Le juge du référé peut-il ordonner la réintégration à son poste d’un salarié licencié en raison notamment de son refus des propositions d’affectations qui lui ont été proposées, alors qu’il a été déclaré apte (avec réserves) par la médecine du travail ?

4 octobre 2021
Le 17 septembre 2021, dans une affaire où le Cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats assurait la défense de l’employeur, la Formation de Référé du Conseil de Prud’hommes de Bobigny, saisie par un salarié, a dit n’y avoir lieu à référé, invité les parties à mieux se pourvoir et condamné le salarié aux dépens.
Les faits de l’espèce étaient les suivants.
Le salarié demandeur à l’instance prud’homale a rencontré certaines difficultés avec un autre salarié au cours de l’exécution de son contrat de travail.
L’employeur a mis un terme à ces difficultés en sanctionnant l’autre salarié et en le changeant de secteur, afin qu’ils ne soient plus au contact l’un de l’autre.
L’état de santé du salarié s’est néanmoins dégradé.
A l’occasion d’une première visite médicale, le médecin du travail a estimé ce qui suit : « Etat de santé compatible avec la reprise à temps partiel thérapeutique, avec une journée complète en présentiel au bureau, et des demi-journées en télétravail, sur un secteur ne comprenant pas la commune où il a rencontré des difficultés et dans un environnement serein, en sécurité et respectant son intégrité physique« .
Lors d’une seconde visite, le médecin du travail a conclu en ces termes: « Etat de santé compatible avec la reprise de son poste, à temps partiel thérapeutique, tel que prescrit par son médecin (sur un temps à définir) de façon prévisible sur une courte période, en garantissant sa sécurité, et limitant le plus possible les déplacements physiques sur la commune de Stains, et en cas de déplacements sur cette commune, il doit être accompagné par du personnel assurant sa sécurité. Ne doit pas recevoir seul en agence du public issu de cette commune« .
L’employeur a exposé, à plusieurs reprises au médecin du travail ainsi qu’au salarié, que les réserves qu’il a ainsi émises ne lui permettaient pas de maintenir le salarié à son poste.
Il a proposé plusieurs autres affectations au salarié, que ce dernier a toutes refusées.
Depuis les conclusion du médecins du travail et compte tenu des refus exprimés par l’intéressé pour occuper d’autres postes, le salarié a été placé en situation de dispense d’activité rémunérée.
L’employeur, pour mettre un terme à cette situation qu’il considérait comme inextricable, va entreprendre une procédure de licenciement.
Le salarié a saisi la formation de référé du CPH de Bobigny aux fins, notamment :
-
- qu’elle constate le trouble manifestement illicite lié au fait que l’employeur ne l’a pas réintégré à son poste depuis l’avis exprimé par la médecine du travail,
-
- qu’elle constate l’absence de toute contestation sérieuse en ce que l’employeur l’a maintenu en dispense d’activité rémunérée depuis l’avis exprimé par la médecine du travail,
-
- qu’elle enjoigne l’employeur à le réintégrer dans son poste, sous astreinte,
-
- qu’elle condamne l’employeur à des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
La procédure de licenciement s’étant achevée avant l’audience de référé, Maîtres Rodolphe OLIVIER et Karim BENKIRANE, qui représentaient l’employeur, soutenaient que les demandes du salarié ne pouvaient prospérer.
La Formation de Référé a suivi cette position. Elle a estimé que les demandes (notamment celle tendant à la réintégration) se heurtaient à une contestation sérieuse et qu’il appartenait au salarié, s’il estime qu’il a fait l’objet de discrimination et que ses conditions de travail n’ont pas été respectées, de saisir le juge du fond.
Related Posts
Mise en place du comité social et économique: les tribulations de l’établis... 26 mars 2019 | CMS FL

La rupture conventionnelle : rappel des derniers enseignements jurisprudentiels... 20 octobre 2015 | CMS FL

Ruptures du contrat de travail et transaction : les écueils à éviter... 15 juillet 2013 | CMS FL
La maladie et l’inaptitude physique : les obligations du salarié et de l’em... 11 mai 2016 | CMS FL

La lettre de licenciement notifiée en recommandé AR : une condition indispensa... 22 octobre 2020 | CMS FL Social

Le harcèlement moral : l’épreuve de la preuve... 10 juin 2013 | CMS FL
Négociation dans les entreprises d’au moins 50 salariés sans délégué synd... 28 mars 2018 | CMS FL

Licenciement pour motif économique ou pour inaptitude : l’obligation de r... 17 février 2016 | CMS FL

Articles récents
- Les personnes engagées dans un projet parental sont protégées des discriminations au travail
- Le licenciement d’un salarié victime de harcèlement est-il toujours nul ?
- Entretien préalable : faut-il informer le salarié de son droit de se taire ?
- Courriels professionnels : un droit d’accès extralarge
- La loi élargit l’action de groupe à tous les domaines en droit du travail
- Exploitation du fichier de journalisation informatique à des fins probatoires : les conditions posées par le juge
- Enquêtes de mesure de la diversité au travail : les recommandations de la CNIL
- Violation de la clause de non-concurrence et remboursement de la contrepartie financière : une règle qui s’applique si la clause n’est pas valable
- Transposition de la directive : la transparence des rémunérations dès l’embauche
- Canicule : Nouvelles obligations relatives à la prévention des risques liés à la chaleur au travail