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Validité de l’accord collectif portant PSE : l’administration doit contrôler les critères de représentativité du syndicat signataire

Validité de l’accord collectif portant PSE : l’administration doit contrôler les critères de représentativité du syndicat signataire

Dans un arrêt récent (CE, 6 avril 2022, n°444460), le Conseil d’Etat a apporté une précision nouvelle concernant l’étendue du contrôle de la validité de l’accord portant PSE par la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets).

En effet, le Conseil d’Etat a admis le contrôle de la représentativité du syndicat signataire au regard du critère de la transparence financière par la Dreets.

 

Pour rappel, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 (JO 16 juin 2013) relative à la sécurisation de l’emploi, la mise en place obligatoire du PSE au sein des entreprises d’au moins 50 salariés qui envisagent le licenciement collectif pour motif économique d’au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours, peut s’effectuer, au choix de l’employeur :

 

    • soit par la négociation d’un accord collectif déterminant a minima le contenu du PSE, signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (OSR) ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique. Cet accord collectif est soumis à la validation de la Dreets.
    • soit par un document unilatéral élaboré par l’employeur qui doit ensuite faire l’objet d’une homologation par la Dreets.

 

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 avril 2022, un accord PSE avait été validé par l’administration. Un syndicat non-signataire avait alors saisi le tribunal administratif pour obtenir l’annulation de cette décision en invoquant l’absence de représentativité de l’une des organisations syndicales signataires qui avait pourtant obtenu 80% des suffrages exprimés lors du premier tour des élections professionnelles, au motif qu’elle ne respectait pas le critère de la transparence financière.

Si le tribunal administratif a rejeté cette demande, la cour administrative d’appel de Marseille y a fait droit et a annulé ce jugement ainsi que la décision de validation de l’accord portant PSE.

La société s’étant pourvue en cassation, il appartenait au Conseil d’Etat de se prononcer sur l’étendue du contrôle opéré par l’administration et de déterminer si ce contrôle s’étendait aux critères de représentativité des syndicats signataires, et en particulier à celui de la transparence financière.

Dans cette affaire, la haute juridiction répond positivement à cette interrogation et précise pour la première fois les modalités du contrôle par la Dreets de la représentativité des organisations syndicales signataires de l’accord PSE, s’agissant en particulier du critère de la transparence financière.

 

Extension du contrôle administratif aux critères de représentativité du syndicat signataire

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions relatives aux prérogatives de l’administration en matière de contrôle de validité de l’accord PSE, lesquelles (C. trav., art. L. 1233-57-2, 1°) renvoient expressément à l’exigence d’un accord majoritaire signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (C. trav., art. L. 1233-24-1).

 

Conformément à ces dispositions, le Conseil d’Etat rappelle le principe déjà énoncé dans des décisions antérieures suivant lequel il appartient à l’administration, saisie d’une demande de validation d’un accord PSE, de vérifier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’accord qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant obtenu 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles (CE, 22 juillet 2015 n° 385668 ; CE, 30 mai 2016 n° 385730 ; CE, 12 juin 2019 n° 420084).

Sur ce fondement, le Conseil d’Etat avait admis l’obligation pour l’administration de s’assurer de la qualité des signataires de l’accord PSE, qu’il s’agisse de la partie syndicale (vérification de la qualité de délégué syndical) ou encore de la partie employeur (vérification de la qualité des personnes engageant la direction).

 

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat décide que ces exigences intègrent l’obligation pour l’administration de vérifier que les syndicats signataires respectent les critères de représentativité énoncés à l’article L. 2121-1 du Code du travail.

 

Ainsi, le contrôle par la Dreets du caractère majoritaire de l’accord PSE doit également porter sur l’appréciation du caractère représentatif des organisations syndicales signataires au regard des sept critères visés par cet article : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale, audience, influence et effectifs d’adhérents et cotisations.

 

En l’espèce, selon le Conseil d’Etat, le critère de la transparence financière pouvait donc valablement être contesté et il appartenait à l’administration d’apprécier si ce critère était rempli par le ou les syndicats signataires à la date de signature de l’accord.

 

Cette extension du contrôle administratif n’allait pas de soi, compte tenu de la compétence exclusive reconnue au tribunal judiciaire pour apprécier la représentativité d’un syndicat dans un délai de quinze jours suivant les élections professionnelles (C. trav., art R. 2314-24). Cet argument était soulevé dans l’affaire en cause, par le ministre chargé du travail dans son pourvoi.

 

Cependant, le Conseil d’Etat balaie cet obstacle à la compétence de la Dreets en précisant qu’en l’espèce l’administration pouvait valablement relever le non-respect du critère de la transparence financière par le syndicat signataire, peu important que la représentativité de ce syndicat n’ait pas été contestée devant le juge judiciaire à l’occasion du contentieux des élections professionnelles.

 

Notons à cet égard que dans une autre affaire dans laquelle la validation de l’accord par l’administration était contestée au motif que l’organisation syndicale signataire ne satisfaisait pas aux critères de représentativité, la cour administrative de Paris a jugé au contraire que l’administration n’avait pas à contrôler le respect des critères de représentativité par les syndicats signataires, en l’absence de décision du juge judiciaire (CAA de Paris, 9 février 2022, n°21PA05776).

 

Ainsi, et contrairement à ce qu’avait jugé la cour administrative d’appel de Paris, la représentativité d’un syndicat signataire de l’accord PSE peut désormais être contestée dans le cadre du contentieux de la validation, alors même que cette représentativité n’a pas été contestée lors des élections professionnelles.

 

Afin d’éviter une annulation de la décision de validation en raison du défaut de représentativité d’une OSR signataire de l’accord PSE, l’employeur aura intérêt :

 

    • en amont, à contester la représentativité d’une OSR dans le délai de 15 jours suivant les élections s’il estime qu’elle ne remplit pas les critères de représentativité ;
    • en aval, à s’assurer que les OSR parties à la négociation de l’accord PSE remplissent effectivement ces critères, sauf à s’exposer au risque d’un refus de validation par la Dreets.

 

 

Spécificités du contrôle administratif relatif au critère de la transparence financière

Dans un second temps, après avoir affirmé la compétence de la Dreets pour vérifier les critères de représentativité des organisations syndicales signataires de l’accord PSE, le Conseil d’Etat examine les conditions d’appréciation du critère de transparence financière invoqué par le syndicat requérant.

 

Pour ce faire, le Conseil d’Etat se réfère :

 

    • aux dispositions légales du Code du travail dont il ressort que les organisations syndicales, soumises aux obligations comptables du Code de Commerce (C. trav. art., L. 2135-1), doivent respecter une procédure de publicité de leurs comptes (C. trav., art. L. 2135-5) ;
    • aux dispositions règlementaires qui fixent la procédure de publicité des comptes annuels en fonction du niveau de ressources des organisations syndicales.

 

Dans le cas d’espèce, le syndicat dont les ressources étaient inférieures ou égales à 230000 euros à la clôture de l’exercice devait publier ses comptes annuels – établis sous la forme d’un bilan, d’un compte de résultat et d’une annexe simplifiée (C. trav., art. D. 2135-3, D. 2135-8 et D. 2135-9) – sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative, sur son site internet ou, à défaut de site, en Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.

 

La Haute juridiction en déduit que le respect de l’obligation de publicité des comptes des organisations syndicales constitue l’une des conditions à remplir par les organisations syndicales pour respecter le critère de la transparence financière requis pour établir leur représentativité, sauf si elles peuvent faire état de l’accomplissement de cette obligation de publicité par des mesures équivalentes.

 

L’application au cas d’espèce de ces conditions d’appréciation du critère de transparence financière conduit le Conseil d’Etat à conclure que le syndicat contesté ne remplissait pas le critère de la transparence financière dès lors que celui-ci :

 

    • avait seulement publié sur son site internet, lors du dernier exercice clos ayant précédé la signature de l’accord PSE, ses bilans simplifiés sans y inclure ses comptes de résultat ainsi que le tableau en annexe de ses ressources, lesquels n’avaient fait l’objet d’aucune mesure de publication ;
    • ne rapportait pas la preuve de la mise en Å“uvre d’une mesure de publicité équivalente.

 

Le non-respect du critère de transparence financière requis pour établir la représentativité du syndicat signataire concerné justifiait l’invalidation de l’accord PSE et l’annulation par les juges du fond de sa validation par l’administration qui est confirmée par le Conseil d’Etat.

 

Quel contrôle administratif des autres critères de représentativité ?

Par cette décision le Conseil d’Etat juge qu’il incombe à l’administration de vérifier que le ou les syndicats signataires satisfont aux critères de représentativité énumérés à l’article L2121-1 du Code du travail.

Dès lors, on peut s’interroger sur le point de savoir si chacun des six autres critères énumérés par cet article, cumulativement requis avec celui de la transparence financière pour établir la représentativité d’un syndicat, peut être soulevé à l’occasion d’un contentieux portant sur la validation de l’accord portant PSE.

 

La décision du Conseil d’Etat ne parait pas opérer de distinction entre ces critères.

 

Dès lors, cette décision doit être mise en perspective avec les décisions rendues par la chambre sociale de la Cour de cassation qui, s’agissant du contentieux de la représentativité des organisations syndicales, distingue parmi ceux-ci

 

    • ceux qui font l’objet d’une appréciation globale pour toute la durée du cycle électoral – ancienneté, audience, influence et effectifs – ce qui exclut qu’ils puissent être valablement soulevés en cours de cycle pour contester la représentativité d’un syndicat (Cass. soc., 29 février 2012, n°11-13.748 ; Cass. soc., 14 novembre 2013, n°12-29.984) ;
    • ceux qui doivent être satisfaits de manière « autonome et permanente » à l’instar de celui relatif à la transparence financière, tels que l’indépendance et le respect des valeurs républicaines dont la contestation est possible à tout moment du cycle électoral à l’occasion de l’exercice d’une prérogative syndicale et la représentativité du syndicat est appréciée à cette date (Cass. soc., 24 janv. 2018, n°16-20.883).

 

Dans ses conclusions, le rapporteur public souligne, compte tenu de cette jurisprudence, « que seuls les critères tenant au respect des valeurs républicaines, à l’indépendance et à la transparence financière doivent être satisfaits de manière autonome et permanente, ceux relatifs à l’influence prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience, aux effectifs d’adhérents et aux cotisations, à l’ancienneté, dès lors qu’elle est au moins égale à deux ans, et à l’audience faisant l’objet, dans un périmètre donné, d’une appréciation globale pour toute la durée du cycle électoral. »

 

Il appartiendra au Conseil d’Etat de préciser à l’occasion de ses futures décisions s’il entend s’inscrire ou non dans cette jurisprudence et limiter l’étendue du contrôle de l’administration aux seuls critères de la transparence financière, de l’indépendance et du respect des valeurs républicaines.

 

Cette décision risque d’alourdir et de complexifier considérablement le contrôle des accords collectifs portant PSE et pourrait conduire, si elle se confirme, à une désaffection des entreprises pour le choix de la voie négociée au profit d’une mise en place par la voie unilatérale.

Pour y remédier, il serait souhaitable que le Conseil d’Etat précise dans l’avenir l’étendue et les limites de ce contrôle des critères de représentativité.

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