L’usage par un salarié, pour les besoins de son activité, d’un logiciel sans licence ne peut justifier son licenciement disciplinaire si l’employeur avait connaissance de cette utilisation
                                  23 novembre 2015
La responsabilité civile et pénale d’un employeur peut être engagée lorsque ses salariés, pour les besoins de leur activité, font usage de logiciels en dehors de toute licence d’exploitation.
Afin de se prémunir contre tout risque à cet égard, certains employeurs décident parfois de mener un audit des postes informatiques pour vérifier que les logiciels utilisés sont bien exploités conformément à la réglementation.
Lorsqu’une fraude est constatée, l’employeur est-il fondé à licencier le salarié ?
C’est à cette question que répond la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 juin 2015 arrêt du 16 juin 2015 (n°13-26.913).
Dans cette affaire, une société utilisatrice de logiciels demande à un prestataire spécialisé de réaliser un inventaire de son parc informatique et des logiciels contenus afin de vérifier les conditions de leur exploitation.
Le personnel est avisé, via une note d’information ayant pour objet le piratage informatique, de ce que l’entreprise entend mettre en œuvre une politique de contrôle et de gestion des logiciels. L’enquête ayant révélé que le logiciel « Adobe CS3 » avait été téléchargé sur le poste d’un salarié exerçant les fonctions d’opérateur PAO (« publication assistée par ordinateur ») et utilisé par ses soins sans licence valable, le salarié concerné se voit notifier son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes, faisant notamment valoir qu’il ne peut être tenu pour responsable du téléchargement du logiciel dans la mesure où il se trouvait à l’étranger à cette date.
Dans un arrêt du 13 mai 2012, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, après avoir admis que l’installation du logiciel ne pouvait être imputée à l’intéressé, faute de preuve, avait néanmoins relevé que :
- le logiciel avait été modifié le 3 mars 2009, date à laquelle le salarié était bien à son poste ;
 - et que l’ensemble des derniers documents avait été créé par le salarié en utilisant le logiciel sans licence.
 
Forts de ces constats, les juges du fond, considérant que la modification et l’utilisation sans licence d’un logiciel constituaient un comportement fautif, en avaient déduit que le licenciement reposait, si ce n’est sur une faute grave, du moins sur une cause réelle et sérieuse.
Toutefois, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond aux motifs que ceux-ci n’ont pas répondu aux arguments du salarié qui soutenait que « l’utilisation du logiciel litigieux s’était faite au vu et au su de l’employeur et même à sa demande« .
Une telle circonstance est donc de nature, pour la Haute juridiction, à invalider le licenciement. De ce fait, la Cour renvoie l’affaire devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée, afin qu’elle se prononce sur la réalité de la connaissance et de l’intervention de l’employeur concernant ce logiciel.
Auteur
Florence Habrial, avocat en droit du travail et droit de la protection sociale
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