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Méthodologie pour la note d’information du CE en vue de sa consultation

Si la loi de sécurisation de l’emploi a encadré les délais de consultation du comité d’entreprise, le bon achèvement de cette procédure demeure dépendant de l’information remise aux représentants du personnel.

L’information transmise demeure une condition essentielle à la régularité d’une consultation

Pour approuver une cour d’appel d’avoir suspendu un projet de réorganisation en raison d’une insuffisante information des représentants du personnel, la Cour de cassation a récemment jugé que « les informations données par l’employeur au CHSCT étaient sommaires et ne comportaient pas d’indications relatives aux conséquences de la réorganisation du service sur les conditions de travail des salariés, de sorte que le comité ne pouvait donner un avis utile » (Cass. soc. 25 septembre 2013, n°12-21747). Rendu à propos du CHSCT, le principe ainsi posé conserve toute sa pertinence à propos du comité d’entreprise.

Concernant cette dernière instance, la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin a encadré les délais de consultation du comité d’entreprise afin de permettre une meilleure sécurisation de ces procédures pour les employeurs. Pour autant cette sécurisation est conditionnée par la délivrance par l’employeur d’une information complète et précise relativement au projet en cause. Deux garanties sont à cet égard apportées par les textes pour assurer l’effectivité de cette obligation :

  • le « délai préfix » de consultation institué pour certaines matières « court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation » (articles L. 2323-3 et R. 2323-1 du code du travail). Des élus recevant une information trop laconique pourraient donc être fondés à solliciter le report de ce point de départ jusqu’à ce qu’ils aient bénéficié d’ « informations précises et écrites ».
  • le comité d’entreprise dispose en outre de la faculté de saisir le Président du Tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin qu’il ordonne sous huit jours la communication par l’employeur des informations manquantes. Ce dernier est en effet compétent pour apprécier l’utilité et la loyauté des informations fournies au comité au regard de la nature et des implications du projet en cause et, le cas échéant, pour décider de la prolongation de la consultation (article L. 2323-4 du code du travail).

Le juge pénal peut également avoir à connaître de cette question eu égard à la double sanction qu’encourt l’employeur en cas de délivrance d’une information insuffisante aux membres du comité d’entreprise : outre la suspension du projet et la remise d’information le cas échéant par voie d’astreinte, l’information incomplète peut être sanctionnée pénalement au titre du délit d’entrave.

Le principe : une information « précise et écrite »

L’article L. 2323-4 du code du travail se limite à faire à état d’« informations précises et écrites transmises par le chef d’entreprise ». L’administration considère pour sa part qu’en dehors des cas de licenciement et du plan de formation (pour lesquels les textes prévoient expressément la liste des documents ou informations à fournir au comité), l’employeur n’est pas tenu de remettre à celui-ci tous les documents se rapportant à la consultation, tels que des projets de contrat par exemple, mais il doit lui fournir une note contenant des informations suffisamment précises pour lui permettre de se prononcer (Circ. DRT n°12 du 30 novembre 1984).

De manière générale, l’information communiquée au comité d’entreprise doit permettre à celui-ci de connaître les raisons qui ont présidé à l’élaboration du projet de l’entreprise, la teneur de celui-ci ainsi que les conséquences attachées à sa mise en Å“uvre.

La méthode en trois points : le « pourquoi », le « comment » et les « conséquences sociales »

Afin de satisfaire à cette obligation d’information du comité d’entreprise, une méthode peut consister à établir sa note d’information en trois points distincts. Cette méthode peut être retenue quel que soit l’objet de la consultation en cause (cession d’une filiale, réorganisation d’un service, déménagement de l’entreprise, installation d’un nouvel outil de travail, etc.).

1. Motivations du projet (le « pourquoi »)

a) Présentation et historique : exposé des données de base du projet, son contexte, l’historique, les activités en cause, les chiffres clefs, les dates importantes, etc.

b) Les nécessités d’une évolution : pourquoi la situation ne peut être maintenue en l’état, exposé des contraintes techniques, économiques, concurrentielles, financières ou autres qui commandent de faire évoluer la situation, présentation de la situation de marc, etc.

c) Schémas envisagés et scenario retenu : exposer les différentes solutions qui ont été envisagées avant de finalement retenir le présent projet, pourquoi les éventuelles solutions alternatives ont été écartées, puis exposer dans les grandes lignes le principe du projet finalement retenu en soulignant sa pertinence par rapport aux autres qui ont été étudiés.

2. Modalités du projet (le « comment »)

a) Modalités juridiques : présentation des éventuelles opérations juridiques nécessaires à la mise en Å“uvre du projet, conclusion et résiliation de contrats, lancement d’appel d’offres, convocation et réunions d’organes sociaux de l’entreprise, etc.

b) Modalités financières : coût de l’opération, impact financier à terme, économies attendues, nature des investissements et le mode de financement, etc.)

c) Modalités organisationnelles : évolutions de l’activité, changements d’organigrammes, ouverture de nouvelles agences, localisation des sites, plan de développement commercial, gestion de la période transitoire, etc… Il convient sur ce point d’envisager l’ensemble des aspects opérationnels liés au projet en cause.

d) Calendrier prévisionnel : présentation des différentes étapes jusqu’à la mise en Å“uvre définitive du projet, le cas échéant sur plusieurs années.

3. Conséquences sociales

a) Impact sur l’emploi : création ou suppression de postes, mobilités fonctionnelles ou géographiques, etc.

b) Impact sur les conditions de travail : changements d’activités, déménagement de l’entreprise, maîtrise de nouveaux outils, etc.

c) Impact sur le statut du personnel : contrats de travail, usages, décisions unilatérales, participation et intéressement, durée du travail, protection sociale, représentation du personnel, etc.

d) Mesures d’accompagnement : formations, entretiens avec les salariés, dispositifs incitatifs, cellule d’écoute, commission de suivi, etc.

L’ensemble de ces points est bien évidemment à adapter en fonction de la nature du projet en cause : un fort déséquilibre pourra ainsi apparaitre entre les différentes parties selon qu’il s’agit, par exemple, d’une réorganisation purement juridique n’ayant aucune incidence sur l’emploi ou, à l’opposé, de l’arrêt d’une activité.

En tout état de cause ces informations devront être délivrées en parfaite cohérence avec celles figurant dans la base de données unique. Le contenu de cette dernière, qui sera progressivement mise en place dans les entreprises selon leur effectif, a été précisé par le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013.

 

A propos des auteurs

Pierre Bonneau, avocat associé. Il intervient en conseil et contentieux en droit du travail, droit pénal du travail et droit de la protection sociale. Il détient une forte expérience notamment dans le domaine de la représentation du personnel et dans la gestion des relations sociales : assistance quotidienne de nombreuses entreprises et organismes dans ce domaine, gestion de contentieux divers (délit d’entrave, discrimination…), mise en place d’accords, formations régulières (actualité sociale, négociation collective…). Son activité consiste plus généralement à conseiller au quotidien les entreprises sur les aspects juridiques des relations individuelles et collectives de travail ainsi qu’en matière de protection sociale.

Ghislain Dintzner, avocat. Il intervient en assistance au quotidien de clients au sein du cabinet dans le domaine des relations collectives et individuelles du travail.

 

Article paru dans Les Echos Business du 5 février 2014