Le point des contentieux PUMa : Quel bilan ? Quels espoirs ?
2 juin 2023
Nombre de recours ont été engagés en contestation des appels de cotisation subsidiaire maladie recouvrée au titre de la «protection universelle maladie» (PUMa).
Pour mémoire, il s’agit de la cotisation, réclamée à compter de décembre 2017 aux personnes résidant en France :
-
- n’ayant pas ou peu de revenus professionnels ;
-
- et qui perçoivent un certain montant de revenus du patrimoine et du capital.
Après plusieurs déconvenues devant le Conseil constitutionnel, le Conseil d’état et la Cour de cassation, il demeure encore quelques arguments pour tenter d’obtenir l’annulation du recouvrement de cette cotisation, particulièrement de la première mise en recouvrement intervenue en 2017.
Déjà plus de cinq ans depuis le premier recouvrement de la cotisation PUMa et les premiers recours
Si le Conseil constitutionnel n’a pas invalidé cette cotisation, il demeure qu’il a relevé une des faiblesses du dispositif instauré à l’origine, à savoir :
L’absence du plafonnement qui peut conduire à une disproportion de cette cotisation sociale.
A cet égard, rappelons qu’avant 2016, la cotisation CMU qui était fondée sur les mêmes principes n’était pas d’application automatique, il fallait solliciter son affiliation pour y être assujetti. Désormais, la cotisation subsidiaire maladie est d’application automatique, ce qui a entraîné des conséquences naturellement très importantes et non désirées.
Les textes d’origine applicables pour l’année 2016 prévoyaient une affiliation à cette cotisation sociale dès lors que les revenus professionnels n’excédaient pas 3862 euros et que les revenus du patrimoine et du capital atteignaient au moins 9654 euros (article L.380-2 du Code de la sécurité sociale issu de la LFSS n°2015-1702 pour 2016 et décrets n°2016-979 du 19 juillet 2016 et n°2017-736 du 3 mai 2017).
A la suite de la réserve du Conseil constitutionnel sur les modalités de calcul de la cotisation, ces dernières ont été revues pour les cotisations dues à compter de 2019 par la définition d’une assiette maximale de huit plafonds annuels de la sécurité sociale, l’augmentation du plafond de revenus professionnels et la surélévation du plancher de revenus du patrimoine et du capital.
Appliquées en 2016, ces règles auraient conduit à limiter la cotisation à 24000 euros ! Or, dans bon nombre de cas, la cotisation a été bien plus élevée.
Cette disproportion peut constituer une violation manifeste du principe de non-discrimination fondée sur la fortune, garanti par l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et le droit au respect des biens énoncé à l’article premier du Premier Protocole à cette Convention.
Il peut ainsi en résulter des conséquences disproportionnées pour le cotisant, qui conduisent à écarter les dispositions litigieuses ; c’est ce qu’a jugé la cour d’appel de Paris dans le cadre d’un contrôle de conventionnalité le 3 mars 2023 (n°19/06710).
Dans l’affaire soumise à la Cour, la disproportion était particulièrement importante puisque le revenu soumis, hautement exceptionnel, avoisinait 48 millions d’euros et la cotisation réclamée approchait les 4 millions d’euros.
La Cour a relevé la disproportion avec la situation dans laquelle la personne se serait trouvée si elle avait perçu des revenus professionnels de 3862 € par an en sus de ses revenus non professionnels de 48 millions d’euros puisqu’elle n’aurait alors été soumise qu’au paiement de la somme de 520 euros de cotisations sociales !
Cette disproportion se retrouve dans d’autres situations individuelles même si elle n’est pas à ce niveau.
Développer l’argument dans ces autres situations peut donc s’avérer utile.
D’autres arguments peuvent encore prospérer.
En effet, si l’argument de la rétroactivité des textes réglementaires et celui de la date de l’appel de cotisation n’ont pas été retenus par la Cour de cassation, d’autres arguments accueillis favorablement par plusieurs juges du fond laissent perdurer un espoir d’être entendus, notamment dans les cas où la disproportion précitée ne serait pas établie.
On songe notamment à l’argument de la compétence de l’URSSAF.
En effet, l’URSSAF du Centre-Val de Loire soutient que diverses URSSAF, dont l’URSSAF d’Ile-de-France, lui ont transféré leur compétence par application d’une convention de délégation qu’elle a conclue et qui a été approuvée par l’ACOSS par décision datée du 11 décembre 2017 et publiée le 15 janvier 2018.
Il est opposé à cette URSSAF que la convention de délégation n’est pas applicable ou opposable à l’intéressé, à la date de notification de l’appel de cotisation du 15 décembre 2017.
En effet, cette convention n’a pu emporter transfert du service des prestations et du recouvrement qui y est associé qu’à compter de la publication de la décision d’approbation de l’ACOSS qui est intervenue le 15 janvier 2018, c’est-à-dire bien après la notification de l’appel de cotisation.
Pour ce motif, plusieurs tribunaux ont accepté d’annuler l’appel de cotisation ; des procédures d’appel sont en cours.
Citons notamment le tribunal judiciaire de Versailles qui a jugé «qu’à la date du 15 décembre 2017 à laquelle a été émis l’appel de cotisation, cette délégation ne pouvait pas être connue des cotisants» et qu’en conséquence «la compétence de l’URSSAF Centre Val de Loire ne leur était donc pas opposable» (TJ Versailles, 19 novembre 2020, n°18/01462).
Citons également le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 21 septembre 2021 (n°18/01987) aux termes duquel «la parution officielle d’un texte est bien l’acte qui conditionne son applicabilité en vertu du principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. L’absence de publication de la décision de délégation à la date du 15 décembre 2017 empêchait donc l’URSSAF délégataire de procéder à cette date, selon les termes de la décision du 11 décembre 2017, au «calcul […] appel et […] recouvrement » de la CSM due par Monsieur XX au titre de l’année 2016.»
Ce principe de l’applicabilité conditionnée à la publication du texte ressort de l’article 1er alinéa 1er du Code civil pour les actes administratifs publiés au Journal officiel et des articles L.221-2 à L.221-8 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) pour tous les actes administratifs réglementaires et non réglementaires, individuels et non individuels.
La cour d’appel de Paris et la cour d’appel de Bordeaux ont rejeté cet argument dans plusieurs dossiers, mais, dans ces affaires, il a été jugé que la décision de l’ACOSS n’était pas un acte réglementaire pour échapper à l’application de ce principe.
Or, cette analyse apparaît contestable au regard des dispositions du CRPA.
Evoquons aussi l’argument du non-respect des règles sur le transfert de données personnelles.
Il résulte de l’avis n°2017-279 du 26 octobre 2017, rendu par la CNIL, que la DGFIP ainsi que l’ACOSS avaient toutes deux l’obligation d’informer les personnes visées par le traitement automatisé de transfert de données fiscales : «si la DGFIP a pour obligation d’informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l’ACOSS devra également assurer l’information des personnes concernées pour le traitement qu’elle met en œuvre.»
Cette obligation d’information résulte de la loi Informatique et libertés n°78-17 du 6 janvier 1978 (en particulier, articles 32 et suivants de cette loi).
Rappelons que l’article 32, III de cette loi dispose que «lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données».
Il en résulte qu’en l’absence d’information sur le transfert de données réalisée à la fois par la DGFIP et l’ACOSS, ce transfert était inopposable au cotisant.
Faute d’élément probant produit par l’URSSAF sur le respect de cette obligation, il peut être opposé que les dispositions de la loi Informatique et Libertés n’ont pas été respectées. Le transfert des données est par conséquent inopposable et la procédure d’appel et de recouvrement est irrégulière.
En ce sens, relevons deux décisions :
* La décision rendue le 4 novembre 2021 (n°19/01199) par le tribunal judiciaire de Beauvais qui a jugé qu’il résulte de la délibération CNIL que «les personnes concernées doivent bénéficier tant de l’administration fiscale que de l’ACOSS d’une information préalable les avisant de l’utilisation des données ainsi transférées».
* L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux qui a jugé qu’ «il incombait à l’Urssaf», au visa de l’article 32 III de la Loi Informatique et Libertés, «d’informer Mme XXX de la transmission de ses données personnelles émanant de l’administration fiscale» et que «l’Urssaf, en ne respectant pas les dispositions susvisées qui ont pour objet de protéger un droit fondamental, a commis une irrégularité de fond affectant la procédure de recouvrement» (CA Bordeaux, chambre sociale, section B, 2 mars 2023, n°20/05000 ; également CA Bordeaux 23 mars 2023, n°21/02360).
Sans être exhaustif, le format du présent article ne le permettant pas, évoquons aussi l’argument de l’absence de signature et de l’absence d’information sur l’identité précise de l’auteur de l’appel de cotisation.
Ce n’est pas un argument qui a la faveur des juges. Il mérite pourtant que l’on s’y attarde un instant.
En effet, l’appel de cotisation est un acte administratif et il peut être soutenu qu’il doit, à tout le moins, comporter, conformément à l’article L.212-2 du CRPA, l’identité précise de son auteur, s’il n’est pas signé.
Selon l’article L.212-2 : «Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu’ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : 1° Les décisions administratives (…) ainsi que les actes préparatoires à ces décisions ; 2° Quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés, les avis à tiers détenteur, (…) les lettres de relance relatives à l’assiette ou au recouvrement, les avis de mise en recouvrement, les mises en demeure de souscrire une déclaration ou d’effectuer un paiement, (…) et les demandes de documents et de renseignements pouvant être obtenus par la mise en œuvre du droit de communication prévu au chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales.».
Or, l’appel de cotisation ne comporte souvent que la mention «Le Directeur», ce qui le rend irrégulier au regard de cette disposition.
On peut donc espérer encore de belles décisions sur le thème de la cotisation PUMa.
Delphine Pannetier, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
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