Licenciement après la conclusion d’une rupture conventionnelle : dans quelles conditions et avec quels effets ?

18 juillet 2025
Conformément aux dispositions des articles L.1237-11 et suivants du Code du travail, l’employeur et le salarié peuvent décider de mettre un terme d’un commun accord à la relation contractuelle qui les lie en concluant une rupture conventionnelle.
Celle-ci ne peut devenir effective qu’après l’expiration d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel chacune des parties peut revenir unilatéralement sur son accord et à la condition que l’administration (DREETS), saisie à l’issue de ce délai, procède à son homologation dans un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande. À défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise.
Par une récente décision, la Cour de cassation se prononce sur les conditions dans lesquelles un licenciement pour faute grave peut intervenir après la conclusion d’une rupture conventionnelle avec un salarié ainsi que sur les effets d’un tel licenciement (Cass. soc., 25 juin 2025, n°24-12.096).
Ainsi, selon que le licenciement intervient avant l’expiration du délai d’homologation ou après cette date, celui-ci produira des effets différents.
Â
L’affaire en cause : un licenciement pour faute grave après l’homologation de la rupture conventionnelle
Dans l’affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation, un salarié a signé une rupture conventionnelle le 15 janvier 2018, dont la prise d’effet était fixée au 30 juin suivant.
Après l’homologation de la rupture par la DREETS le 20 février 2018, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement et lui a notifié son licenciement pour faute grave le 23 avril 2018, après avoir découvert qu’il avait commis des agissements de harcèlement sexuel.
Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir notamment le versement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Débouté de ses demandes par la cour d’appel qui a décidé que la rupture conventionnelle était non avenue dès lors que les faits de harcèlement sexuel étaient établis et que le licenciement pour faute grave, bien fondé, avait rompu le contrat de travail avant la date d’effet de la convention de rupture, le salarié s’est pourvu en cassation.
Â
Un licenciement possible entre la fin du délai de rétractation et la date d’effet de la rupture conventionnelle
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond. Elle énonce en effet « (…) qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, l’employeur peut licencier le salarié entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ».
Ainsi, l’expiration du délai dont disposent l’employeur et le salarié pour se rétracter après la signature d’une rupture conventionnelle ne prive pas nécessairement ni l’employeur ni le salarié de leur faculté de rompre le contrat en recourant à un autre mode de rupture.
Néanmoins, à l’instar de ce qui a déjà été jugé à propos de la prise d’acte de la rupture par le salarié après la fin du délai de rétractation (Cass. soc., 6 octobre 2015, n°14-17.539), un tel licenciement ne pourra intervenir que « pour des faits survenus ou dont l’employeur a eu connaissance au cours de cette période ».
On peut en effet considérer que si l’employeur, qui avait connaissance des faits susceptibles de fonder le licenciement, a néanmoins accepté de conclure une rupture conventionnelle avec le salarié et n’a pas fait usage de son droit de rétractation, il a renoncé à engager une procédure de licenciement.
Â
Une rupture immédiate du contrat de travail qui ne prive pas le salarié de l’indemnité spécifique de rupture
La Cour de cassation apporte néanmoins une précision importante concernant les conséquences d’un tel licenciement sur le droit du salarié à l’indemnité spécifique de rupture.
Elle indique en effet que « toutefois, la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée pour la rupture, naît dès l’homologation de la convention, le licenciement n’affectant pas la validité de la rupture conventionnelle, mais ayant seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par les parties dans la convention de rupture ».
Cette décision confirme une décision antérieure de la Cour de cassation par laquelle elle avait jugé, à propos d’un salarié décédé après l’homologation de la rupture conventionnelle, que « la créance d’indemnité de rupture conventionnelle si elle n’est exigible qu’à la date fixée pour la rupture nait de l’homologation de la convention », ce dont il résultait que ses ayants droit pouvaient prétendre au versement de ladite indemnité (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-21.103).
En d’autres termes, les évènements survenant après la date de l’homologation de la rupture conventionnelle, s’ils peuvent mettre un terme immédiat au contrat de travail sans attendre la date prévue par la convention de rupture, sont sans incidence sur le droit à l’indemnité spécifique de rupture qui demeure acquise au salarié.
En l’espèce, l’homologation étant intervenue avant la notification du licenciement pour faute grave, le salarié pouvait prétendre au versement de l’indemnité spécifique de rupture.
Cette solution est à rapprocher de celle qui est retenue par la jurisprudence lorsqu’il est mis fin au contrat de travail d’un salarié licencié, en cours de préavis, en raison de sa faute grave ou lourde.
La Cour de cassation juge en effet de manière constante que si, dans un tel cas, la faute grave met fin immédiatement au contrat de travail, le salarié conserve son droit au versement de l’indemnité de licenciement qui lui est acquise dès la notification du licenciement même si son exigibilité est reportée à la fin du préavis (Cass. soc., 4 octobre 1990, n° 88-43.274, Cass. soc., 23 octobre 1991, n°88-43.008).
Â
Qu’en est-il du licenciement qui interviendrait entre la fin du délai de rétractation et la date de l’homologation ?
On le voit, la Cour de cassation consacre le droit de l’employeur de procéder au licenciement pour faute grave du salarié avec lequel il a conclu une rupture conventionnelle, même après l’expiration du délai de rétractation et jusqu’à la date d’effet prévue pour cette rupture.
Les effets de ce licenciement seront toutefois différents selon que celui-ci intervient avant ou après l’homologation de la convention de rupture par l’administration. Si, dans les deux cas, le contrat est alors rompu avant la date prévue par la convention de rupture privant ainsi le salarié des salaires qu’il aurait pu percevoir jusqu’au terme du contrat convenu avec l’employeur, il en va différemment du droit au versement de l’indemnité spécifique de rupture.
En effet, alors que le salarié licencié pour faute grave après l’homologation de la rupture conventionnelle conservera son droit à l’indemnité spécifique de rupture, le salarié licencié avant cette homologation en sera privé.
Dans ce dernier cas, la rupture du contrat de travail intervenant après la conclusion d’une rupture conventionnelle produira tous les effets d’un licenciement pour faute grave.
Previous Story
Répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux : le juge saisi doit obligatoirement statuer
Next Story
This is the most recent story.
Related Posts
Traitement social et fiscal des indemnités de rupture : le changement c’est t... 10 décembre 2015 | CMS FL

Rupture conventionnelle et transaction : une délicate combinaison... 5 juillet 2013 | CMS FL
Rupture conventionnelle : le recours au téléservice pour déposer une demande ... 15 décembre 2021 | Pascaline Neymond

La rupture conventionnelle : rappel des derniers enseignements jurisprudentiels... 20 octobre 2015 | CMS FL

Indemnités de rupture de contrat de travail : rappels du régime fiscal et soci... 10 décembre 2020 | CMS FL Social

Accident du travail : pas de licenciement pour faute grave sans manquement à lâ... 5 juillet 2021 | Pascaline Neymond

Le serment juratoire : attention à la discrimination !... 15 mars 2017 | CMS FL

Rupture conventionnelle et deadline pour renoncer à la clause de non-concurrenc... 17 février 2022 | Pascaline Neymond

Articles récents
- Licenciement après la conclusion d’une rupture conventionnelle : dans quelles conditions et avec quels effets ?
- Répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux : le juge saisi doit obligatoirement statuer
- La cour d’appel de Versailles estime que les titres-restaurant relèvent des activités sociales et culturelles
- Maladie et congés payés : nouvelles perspectives
- Les personnes engagées dans un projet parental sont protégées des discriminations au travail
- Le licenciement d’un salarié victime de harcèlement est-il toujours nul ?
- Entretien préalable : faut-il informer le salarié de son droit de se taire ?
- Courriels professionnels : un droit d’accès extralarge
- La loi élargit l’action de groupe à tous les domaines en droit du travail
- Exploitation du fichier de journalisation informatique à des fins probatoires : les conditions posées par le juge