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RSE : vers un renforcement du devoir de vigilance

RSE : vers un renforcement du devoir de vigilance

S’inscrivant dans une démarche globale et mondiale de prise en compte des enjeux liés à la RSE et de la nécessité d’établir une gouvernance durable et responsable, la Commission européenne a présenté, le 23 février dernier, une proposition de directive établissant un « devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ».

 

Cette proposition prend une dimension toute particulière à l’heure où la presse a relayé plusieurs cas de mise en cause de grandes entreprises, comme la filiale française de Mc Donald, pour non-respect de son obligation de vigilance notamment à l’égard de certains sous-traitants brésiliens fournisseurs de café, jus d’orange…

 

Cette proposition s’inscrit ainsi dans une volonté des institutions européennes d’encadrer et de renforcer le rôle des entreprises face à ces défis environnementaux et sociétaux par le biais d’une politique européenne ambitieuse et harmonisée.

 

Ce texte était attendu puisqu’il fait suite à la publication, par la Commission Européenne, d’une étude sur le devoir de diligence des sociétés au sein de l’Union Européenne en janvier 2020, d’un rapport sur la gouvernance durable d’entreprise de décembre 2020 et d’une demande du Parlement européen à la Commission.

 

L’objectif de cette proposition de directive, qui emprunte notamment au modèle français mais également à la loi allemande adoptée en 2021, est donc de « favoriser un comportement durable et responsable des entreprises tout au long des chaînes de valeurs mondiales » et de prévenir et lutter contre les atteintes que les entreprises pourraient causer à l’environnement et aux droits de l’homme.

 

En effet si, à l’instar d’autres pays européens, la France a déjà adopté des textes contraignants en la matière et notamment la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, cette proposition de directive va plus loin et ce, à plusieurs égards.

 

Un champ d’application élargi

Le champ d’application de la directive serait beaucoup plus large que celui retenu par la loi française.

 

En effet, en vertu de ce texte, seraient soumises à l’obligation de vigilance :

 

    • Les entreprises de plus de 500 salariés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros (groupe 1, pour lequel le texte devra s’appliquer dans les deux ans suivant la publication de la directive),
    • Etant précisé que ces seuils seraient abaissés pour les entreprises opérant dans certaines filières (habillement, agriculture, sylviculture, matières premières agricoles, de denrées alimentaires ou ressources minérales…) employant plus de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires net de 40 millions d’euros et plus à l’échelle mondiale (groupe 2, pour lequel le texte s’appliquera 4 ans après la publication de la directive).

 

Y seraient également soumises, les entreprises de pays tiers actives dans l’Union Européenne dont le seuil de chiffre d’affaires serait aligné sur les seuils ci-dessus et réalisé dans l’Union Européenne.

 

En outre, ce texte devrait s’appliquer non seulement aux opérations propres aux entreprises mais également à leurs filiales et à leurs chaînes de valeur c’est à dire aux relations commerciales établies de manière directe et indirecte.

 

Selon le texte, la chaîne de valeur devrait ainsi couvrir les activités liées à la production de biens ou à la prestation de services par une entreprise, y compris le développement du produit ou du service, l’utilisation et l’élimination du produit, ainsi que les activités connexes des relations commerciales bien établies de l’entreprise.

 

Elle devrait englober les relations commerciales directes et indirectes :

 

    • établies en amont, qui conçoivent, extraient, fabriquent, transportent, stockent et fournissent des matières premières, des produits ou des pièces de produits, ou qui fournissent à l’entreprise des services nécessaires à l’exercice de ses activités ;
    • mais aussi en aval, notamment les relations commerciales directes et indirectes bien établies, qui utilisent ou reçoivent les produits, pièces de produits ou services de l’entreprise jusqu’à la fin de vie du produit, y compris, entre autres, la distribution du produit aux détaillants, le transport et le stockage du produit, son démantèlement, son recyclage, son compostage ou sa mise en décharge.

 

Par conséquent, même si de prime abord le champ d’application de la directive semble ne concerner que les entreprises d’une certaine taille, in fine sa mise en œuvre concernerait toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dès lors qu’elles envisagent de contracter avec les entreprises directement visées par la directive.

 

Les partenaires, sous-traitants, fournisseurs, prestataires de ces entreprises devront montrer “patte blanche” s’ils veulent pouvoir continuer à travailler avec ces entreprises.

 

Didier Reynders, commissaire à la justice, indique ainsi que « Cette proposition change véritablement la donne en ce qui concerne la manière dont les entreprises exercent leurs activités tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales. Par ces règles, nous voulons défendre les droits de l’homme et être les chefs de file de la transition verte. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur ce qui se passe en aval de nos chaînes de valeur ».

 

De plus, et contrairement à la loi française qui fait référence de manière générique aux « atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », la proposition de directive liste précisément, dans une annexe, les dispositions à respecter.

Celles-ci couvrent un champ particulièrement étendu (droits découlant de la déclaration universelle des droits de l’homme, textes relatifs aux droits de l’enfant, aux espèces protégées, à l’interdiction de certains produits chimiques, à la lutte contre le trafic de déchets…).

 

Notons également que ce texte propose de rendre obligatoires pour les entreprises, les engagements pris par les Etats en matière de lutte contre le changement climatique dans le cadre de l’accord de Paris.

Les entreprises concernées devront ainsi adopter un plan spécifique afin de garantir que le modèle d’entreprise et sa stratégie sont compatibles avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement planétaire à 1.5°C.

 

En France, la mise en œuvre de ces nouvelles obligations impacterait nécessairement le contenu des consultations récurrentes avec le CSE, mais également les négociations en matière de GPEC…elle serait en parfaite résonnance avec les dispositions issues de la Loi Climat et Résilience qui a pour objectif de faire de la transition écologique un objet/thème de dialogue social.

 

Des responsabilités accrues

Ce texte place également une responsabilité particulière sur les administrateurs et dirigeants des entreprises du groupe 1 puisque ceux-ci devront tenir compte des conséquences de leurs décisions sur les questions de durabilité, y compris les droits de l’homme, le changement climatique et l’environnement à court, moyen et long terme.

 

Surtout, il impose aux Etats membres de veiller à ce que la responsabilité des dirigeants puisse être engagée en cas de manquement.

 

Enfin, une place importante est accordée à l’effectivité des mesures puisque le texte prévoit l’instauration d’une autorité nationale et indépendante de contrôle de la mise en œuvre de leurs obligations par les entreprises mais également un large éventail de sanctions que la proposition de directive souhaite effectives, proportionnées, dissuasives et calculées en fonction du chiffre d’affaires des entreprises.

Leur application devra prendre en considération les efforts exercés par les entreprises pour mettre en œuvre les obligations de vigilance.

 

Ce texte sera soumis à l’approbation du Parlement Européen et du Conseil et, une fois adopté, les Etats membres auront 2 ans pour le transposer en droit interne.

 

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