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Les plus-values des entrepreneurs devant le Conseil constitutionnel

Les plus-values des entrepreneurs devant le Conseil constitutionnel

On sait que les entrepreneurs sont très sensibles à leur traitement fiscal, notamment lorsqu’ils sont imposés sur les plus-values réalisées lors de la vente de leur société. Le Conseil d’Etat s’est lui-même montré sensible à leur cause et a renvoyé, le 14 octobre, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel portant sur un aspect particulièrement inique de notre système fiscal.

On se souvient peut-être que jusqu’au 31 décembre 2012, les plus-values sur titres réalisées par des actionnaires (entrepreneurs ou non) étaient imposables au taux de 24%. L’arrivée de François Hollande au pouvoir a conduit à changer ce système : depuis, les plus-values sont soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu (soit à un taux marginal pouvant atteindre 45%).

Pour compenser l’augmentation du taux de l’impôt, le législateur a introduit un système d’abattement pour durée de détention atteignant 65% (voire 85%) de la plus-value réalisée au bout de huit ans.

En pratique, toutefois, il est fréquent que le prix de cession d’une entreprise soit perçu en plusieurs fois : à un prix fixe, versé lors de la cession, s’ajoute ultérieurement un complément de prix qui varie selon les performances de la société dont les titres sont cédés.

Effet pervers

Ce complément de prix est imposé comme une plus-value, et la loi prévoit son imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais après prise en compte de l’abattement « appliqué lors de la cession ».

Or, de nombreux entrepreneurs ont découvert à leur détriment un effet pervers de l’absence de mesure de transition entre l’ancien et le nouveau système. Ceux qui ont cédé leur entreprise en 2012 et ont perçu un complément de prix en 2013 (ou plus tard) se sont vu imposer, à raison de ce complément de prix, au barème progressif de l’impôt sur le revenu… mais sans application de l’abattement pour durée de détention, puisque celui-ci n’existait pas encore dans la loi lors de la cession !

L’administration fiscale, alertée par de nombreux contribuables et leurs avocats, n’a pas jugé nécessaire d’y remédier à l’occasion de la publication de son commentaire des nouvelles règles. Elle a donc laissé subsister une pénalisation injustifiée des contribuables qui n’ont eu que le tort de faire une cession à une période de changement gouvernemental.

Espérons que le Conseil constitutionnel remédiera à cette absurdité et reconnaîtra qu’il n’existe pas de raison de traiter différemment des contribuables qui se trouvent fondamentalement dans la même situation. Dans l’attente de sa décision, il est important pour les contribuables concernés de réclamer au plus vite l’excédent d’impôt qu’ils ont payé en application de ces règles. Une décision positive du Conseil constitutionnel pourrait en effet ne profiter qu’à ceux qui ont déjà agi avant la publication de sa décision.

 

Auteur

Daniel Gutmann, avocat associé responsable de la doctrine fiscale, professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne.

 

Les plus-values des entrepreneurs devant le Conseil constitutionnel – Article paru dans Le Monde du 16 octobre 2015