Prévoyance retraite : une mise en conformité s’impose d’ici fin 2013
5 juin 2013
Un décret du 9 janvier 2012 a modifié les règles d’exonérations sociales concernant les régimes de retraite et de prévoyance. Les entreprises doivent s’y conformer au plus tard au 31 décembre 2013.
Depuis la loi Fillon du 21 août 2003 portant réforme des retraites, en application de l’article L. 242-1, 6° alinéa du code de la sécurité sociale, sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, dans les limites d’un plafond, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à condition notamment que les garanties revêtent un caractère collectif et obligatoire.
Afin de remédier à l’absence de définition légale et/ou jurisprudentielle de la notion de régime « collectif », le législateur a renvoyé, depuis fin 2010, au pouvoir réglementaire la charge de préciser ce terme, par décret en conseil d’Etat. Ce décret, pris le 9 janvier 2012, limite plus strictement que par le passé les catégories de bénéficiaires, et la période transitoire prévue pour s’y conformer expire à la fin de l’année 2013 (1).
Cinq critères limitatifs
Les catégories de salariés bénéficiaires ne peuvent désormais être définies que sur la base de 5 critères, cette liste étant limitative :
- l’appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres « résultant de l’utilisation des définitions issues des dispositions des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l’article 36 de l’annexe I de cette convention » ;
- les tranches de rémunérations fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite AGIRC ARRCO ;
- l’appartenance aux catégories et classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels ;
- le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d’autonomie dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords professionnels ou interprofessionnels ;
- l’appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession.
Le texte admet que le régime puisse comporter une condition d’ancienneté d’au maximum douze mois pour l’accès au régime, mais uniquement pour certaines prestations (retraite supplémentaire, incapacité de travail, invalidité, inaptitude, décès). Pour les autres prestations, notamment les remboursements de frais de santé, seule une ancienneté d’au maximum six mois pourra être requise, ce qui est une nouveauté par rapport à la doctrine antérieure de la Direction de la sécurité sociale.
2 ou 3 critères, en pratique
En pratique, l’ensemble de ces critères ne seront pas le plus souvent utilisables. En fonction des risques couverts (retraite, prévoyance ou santé), le décret privilégie en effet certains de ces critères, qui sont présumés « collectifs ». Si l’employeur veut retenir d’autres critères, tout en conservant le bénéfice des exonérations, il devra non seulement dans tous les cas choisir parmi les 5 critères précités mais également justifier que cette catégorie permet « de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées », c’est-à -dire que l’activité professionnelle des salariés appartenant à la catégorie concernée justifie que ceux-ci aient un régime spécifique (en matière de retraite, santé ou prévoyance).
Cette démonstration sera souvent bien délicate à effectuer…Il est vrai que la récente jurisprudence sur l’égalité de traitement en matière de protection sociale complémentaire pourrait venir au soutien de cette démonstration, puisqu’elle a affirmé que dans ce domaine, des différences pouvaient être prévues selon les catégories professionnelles, sans que cette distinction doive être autrement justifiée. Néanmoins, l’autonomie du droit de la sécurité sociale par rapport au droit du travail ne permet pas de transposer de manière automatique cette solution dans le cadre précité. Il convient d’attendre de voir si les tribunaux des affaires de la sécurité sociale et ou la direction de la sécurité sociale en tirent des conséquences sur le plan des exonérations de cotisations de sécurité sociale.
Modifications sur les dispenses d’adhésion obligatoire au régime
Le législateur est venu également réglementer les dispenses d’adhésion. A cet égard, on relèvera notamment que lorsque le régime est mis en place par une décision unilatérale de l’employeur, il n’est plus possible de prévoir des dispenses pour les salariés sous contrat à durée déterminée et les apprentis. Ces dispenses sont en revanche possibles par accord collectif ou accord référendaire.
En revanche, des assouplissements sont prévus pour certaines dispenses qui peuvent être appliquées quelle que soit la date d’embauche (notamment pour le salarié couvert par ailleurs à titre obligatoire, y compris en tant qu’ayant droit).
Conséquences importantes pour de nombreuses entreprises
Même si ce texte n’aura pas de conséquences pour les entreprises qui y satisfont déjà , d’autres, plus nombreuses, devront modifier leur régimes de remboursement de prévoyance/frais de santé de retraite supplémentaire. On relèvera notamment que la catégorie des cadres dirigeants ne peut plus être retenue, de sorte que de nouvelles solutions doivent donc être recherchées pour les régimes de cadres supérieurs.
Les régimes frais de santé sont ceux pour lesquels les changements sont peut-être les plus importants. En effet, non seulement la condition d’ancienneté éventuelle sera désormais limitée à six mois (au lieu de 12 mois antérieurement, mais pour bénéficier de la présomption de caractère collectif, les bénéficiaires ne pourront être définis que par rapport aux catégories définies par la convention AGIRC, ou les tranches retenues pour le calcul des cotisations AGIRC/ARRCO (critères 1 et 2). En outre, dans tous les cas l’ensemble du personnel devra être couvert.
(1) Seuls les régimes déjà existants avant le 12 janvier 2012 et qui répondaient aux conditions antérieures d’exonérations disposent d’une période transitoire courant jusqu’au 31 décembre 2013 pour se mettre en conformité.
A propos de l’auteur
Florence Duprat-Cerri, avocat. Elle intervient en matière d’assistance rapprochée d’entreprises dans la gestion quotidienne des problématiques de protection sociale, la défense devant les juridictions de sociétés clientes en matière de contentieux relatif à la retraite ou la prévoyance et de redressement de cotisations de sécurité sociale, la formations en matière de protection sociale complémentaire et l’épargne salariale.
Article paru dans Les Echos Business du 5 juin 2013
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