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SLP : le succès fiscal attendu est-il au rendez-vous ?

SLP : le succès fiscal attendu est-il au rendez-vous ?

La société de libre partenariat (SLP) se distingue par sa nature hybride : il s’agit d’un fonds  d’investissements alternatif (FIA), obéissant au régime fiscal des fonds professionnels de capital-investissement (FPCI), qui prend la forme d’une société en commandite simple !

Ce véhicule d’un genre nouveau s’était vu assigner des objectifs particulièrement ambitieux : combler un manque dans la palette des véhicules d’investissement français, concurrencer efficacement les véhicules similaires étrangers (en particulier luxembourgeois1) tout en garantissant la neutralité fiscale des investissements opérés par les résidents et non-résidents. L’occasion pour nous, deux ans après l’introduction de la SLP en droit français, de rappeler les principales vertus attachées à son régime fiscal.

Au plan fiscal en effet, la SLP est « transparente », au même titre que le FPCI auquel elle est expressément assimilée par l’article 1655 sexies A du Code général des impôts (CGI). Il résulte de ces dispositions que l’intégralité des règles fiscales régissant les FPCI est transposable aux SLP et à leurs associés. L’administration fiscale a d’ailleurs volontairement renoncé à formuler tout commentaire à l’égard du régime des SLP, considérant qu’il y avait lieu de se référer (et par conséquent de les dupliquer à l’identique) à l’ensemble des développements consacrés aux FPCI dans sa doctrine.

Aucune imposition n’étant donc exigible au niveau de la SLP, dès lors qu’elle est placée –au même titre qu’un fonds– en dehors du champ de l’impôt sur les sociétés (IS), seule la répartition des revenus et/ou des actifs est susceptible de déclencher une imposition du produit correspondant entre les mains des associés.

Le régime fiscal favorable dont sont susceptibles de se prévaloir les associés de la SLP est étroitement lié à l’atteinte par la société du quota juridique et fiscal prévu aux articles L.214-28 et suivants du Code monétaire et financier (CMF) et 163 quinquies B II du CGI. En substance, pour que le quota fiscal soit respecté, l’actif de la SLP doit être composé (en principe de manière continue2) à hauteur de 50% au moins – au plus tard à la clôture de l’exercice suivant celui de sa constitution –par des titres de capital ou donnant accès au capital (obligations convertibles ou remboursables notamment)– émis par des sociétés non cotées3 ayant leur siège dans l’Espace économique européen, qui exercent une activité mentionnée à l’article 34 du CGI (essentiellement des activités industrielles et commerciales) et qui sont soumises à l’IS dans les conditions de droit commun (une exception notable étant prévue à l’égard des entreprises nouvelles relevant de l’exonération figurant à l’article 44 sexies du CGI) ou qui y seraient soumises si leur activité était exercée en France.

Et lorsque l’investissement (en titres de capital ou donnant accès au capital) est réalisé indirectement, par l’intermédiaire d’entités d’investissement (au nombre desquelles figurent les FPCI et les fonds communs de placements à risque) ou de sociétés holdings, la fraction du prix de revient des titres du véhicule intermédié représentée par des actifs éligibles est, par transparence, regardée comme répondant aux conditions d’éligibilité au numérateur du quota.

Le respect par la SLP du quota juridique et fiscal permet aux associés personnes morales résidents de France :

  • d’échapper à l’obligation d’intégrer au résultat fiscal les écarts (positifs ou négatifs) de valeur liquidative portant sur les parts de la SLP (article 209 0-A du CGI), sous condition de leur conservation pendant au moins cinq ans4 ;
  • de bénéficier de l’exonération qui s’attache à la restitution des apports libérés dans le cadre de la procédure dite des répartitions d’actifs telle que prévue par l’article L.214-162-11 du CMF, l’excédent ouvrant droit –à condition que tous les apports aient été libérés depuis plus de deux ans au moment de l’attribution– à des taux d’imposition favorables : 0%5 si les sommes réparties sont prélevées sur le produit de cession de titres de capital (hors titres de sociétés à prépondérance immobilière) détenus par la SLP à hauteur de 5% et pendant deux ans au moins, et 15% dans les autres hypothèses emportant cession ou remboursement (articles 38-5, 2°, 219, I a et a sexies 1 du CGI) ;
  • de bénéficier des mêmes taux (0% et 15%), en cas de conservation des parts pendant cinq ans, à raison des plus-values de cession portant sur les titres de la SLP (article 219, I a sexies 2 du CGI).

Le résultat net de la SLP, déterminé dans les conditions de l’article L.214-17-1 du CMF, devrait se révéler peu significatif, dès lors qu’il est composé de produits d’intérêts et de dividendes que viennent obérer les différentes charges exposées à ce titre (essentiellement les intérêts de la dette, les frais de gestion fixes ou proportionnels). Il demeure imposable, lorsqu’il est réparti par la SLP, à 33,33% entre les mains des associés (de même que les plus-values de cession des titres qui
seraient réalisées pendant un délai de cinq ans).

Aussi bien, les attributions opérées par la SLP devraient, en tout cas pour celles consécutives à la réalisation d’une transaction (cession ou remboursement) afférente à des titres de capital (ou droits donnant accès au capital ou obligations), prioritairement revêtir la forme d’une répartition d’actifs, telle que pratiquée habituellement par les fonds traditionnels. L’on précisera que, par souci de cohérence avec la réglementation gouvernant les fonds, les SLP sont tenues depuis la publication, le 28 décembre 2016, du règlement ANC 2016-04 d’appliquer les prescriptions relatives au plan comptable des organismes de placement collectif à capital variable (règlement d’origine de l’ANC 2014-01).

Dans ce cadre, les plus-values nettes réalisées, qui ne participent pas de la détermination du résultat net de la SLP, sont néanmoins distribuables en vertu de l’article L.214-17-2 du CMF, auquel cas le dividende versé y afférent est taxé, et ce dès le premier euro, dans les conditions de droit commun.

La décision de l’assemblée générale de capitaliser les plus-values emporte inscription dans un sous-compte (compte 101) du compte capital social et leur répartition ultérieure – opérée par la voie des « répartitions d’actifs » (débit d’un compte de capitaux propres 109) –emporte taxation, sous les conditions précédemment exposées, selon les règles issues des dispositions combinées des articles 38-5, 2° et 219, I a sexies du CGI (absence de toute imposition jusqu’à complet remboursement des titres, taux de 0% ou 15% au-delà).

Quant à la part de la répartition représentée par le prix de revient comptable des actifs cédés (ou remboursés) elle obéit au même régime fiscal (remboursement d’apports, puis 0% ou 15%) dans le cadre de la procédure de l’amortissement du capital social.

Les souscripteurs personnes physiques (résidents de France) bénéficient quant à eux, sous réserve de l‘atteinte du quota fiscal par le fonds, d’un régime d’exonération à l’impôt sur le revenu6 (article 163 quinquies B du CGI) à condition de prendre et de respecter l’engagement de conservation des parts pendant cinq ans et de réinvestissement immédiat des sommes réparties pendant cette période. Les prélèvements sociaux demeurent toutefois exigibles (17,2% à compter du 1er janvier 2018).

A la lumière des développements qui précèdent, il apparaît que les associés (résidents de France) de SLP bénéficient d’un régime fiscal favorable pour autant que certaines conditions (tenant à la conservation des parts, à la nature des sommes réparties par la SLP, etc.) soient réunies. Des zones d’ombre subsistent certes encore sur le plan fiscal, s’agissant en particulier de la faculté pour les SLP (ou leurs associés) de se prévaloir des conventions fiscales bilatérales et elles font l’objet de développements infra7. Gageons que si les clarifications appelées de leurs voeux par les praticiens du private equity et leurs conseils venaient à être apportées, la SLP devrait trouver la place qui lui était promise au sein de la famille des véhicules français.

Notes
1 Les SIF et SCSp de droit luxembourgeois mais aussi les QIF de droit irlandais.
2 Etant précisé que, par mesure de tempérament, le quota doit être respecté à la clôture de chaque inventaire semestriel (sauf situation abusive).
3 Une dérogation est admise (dans la limite de 20% de l’actif de la SLP) pour les sociétés de faible capitalisation boursière (moins de 150 millions d’euros).
4 Afin de préserver l’absence d’imposition des écarts de valeur liquidative, les répartitions d’actifs –dont il sera question ultérieurement– ne doivent pas emporter annulation des parts de SLP pendant le délai de cinq ans suivant leur acquisition.
5 Il s’agit d’une exonération totale, sans réintégration d’une quote-part de frais et charges.
6 Ce régime ne trouve toutefois à s’appliquer qu’aux seuls investisseurs qui souscrivent les parts.
7 Voir l’article « Fiscalité de la SLP dans un contexte international : des incertitudes subsistent », par Thierry Granier et Benoît Foucher.

 

Auteurs

Pierre Le Roux, avocat associé, droit fiscal

Lionel Bogey, avocat en droit fiscal

 

SLP : le succès fiscal attendu est-il au rendez-vous ? – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity, supplément n°1441 du magazine Option Finance du 11 décembre 2017
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