Prise en charge des frais de transport : la résidence habituelle peut-elle s’entendre de la résidence de fin de semaine ?
26 juillet 2016
Dans un arrêt du 22 juin 2016, la Cour de cassation a précisé ce qu’il convient d’entendre par résidence habituelle du salarié.
Conformément aux dispositions de l’article L. 3161-2 du Code du travail, l’employeur doit prendre en charge au moins 50% du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail.
Pour bénéficier de ce dispositif, les salariés doivent remplir les conditions suivantes :
- utiliser des transports en commun ou les services publics de location de vélo pour aller de leur résidence habituelle à leur lieu de travail ;
- acheter, pour payer ces transports en commun ou services publics, des titres d’abonnement, les simples billets n’ouvrant pas droit à la prise en charge.
L’employeur peut refuser cette prise en charge lorsque le bénéficiaire perçoit déjà, pour ses déplacements domicile-lieu de travail, des indemnités d’un montant au moins égal à la prise en charge légale ou lorsque le salarié n’engage pas de frais pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, notamment lorsque l’employeur organise lui-même le transport de ses salariés (Circ. DSS 28 janvier 2009).
Une «résidence habituelle» qui peut être éloignée du lieu de travail…
Si, dans la très grande majorité des cas, la notion de résidence habituelle ne soulève pas de difficulté, sa détermination peut toutefois se révéler délicate lorsque le salarié exerce son activité dans un lieu très éloigné de sa résidence familiale.
A cet égard, la Cour de cassation avait déjà jugé, dans un arrêt du 12 décembre 2012, que le choix du salarié de vivre loin de son lieu de travail ne pouvait justifier un quelconque refus, de la part de l’employeur, de prendre en charge une partie de ses frais de transport.
Toutefois, dans cette affaire, il semble que la résidence du salarié, située à Chartres alors que son lieu de travail était localisé à Paris, correspondait au domicile du salarié, dans lequel il se rendait chaque fin de journée.
… mais dans laquelle le salarié doit habiter quotidiennement
La situation soumise à la Cour de cassation dans l’arrêt du 22 juin 2016 était différente.
En effet, dans cette affaire, un salarié travaillant à Limoges et y disposant d’un logement pour la semaine, sollicite, de la part de son employeur, la prise en charge de l’abonnement ferroviaire souscrit pour rejoindre sa famille à Villeneuve d’Ascq pendant les week-ends et les congés.
Face au refus de son employeur, le salarié porte l’affaire en justice et fait notamment valoir, au soutien de sa demande, que la résidence habituelle du salarié doit s’entendre «du lieu où il a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, son domicile et où se trouve le centre permanent ou habituel de ses intérêts».
Il considère pour sa part que sa résidence familiale située à Villeneuve d’Ascq doit être considérée comme telle dès lors :
- que son épouse et leurs enfants vivent dans cette maison et qu’il y retourne chaque fin de semaine et pour les périodes de congés ;
- qu’il a, à plusieurs reprises, demandé sa mutation, ce dont il convenait d’après lui de déduire que c’était bien à Villeneuve d’Ascq que se situait le centre permanent de ses intérêts.
Saisie de l’affaire, la Cour de cassation n’a pas fixé de règle pour définir le lieu de résidence habituelle mais a considéré que cette question relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Or, ceux-ci avaient débouté le salarié de sa demande aux motifs :
- que l’esprit du texte est de prendre en charge une partie des frais de transport que les salariés devaient engager au quotidien pour leurs trajets domicile – travail : «l’article L. 3261-2 du Code du travail manifeste l’extension à la France entière du dispositif de remboursement de frais de transport en commun déjà en place en région parisienne, applicable à tous ceux dont le mode de vie les conduit à effectuer des trajets quotidiens matin et soir ; le fait même que soit prévue la prise en charge des abonnements de location de vélos alimente l’idée que le but du texte était de diminuer pour les salariés les frais de trajet sur la base de circuits entre leur lieu de travail et la résidence habituelle où ils dorment chaque nuit» ;
- qu’au cas particulier, le salarié disposait d’un logement à Limoges (pour lequel il bénéficiait déjà d’une prise en charge de ses frais de transport) et «du minimum d’affaires lui permettant d’y passer au final plus de temps qu’à Villeneuve d’Ascq».
La Cour d’appel en déduit que la résidence habituelle du salarié doit être considérée comme établie à Limoges.
Il semble donc résulter de cet arrêt que, pour ce qui concerne la prise en charge des frais de transport, la résidence habituelle du salarié, si elle peut être certes éloignée de son lieu de travail, doit toutefois correspondre au lieu dans lequel le salarié séjourne pendant la semaine, peu important qu’il ne corresponde pas à celui dans lequel se trouve le «centre de ses intérêts».
Il convient toutefois de garder à l’esprit que la détermination de la résidence habituelle du salarié relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et qu’en l’absence de critères posés par la Cour de cassation pour définir cette notion, il conviendra d’examiner avec attention les décisions rendues en la matière par les autres cour d’appel afin de s’assurer qu’elles retiennent la même analyse.
Auteur
Florence Habrial, avocat en droit du travail et droit de la protection sociale
Prise en charge des frais de transport : la résidence habituelle peut-elle s’entendre de la résidence de fin de semaine ? – Article paru dans Les Echos Business le 25 juillet 2016
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