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Organisation matricielle : attention à la responsabilité pénale de la société-mère

Organisation matricielle : attention à la responsabilité pénale de la société-mère

Depuis quelques années, certains groupes de sociétés, souvent internationaux, ont mis en place des organisations dites matricielles.

 

Ces organisations, dénuées de personnalité juridique, font fi des structures juridiques existantes, en dépit du principe d’autonomie des personnes morales, en leur superposant une organisation transversale, dans laquelle des liens hiérarchiques sont créés entre des salariés appartenant à des personnes morales certes affiliées mais juridiquement indépendantes.

Il existe alors au sein de l’entreprise une sorte de double hiérarchie : celle résultant des structures juridiques stricto sensu (hiérarchie interne standard) et celle résultant de l’organisation matri­cielle transverse (les fameuses « matrix organisation », « dotted lines » ou encore « Area », « Business Unit » ou encore « Business Group » composées de salariés appartenant à des entités juridiques différentes, le plus souvent implantées dans différents pays), dite hiérarchie groupe. 

 

Une organisation optimisée…

 

L’objectif de ces organisations – motivées par des soucis louables et compréhensibles de recherche d’efficacité – consiste essentiellement à conférer à certains acteurs clefs du groupe (appelés « matrix managers ») – mandataires sociaux ou salariés – (RH ou CFO par exemple) d’une part un droit à l’information auprès de certains salariés des sociétés affiliées qui sont pour leur part tenus à une obligation de reporting périodique et d’autre part le pouvoir de donner des instructions à certains de ces salariés dans des domaines spécifiques (e.g. RH, finance-comptabilité etc.).

Au-delà des questions de droit du travail (e.g. co-emploi) et de droit des sociétés (e.g. direction de fait) que ces organisations peuvent susciter, se pose tout spécifiquement celle de la responsabilité pénale.

En effet, aux termes de l’article 121-2 alinéa 1 du Code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs « organes ou représentants ».

Dans les organisations traditionnelles, la notion d’organes ou de représentants conduit naturellement à se tourner vers les organes sociaux et représentants légaux de la personne morale. Mais qu’en est-il dans une organisation matricielle ?

 

… Mais non dénuée de risque

Dans un arrêt du 16 juin 2021 n° 20-83.098, la Chambre criminelle a pris le parti de tirer pleinement les conséquences d’une organisation matricielle, en jugeant que la société-mère d’un groupe était pénalement responsable d’un délit commis par les salariés d’une filiale (en l’occurrence des faits de corruption).

Les juges ont en effet considéré que l’organisation matricielle mise en place par le groupe et les missions transverses qui lui avaient été confiées avaient fait de ces salariés des « représentants de fait » de la société-mère au sens de l’article L.121-2 du Code pénal et ce même en l’absence de tout lien juridique entre cette société mère et ces salariés et de toute délégation de pouvoirs à leur profit.

Dans les groupes internationaux avec le développement des postes de dimension transnationale, pour lesquels tant les frontières géographiques que juridiques sont effacées, il peut être tentant de mettre en œuvre des structures matricielles transverses, permettant à des salariés d’entités juridiques différentes et de pays différents de travailler ensemble comme s’ils appartenaient tous à une seule et même entreprise.

Mais au-delà de ce schéma d’organisation du travail, il est indispensable de bien mesurer toutes les conséquences juridiques qu’une telle approche organisationnelle peut avoir et le cas échéant de prendre des mesures adéquates telles que la mise en place de délégations de pouvoir exonératoires de responsabilité (si les conditions sont réunies).

Or, ces conséquences sont très souvent méconnues ou sous-estimées. En ce sens, l’arrêt de la Chambre Criminelle constitue un sérieux rappel.

 

Article publié dans la Lettre des fusions-acquisitions et du private equity du 11 octobre 2021

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