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Répartition des compétences entre le CSE central et les CSE d’établissement : l’éclairage de la Cour de cassation

Répartition des compétences entre le CSE central et les CSE d’établissement : l’éclairage de la Cour de cassation

Par plusieurs arrêts rendus au cours du premier semestre 2022 (16 février 2022, n°20-20.373 ; 2 mars 2022, n° 20-16.002 ; 9 mars 2022, n° 20-19.974, 15 juin 2022, n° 21-13.312), la Cour de cassation a apporté des précisions essentielles sur la difficile question de la répartition des attributions entre le CSE central (CSEC) et les CSE d’établissement (CSEE).

 

Ce faisant, la chambre sociale met un terme à un débat jurisprudentiel important sur l’articulation des rôles et des compétences de ces deux instances.

 

Le point sur cette construction jurisprudentielle qui organise les procédures consultatives et d’expertise au sein des sociétés à structure complexe.

 

Une décision attendue sur l’articulation des compétences consultatives entre CSEC et CSEE et le droit à expertise en matière de consultations récurrentes

En février dernier, dans le cadre du premier arrêt de cette série, la Cour de cassation a jugé que lorsque le CSEE était consulté au titre des mesures d’adaptation spécifiques définies dans le cadre de la politique sociale de l’entreprise, il pouvait valablement avoir recours à un expert dans le cadre de cette consultation.

 

Ainsi, s’agissant de la politique sociale, il se déduit de l’arrêt du 16 février 2022 que le niveau de consultation détermine le niveau auquel l’expertise peut être décidée :

 

    • lorsque le CSEE est consulté sur les mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise, il peut se faire assister par un expert-comptable dans le cadre d’une expertise légale ;
    • lorsque le CSEC est seul consulté sur la politique sociale, l’expertise ne peut être envisagée qu’au niveau central.

 

Relevons que cette solution n’est pas directement transposable à toutes consultations récurrentes (celles portant sur les orientations stratégiques et sur la situation économique et financière de l’entreprise).

 

Selon l’article L. 2312-22 du Code du travail, ces deux consultations sont conduites au niveau de l’entreprise, sauf si l’employeur en décide autrement et sous réserve de la conclusion d’un accord de groupe prévoyant que la consultation sur les orientations stratégiques est effectuée au niveau du comité de groupe.

 

Sous réserve de cette exception, les expertises liées à ces deux autres consultations récurrentes sont donc nécessairement réalisées au niveau du seul CSEC.

 

En mars 2022, la Cour de cassation a admis qu’un accord d’entreprise aménageant les consultations récurrentes entre les CSEC et les CSEE peut valablement réserver lesdites consultations au niveau central et par conséquent, le droit à expertise y afférent, au CSEC (arrêt du 2 mars 2022 rendu sous l’empire des anciennes dispositions du Code du travail et arrêt du 9 mars 2022).

 

Les arrêts rendus des 2 et 9 mars 2022 donnent ainsi une pleine portée à la négociation collective et s’inscrivent dans la suite logique de la jurisprudence s’agissant de l’articulation des compétences consultatives entre CSEC et CSEE en l’étendant au droit à l’expertise.

 

L’absence de rôle subsidiaire du CSEE dans le cadre du droit d’alerte économique

Plus récemment, le 15 juin 2022, la Cour de cassation a tranché la question de l’articulation des compétences entre CSEC et CSEE s’agissant du déclenchement du droit d’alerte économique.

 

Dans ce dernier arrêt, au visa de l’article L. 2312-63 du Code du travail, la chambre sociale casse la décision de première instance et juge qu’un CSEE ne peut pas déclencher un droit d’alerte économique lorsque le CSEC ne l’a pas mis en œuvre.

 

En effet, la Cour de cassation considère que le CSEE n’est pas admis à exercer la procédure d’alerte économique, même si le CSEC ne s’est pas saisi de la situation et que l’existence de faits préoccupants sur la situation économique de l’entreprise seraient susceptibles d’être établis.

 

Une rationalisation des compétences et procédures d’expertise dans les entreprises à structure complexe source de sécurité juridique

En présence de plusieurs niveaux d’instance, l’articulation des niveaux de consultation et d’expertise représente une source d’incertitude : il est difficile d’anticiper clairement les attributions réservées au CSEC de celles exercées par le CSEE ou celles qui doivent être exercées le cas échéant conjointement.

 

La procédure de consultation dépend, d’une part, du niveau d’exercice du pouvoir d’engagement sur le projet (chef d’entreprise ou chef d’établissement) et, d’autre part, des éventuelles spécificités ou nécessités d’adaptations par établissement de l’opération envisagée au niveau de l’entreprise. Ces critères sont décisifs pour déterminer la compétence du CSEC (1) et/ ou celle du ou des CSEE (2).

 

Si le CSEE est susceptible de faire appel à un expert dans les mêmes conditions que le CSEC (article L.2316-21 du Code du travail), cette démarche doit être liée à une procédure de consultation valablement engagée à son niveau ou correspondre à une attribution du CSEE (3).

 

Ces arrêts de la Cour de cassation précisent ainsi l’articulation des compétences entre le CSEC et le CSEE. Chacune de ces instances exerce un rôle précis, ce qui permet de sécuriser les procédures consultatives et d’expertise au sein des sociétés à structure complexe.

 

La chambre sociale confirme également l’absence de rôle subsidiaire des CSEE qui ne peuvent exercer le droit d’alerte ni recourir à l’expertise au lieu et place du CSEC.

 

Rappelons enfin que l’article L. 2312-19 du Code du travail prévoit la possibilité de définir, par accord d’entreprise, le niveau auquel les consultations récurrentes doivent être opérées.

 

Les employeurs peuvent également se saisir de ce sujet en engageant une négociation pour clarifier le rôle et les attributions de chaque niveau d’instance sur les trois thèmes et sécuriser leurs procédures consultatives et les expertises afférentes.

 

(1) Selon les dispositions légales, le CSEC d’entreprise exerce les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement (article L. 2316‐1 du Code du travail).

 

(2) S’agissant des CSEE, ces derniers sont dotés, aux termes des dispositions de l’article L. 2316-20 du Code du travail, des mêmes attributions que le CSE d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement.

 

(3) S’agissant plus particulièrement des consultations récurrentes, qui portent sur les orientations stratégiques, la situation économique et la politique sociale, l’article L. 2312-22 du Code du travail prévoit, pour rappel, que :

    • La consultation sur les orientations stratégiques et celle sur la situation économique et financière de l’entreprise de l’entreprise sont conduites au niveau de l’entreprise, sauf exception ;
    • La consultation relative à la politique sociale de l’entreprise, aux conditions de travail et à l’emploi, en revanche, est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces établissements.
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