L’impact de l’arrêt de travail pour maladie sur la protection conférée au titre du congé maternité
16 février 2022
La vigilance s’impose sur cette question qui peut entrainer des conséquences considérables.
S’assurer que les salariées en état de grossesse ou en congé maternité ne soient pas licenciées pour cette raison, tel est le postulat de départ ayant poussé le législateur à prévoir pour les salariées concernées une protection spéciale contre le licenciement.
Si le postulat de départ est simple, sa mise en œuvre a posé, comme souvent en droit, un certain nombre de questions auxquelles la jurisprudence a été amenée à répondre, en dernier lieu par un arrêt rendu le 1er décembre 2021 (Cass. Soc., 1er décembre 2021, n° 20-13.339).
La distinction entre protection absolue et protection relative
Rappelons avant toute chose, qu’il existe deux niveaux de protection en la matière : une protection dite absolue, et une protection dite relative.
La protection absolue a vocation à s’appliquer pendant le congé maternité et les congés payés pris immédiatement après celui-ci. Pendant cette période, il existe une interdiction absolue de licencier une salariée ou de rendre la rupture de son contrat de travail effective, peu importe le motif de licenciement.
Autrement dit, même si l’employeur justifie d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat, il ne pourra pas licencier la salariée pendant cette période. Le non-respect de cette obligation entraîne la nullité du licenciement (article L. 1225-71 du Code du travail), avec les conséquences qui y sont associées.
La salariée est protégée qu’elle use ou non de son droit de prendre son congé maternité en tout ou partie.
Si la Cour de cassation a pu considérer pendant un temps que cette interdiction ne concernait que la notification du licenciement et non sa préparation (Cass. soc., 29 mai 1990 n° 88-45.500 ; Cass. soc., 15 décembre 1993 n° 91-43.899), elle a finalement opéré un revirement de jurisprudence en 2010 (Cass. soc., 15 septembre 2010 n° 08-43.299) et considère désormais que l’interdiction concerne aussi bien le licenciement que la préparation de celui-ci, c’est-à -dire notamment l’envoi de la convocation à l’entretien préalable et la tenue de ce dernier.
Ce changement de cap s’est dessiné sous l’égide de la Cour de justice de l’Union européenne qui a considéré, pour sa part, en 2007 (CJCE 11 octobre 2007. Aff. C-460/06) que l’article 10 de la Directive n° 92/85 du 19 octobre 1992 devait être interprété en ce sens qu’il fait obstacle non seulement aux licenciements pendant la période de protection, mais également aux mesures préparatoires à ces licenciements.
La protection dite relative s’applique quant à elle pendant la grossesse et les 10 semaines qui suivent la fin du congé maternité (ou la fin des congés payés pris immédiatement après celui-ci).
Pendant cette période, la salariée peut être licenciée mais uniquement pour faute grave non liée à l’état de grossesse ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la grossesse ou à l’accouchement.
Il convient de préciser que l’employeur peut recourir à des actes préparatoires au licenciement pendant cette période de protection relative. Il pourra même notifier le licenciement pendant cette période s’il repose sur une faute grave non liée à la grossesse ou une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou l’accouchement, ou après l’expiration de celle-ci s’il repose sur un autre motif.
Les délais de prescription applicables en matière disciplinaire ne sont pas suspendus, de sorte que l’employeur doit engager la procédure de licenciement dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance des faits fautifs, et notifier le licenciement dans le mois qui suit l’entretien préalable, que le salarié s’y soit présenté ou non.
Le cas particulier de l’arrêt de travail pour maladie postérieur à un congé maternité
Dans les faits ayant conduit à l’arrêt du 1er décembre 2021 précité, une salariée dont le congé maternité s’achevait le 17 décembre 2016 avait été convoquée le 28 décembre 2016 à un entretien préalable qui s’était tenu le 12 janvier 2017, puis avait été licenciée pour faute grave le 20 janvier 2017.
La salariée qui était placée en arrêt maladie après son congé maternité considérait que la suspension du contrat de travail pour ce motif prolongeait la période de protection absolue dont elle disposait, de sorte que l’employeur ne pouvait ni préparer son licenciement pendant cette période, ni a fortiori la licencier, même pour faute grave.
La Cour d’appel avait suivi le raisonnement de la salariée en considérant que l’article L. 1225-4 du Code du travail, interprété à la lumière de l’article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en Å“uvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail « interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. ».
A tort, selon la Cour de cassation qui estimait que l’employeur pouvait rompre le contrat de travail dès lors qu’il justifiait d’une faute grave non liée à l’état de grossesse, ce qu’il appartenait à la Cour de vérifier.
Le raisonnement de la Cour d’appel consistant à justifier sa décision en se référant à l’article 10 de la Directive précitée semble difficilement compréhensible.
En effet, la Directive en question ne prévoit une protection spécifique que pendant la période allant du début de la grossesse jusqu’au terme du congé maternité. Il était donc curieux de s’y référer pour justifier une protection qui serait applicable après la fin du congé maternité.
Quoi qu’il en soit, l’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité de celui qu’elle avait rendu le 8 juillet 2015 (Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-15.979) et aux termes duquel elle avait considéré qu’un arrêt de travail pour maladie n’avait pas pour effet de reporter le point de départ de la période de protection relative.
Cette solution nous semble conforme à la lettre de la loi dans la mesure où l’article L. 1225-4 du Code du travail est dépourvu de toute ambiguïté rédactionnelle.
Le juge d’appel ne pouvait pas faire bénéficier la salariée de la protection absolue dans la mesure où cette protection ne subsiste qu’en cas de congés payés pris immédiatement après un congé maternité, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque la nouvelle suspension du contrat de travail était due à un arrêt de travail pour maladie.
Il en ressort qu’un arrêt de travail pour maladie prescrit après l’expiration du congé maternité n’a pas pour effet de proroger la période de protection absolue, et ne suspend pas le point de départ de la période de protection relative.
La solution de la Cour de cassation doit être saluée dans la mesure où la protection absolue prévue par le Code du travail vise un objectif bien particulier : éviter qu’une salariée puisse être licenciée pendant un moment important et marquant de sa vie privée, à savoir les premiers mois qui entourent la naissance de son enfant.
Or on le sait, un arrêt de travail pour maladie peut durer des mois, voire parfois des années. Conférer une protection absolue à la salariée des années après la naissance de son enfant, et sur ce fondement, méconnaîtrait l’essence même de cette protection, laquelle ne serait plus rattachée à la naissance d’un enfant, mais au fait que la salariée soit malade.
Une telle situation créerait également aussi une différence de traitement difficilement explicable.
En effet, comment concevoir qu’entre deux salariées souffrant de la même maladie, l’une ne bénéficie d’aucune protection spéciale contre le licenciement alors que l’autre, se verrait octroyer une protection absolue contre le licenciement au seul motif qu’elle serait tombée malade à un moment précis de sa vie, en l’occurrence, après un congé maternité ?
Relevons par ailleurs que lorsque le législateur entend protéger des salariés en tenant compte d’un contexte particulier, il leur accorde une protection qu’il réglemente dans le Code du travail, à l’image de la protection accordée aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
On comprendrait sans doute mal le fait que le juge accorde à une salariée une protection exorbitante du droit commun là où le législateur n’a pas jugé opportun de le faire.
Signalons à toutes fins utiles que la solution serait différente si l’arrêt de travail pour maladie avait mentionné un état pathologique lié à la maternité (Cass. Soc., 8 juillet 2015, n° 14-15.979). La Cour de cassation semble considérer qu’en présence d’une telle mention, le point de départ de la période de protection relative serait reporté.
Signalons également qu’aux termes de l’article L. 1225-21 du Code du travail lorsqu’un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l’accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de 4 semaines après la date de celui-ci.
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