux qui a amené la Cour de cassation à en préciser peu à peu l’étendue.

Ainsi, si cette disposition ne s’applique pas lorsqu’un seul siège est à pourvoir, la Cour de cassation a jugé dans un premier temps que, lorsque deux sièges sont à pourvoir dans un collège, la liste de candidats devait nécessairement comporter un homme et une femme (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14.2018), avant de décider que lorsque l’application des règles d’arrondi conduit à écarter totalement la représentation de l’un des deux sexes, la liste peut ne comporter qu’un candidat unique ou plusieurs candidats du sexe surreprésenté.

 

Les syndicats conservent alors la faculté de faire figurer sur leur liste un représentant du sexe ultra minoritaire, sans pour autant en avoir l’obligation (Cass. soc. 11 décembre 2019, n°18-28.568 ; Cass. soc. 1er juillet 2020 n°19-14.879).

 

Enfin, lorsque, en application de la règle de l’arrondi, un candidat du sexe sous-représenté doit être présent sur la liste, le syndicat ne peut pas recalculer la proportion de femmes et d’hommes en fonction du nombre de candidats figurant sur la liste pour considérer qu’il n’y a pas lieu d’y faire figurer un candidat du sexe sous-représenté (Cass. soc. 11 déc. 2019, n° 19-10.826 ; Cass. soc., 27 juil. 2020, n° 20-16.556).

 

Plus curieusement, alors que le texte ne réserve pas l’application de la règle de la représentation équilibrée des femmes et des hommes au premier tour des élections, la Cour de cassation a néanmoins jugé que cette règle ne s’appliquait pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-60.222).

 

Enfin, une jurisprudence récente a précisé l’étendue de l’obligation faite aux syndicats : ceux-ci ne peuvent se retrancher derrière l’impossibilité de présenter des femmes candidates malgré les efforts qu’ils ont fournis pour justifier de la présentation d’une liste ne répondant pas aux exigences légales, tendant ainsi à faire de cette obligation une véritable obligation de résultat (Cass. soc., 22 sept. 2021, n°20-16.556).

Si la règle de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats relève avant tout de la responsabilité des organisations syndicales elle n’est pas sans incidence pour l’employeur qui peut invoquer devant le juge l’irrégularité de la liste de candidats pour obtenir l’invalidation de l’élection d’un membre du CSE.

En effet, l’article L. 2314-32 du Code du travail sanctionne le non-respect de la règle de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes par l’annulation des élus du sexe surreprésenté en surnombre en suivant l’ordre inverse de la liste de candidats.

 

En outre, rien n’interdit à l’employeur comme d’ailleurs à une autre organisation syndicale représentative de saisir le juge avant l’élection pour que la liste de candidats soit déclarée irrégulière.

Le juge doit alors statuer avant l’élection, en reportant, le cas échéant, la date de l’élection pour permettre la régularisation des listes ( Cass. soc. 25 mai 2020 n° 19-60.147, n°19-14.225 et n°19-15.974)

 

Détermination du nombre de sièges à pourvoir au sein de l’instance

Pour rappel, les entreprises ont l’obligation d’organiser les élections professionnelles lorsqu’elles ont atteint l’effectif de 11 salariés, calculé selon les modalités définies à l’article L. 1111-1 du Code du travail pendant 12 mois consécutifs.

C’est aussi un délai de douze mois consécutifs qui est exigé pour l’appréciation des seuils d’effectif conditionnant les attributions du CSE ou le renouvellement de l’instance.

 

Le nombre de sièges à pourvoir est également déterminé en fonction de l’effectif de l’entreprise et, le cas échéant, de l’établissement. Il est fixé par le protocole d’accord préélectoral ou à défaut de stipulations sur ce point, par décret. La loi ne donne cependant aucune indication sur la période ou la date à retenir pour déterminer cet effectif.

 

C’est donc la jurisprudence qui a apporté cette précision en retenant que l’effectif servant à déterminer le nombre de sièges à pourvoir – qu’il s’agisse de la mise en place de l’instance ou de son renouvellement – s’apprécie à la date du premier tour des élections (6).

 

Il s’agit là d’une jurisprudence constante dégagée à propos de l’élection des membres du comité d’entreprise et des délégués du personnel et qui a été récemment réaffirmée dans les mêmes termes à propos de l’élection des membres de la délégation du personnel au CSE (7).

 

La Cour de cassation a ainsi censuré la décision du juge d’instance qui avait fixé au 31 octobre 2018 la date d’appréciation de l’effectif à retenir pour des élections qui n’étaient pas encore organisées au jour où il statuait.

 

Dans une deuxième décision rendue le même jour, la cour, après avoir rappelé que l’effectif théorique de l’établissement pour le calcul du nombre de membres de la délégation du personnel à élire au comité social et économique doit être apprécié à la date du premier tour de scrutin, censure la décision des juges du fond qui avaient annulé les élections au motif que n’avaient pas été pris en compte dans le décompte de l’effectif des salariés qui avaient pourtant quitté l’entreprise à la date du premier tour de scrutin (8).

 

Il existe néanmoins un tempérament à la règle d’appréciation de l’effectif théorique à la date du premier tour de scrutin.

En effet, pour pallier les effets des variations ponctuelles d’effectif, le juge a admis la possibilité de se référer, en cas de renouvellement de l’instance (il s’agissait alors du comité d’entreprise), à l’effectif moyen de l’entreprise ou de l’établissement au cours de l’année civile en cours (9).

Cette jurisprudence ne fait donc pas obligation de se référer à l’effectif des 12 derniers mois. Il s’agit toutefois d’une jurisprudence ancienne et il serait souhaitable que la Cour de cassation vienne confirmer cette solution.

 

(1) C. trav. art. L. 2313-1, L. 2313-2 et L. 2313-3
(2) Dans ces entreprises, les élus non mandatés ne peuvent négocier que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée à un accord collectif, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque la détermination des établissements distincts peut résulter d’une décision unilatérale.
(3) V. L. Aluome « L’accord tripartite de transition », JCP S 2019, 1305. V. aussi L. Aluome et V. Armillei « La négociation collective des accords de substitution en l’absence de délégué syndical », JCP S 2020, 3114.
(4) C. trav. art. L. 2314-30
(5) C. trav. art. L2314-13
(6) Cass. soc., 21 octobre 1985, n°85-60.057 ; Cass. soc., 7 mars 1990, n°89-60.156
(7) Cass. soc., 5 février 2020, n°19-13.550, n°19-60.248
(8) Cass. soc., 5 février 2020, n°19-13.444
(9) Cass. soc., 3 octobre 1995, n°94-60.480

 

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