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Mise en place du groupe spécial de négociation dans le cadre de la création d’une société européenne : étapes et marche à suivre

Mise en place du groupe spécial de négociation dans le cadre de la création d’une société européenne : étapes et marche à suivre

Lorsque la création d’une société européenne ou la transformation d’une société en société européenne est envisagée, un groupe spécial de négociation («GSN») doit être mis en place.

 

Ses membres ont pour mission de négocier, avec les dirigeants des sociétés participant à la création de la société européenne, un accord sur les modalités d’information, de consultation et le cas échéant de participation des salariés au sein de la future société européenne.

 

Faute d’accord, l’immatriculation de la société européenne ne peut intervenir que si l’engagement est pris d’appliquer la réglementation nationale supplétive en vigueur en France, à savoir les dispositions sur le comité de la société européenne et la participation des salariés en l’absence d’accord.

 

L’enjeu est donc de taille, et il invite nécessairement à apprécier les obligations et contraintes opérationnelles liées à la mise en place du GSN.

 

La mise en place du GSN, suivant le nombre de pays de l’Union européenne impliqués, peut s’avérer concrètement compliquée pour les non-initiés.

 

D’une part, les membres du GSN doivent être élus ou désignés dans chaque Etat membre concerné par la mise en place de la société européenne, selon les règles nationales applicables, lesquelles peuvent être relativement variées, et répondre à des impératifs de calendrier différents.

 

D’autre part, les règles nationales applicables, issues de la transposition de la Directive 2001/86/CE du 8 octobre 2001(1), fixées en France aux articles L.2352-1 et suivants du Code du travail, s’avèrent parfois muettes sur de nombreuses questions pratiques.

 

Quelques points d’attention avant la mise en place du GSN

 

1 – S’interroger sur les pays impliqués et le nombre de membres au GSN devant être désignés ou élus par pays

 

Il est rappelé que les sièges au sein du GSN sont répartis entre les Etats membres dans lesquels les sociétés participantes, leurs filiales et établissements disposant de salariés sont implantés, en proportion du nombre de salariés employés dans chacun de ces Etats, par rapport aux effectifs des sociétés participantes et des filiales ou établissements concernés dans l’ensemble de ces Etats.

 

Exemple, conformément en France aux prévisions règlementaires applicables (article R.2352-5 du Code du travail) :

 

    • Jusqu’à 10 % de l’effectif total : 1 siège,
    • Plus de 10 % à 20 % de l’effectif total : 2 sièges,
    • Plus de 20 % à 30 % de l’effectif total : 3 sièges, etc.

 

S’interroger sur les pays impliqués et les effectifs salariés dans chacun de ces pays constitue donc l’une des premières étapes du processus de mise en place du GSN.

 

Cela permettra par ailleurs de nourrir en partie les informations/indications que l’employeur devra fournir aux organisations syndicales, ou à défaut aux salariés, avant le lancement du processus électoral ou de désignation des membres du GSN (Cf. 3 ci-après).

 

2 – Le choix des membres du GSN représentant la France : élection ou désignation ?

 

Les membres du GSN représentant la France seront :

 

    • désignés par les organisations syndicales parmi leurs élus, lorsqu’elles existent,
    • élus par les salariés conformément aux règles applicables à la mise en place du CSE en l’absence d’organisations syndicales.

 

La procédure applicable – désignation ou élection – dépend donc de la présence ou non de représentants syndicaux dans les entités concernées situées en France.

 

A cet égard, les textes précisent que les membres du GSN sont désignés par les organisations syndicales «parmi leurs élus aux comités sociaux et économiques ou leurs représentants syndicaux, sur la base des résultats des dernières élections» (Art. L.2352-5 alinéa 1 du Code du travail).

 

Il convient donc de vérifier si les organisations syndicales :

 

    • ont obtenu des élus sur une liste syndicale lors des précédentes élections du CSE (et ce quand bien même, à notre sens, les élus en question se seraient ensuite désaffiliés du syndicat, la vérification se faisant, selon les textes, seulement en fonction des résultats des précédentes élections) ;
    • disposent de représentants syndicaux, tels que des délégués syndicaux.

 

L’appréciation se fait au sein de chaque entreprise située en France.

 

A supposer que seules certaines entités (sociétés, filiales ou établissements d’une société étrangère en France) aient un représentant ou un élu – syndical donc -, les membres du GSN seront alors, soit désignés par les organisations syndicales, soit élus par les salariés.

 

Pour déterminer le nombre de membres à élire et le nombre de membres à désigner, il convient de faire application du système de la représentation proportionnelle au plus fort reste.

 

Quelles particularités en cas de désignation ?

 

Il conviendra d’abord de déterminer le nombre de sièges revenant à chaque collège électoral, en tenant compte des effectifs de toutes les entités concernées en France.

 

Puis, si plusieurs organisations syndicales disposent d’élus ou de représentants, il conviendra de répartir les sièges au GSN pour la France entre les organisations syndicales, par application d’un quotient égal à ce nombre d’élus, divisé par le nombre de sièges à pourvoir, au plus fort reste.

 

Les organisations syndicales devront faire part à l’employeur des désignations par lettre recommandée avec accusé de réception. Aucun délai n’étant prévu par les textes pour ce faire, il est souhaitable de demander aux organisations syndicales de procéder à une désignation dans un délai déterminé.

 

Quelles particularités en cas d’élection ?

 

Les élections doivent être organisées sur le modèle des élections des élus du CSE. Il conviendra donc :

 

    • d’inviter les organisations syndicales concernées à venir négocier un protocole d’accord préélectoral et à présenter des candidats, et d’informer le personnel de l’organisation d’élections,
    • de répartir le personnel par collèges,
    • de déterminer le nombre de sièges revenant à chaque collège.

 

Le Code du travail prévoit expressément que les listes de candidats – présentées par les organisations syndicales – doivent être complètes et donc comporter autant de noms que de sièges à pourvoir pour la France.

 

Ces élections seront communes à toutes les entités situées en France. Si le vote peut se dérouler séparément dans les locaux de chaque entité, il peut être en pratique plus simple de mettre en place le vote électronique ou le vote par correspondance.

 

La désignation ou l’élection peut-elle faire l’objet d’une contestation ?

 

Les contestations relatives à la désignation des membres du GSN pour la France sont portées devant le tribunal judiciaire (2) :

 

    • dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la désignation à l’employeur ;
    • par les salariés, dans un délai de quinze jours, «à compter de la date à laquelle la désignation à l’employeur ou l’élection est portée à leur connaissance».

 

A défaut de contestation de la désignation des membres du GSN dans ces délais, chaque membre peut être considéré comme valablement désigné pour la tenue des négociations, et la conclusion de l’accord sur la participation des salariés au sein de la société européenne (3).

 

3 – Quelles sont les informations préalables à remettre avant la mise en place du GSN ?

 

Les dirigeants des sociétés participantes doivent communiquer :

 

    • aux organisations syndicales de leur société, de leurs filiales et établissements disposant de représentants syndicaux ou d’élus au sens de l’article L.2352-3 alinéa 1 du Code du travail, c’est-à-dire aux mêmes organisations syndicales que celles devant élire ou désigner les membres du GSN en France,
    • ou, à défaut, aux salariés directement,

 

Les informations suivantes, dans un délai d’un mois suivant la publication du projet de constitution de la société européenne :

 

    • l’identité des sociétés, filiales et établissements (via notamment un organigramme mentionnant la dénomination de chaque entité par exemple) ;
    • le lieu de leur implantation ;
    • leur statut juridique (forme sociale) ;
    • la nature de leurs activités (il doit s’agir de l’activité réelle de l’entreprise).

 

Ainsi que les indications suivantes sur :

 

    • le nombre de leurs salariés à la date de la publication du projet de fusion (collège par collège) ;
    • les formes de participation des salariés (au sein de l’organe de surveillance ou d’administration) applicables dans chaque pays ;
    • le nombre de sièges au groupe spécial de négociation revenant à chaque pays.

 

4 – Quels sont les droits et obligations des membres du GSN ?

 

Les membres du GSN élus ou désignés dans chaque pays seront convoqués pour participer à des réunions de travail (pour une période de six mois, renouvelable une fois) avec les dirigeants des sociétés participant à la création de la société européenne.

 

Ces réunions ont pour objectif de permettre la négociation et, le cas échéant, la signature d’un accord sur la participation des salariés, celle-ci pouvant prendre la forme d’un comité de la société européenne.

 

Les textes ne prévoient pas que les dirigeants prennent part aux votes, mais ils participent nécessairement aux négociations de l’accord signé par les membres du GSN d’une part, et les dirigeants des sociétés concernées d’autre part.

 

Il est rappelé notamment que les membres du GSN ne disposent pas d’heures de délégation, mais que leur temps passé en réunion est considéré comme du temps de travail effectif, et qu’ils peuvent choisir de recourir à un expert pour les assister.

 

Une fois l’accord signé ou la période de négociation écoulée, le mandat des membres du GSN prend fin.

 

Si un comité de la société européenne est mis en place – qu’il s’agisse d’un comité conventionnel, ou, à défaut d’accord, d’un comité légal par application des dispositions du Code du travail sur le comité de la société européenne -, les membres de ce comité seront élus ou désignés selon les mêmes modalités que celles prévues pour la désignation ou l’élection des membres du GSN.

 

Les membres du GSN ne sont donc pas automatiquement les futurs membres du comité de la société européenne.

 

Il est cependant recommandé, pour s’éviter un nouveau processus électoral long et relativement lourd à organiser dans l’ensemble des pays de l’Union européenne concernés, de prévoir dans l’accord mettant en place le comité de la société européenne, que les membres du GSN deviendront les premiers représentants des salariés au comité.

 

On le voit, la mise en place du GSN, et, le cas échéant, celle du comité de la société européenne doivent être anticipés pour ne pas retarder le processus nécessairement long de création ou de transformation d’une société en société européenne.

 

Corinne Baron-Charbonnier, Avocat Counsel et Camille Laforest, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocat

 

(1) Directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs.

(2) Article R.2352-18 et suivants du Code du travail.

(3) Un parallèle pourrait être fait avec le CSE, à propos duquel la Cour de cassation juge qu’en l’absence de saisine du tribunal judiciaire dans les 15 jours suivant les élections professionnelles, celles-ci sont purgées de tout vice (Cass. soc., 4 juillet 2018, nº 17-21.100).

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